Méthodologie : plus de 200 acteurs de l’accompagnement, majoritairement associatifs, et 50 entrepreneurs ont participé au processus de co-construction. 8 fiches de projections de tendances documentent les évolutions sociales, environnementales et économiques de la société Française, décrivant les ruptures et incertitudes à venir, et les enjeux. 4 experts du travail ont été sollicité. Dans un sondage, 200 acteurs de l’accompagnement se sont prononcés sur 18 hypothèses d’avenir, concernant l’entrepreneuriat et son accompagnement à l’horizon 2040.
La 2éme étape de la démarche avait pour objectif de réunir une quarantaine d’acteurs de l’accompagnement lors d’un atelier pour qu’ils coproduisent une vision partagée et souhaitable à l’horizon 2040. Ce travail s’est appuyé sur la proposition de 3 scénarios prospectifs.
La troisième et dernière étape se voulait orientée vers l’action avec 11 défis collectifs à relever pour faire advenir cette vision souhaitable, soumise à 47 acteurs de l‘accompagnement à l’entrepreneuriat (appartenant à 42 structures différentes), ramenant les défis au nombre de 7.
La dynamique instaurée par ce travail prospectif est appelée à se poursuivre pour nourrir la vision d’avenir de l’entrepreneuriat et son accompagnement.
Quelles valeurs ? Quel rôle dans la société ? Quel écosystème de l’accompagnement ?
Une approche prospective, trop rare pour appréhender l’entrepreneuriat et son avenir, déjà à l’œuvre tendanciellement. N’aurait-on toutefois pas oublié quelques questions clivantes actuelles : le grand développement de personne travaillant seul au détriment d’entreprise employeur, l’évolution technologique dont la place à l’intelligence artificielle, la place de l’innovation, celle de l’évolution du marché et des clients ?
⇒ Entreprendre dans un monde incertain :
1 faire face aux défis climatiques, sociaux et économiques : parmi les grandes ruptures, le dépassement de 9 limites planétaires à ne pas dépasser pour que l’écosystème planétaire maintienne des conditions d’équilibre permettant la vie sur Terre : le changement climatique, le déclin de la biodiversité, la perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore, le changement d’utilisation des sols, l’introduction de nouvelles entités dans l’environnement (métaux lourds, composés organiques synthétiques, composés radioactifs), l’utilisation d’eau douce, la diminution de la couche d’ozone stratosphérique, l’acidification des océans, la concentration des aérosols atmosphériques.
2 Vers une reterritorialisation de l’économie : Il va falloir générer les porteurs de projets à un niveau local et apprendre à faire avec ce que l’on a, tout en continuant à se nourrir des savoir-faire développés dans les autres territoires. Cette relocalisation pose des défis de coopération entre acteurs publics et les acteurs privés et implique de renouveler l’imaginaire de l’attractivité territoriale. Cela implique une sensibilisation accrue des acteurs de l’accompagnement à ces enjeux afin d’être en mesure d’identifier les modèles entrepreneuriaux porteurs, d’anticiper les réglementations environnementales et de concevoir des outils d’accompagnement adaptés.
3 L’économie régénérative : il faut créer des modèles économiques qui peuvent fonctionner sans croissance (du PIB) et mettre en place sur l’ensemble des flux de matières un réembranchement à la bioéconomie (photosynthèse, renouvelable). L’économie régénérative se fonde sur une utilisation des ressources la plus sobre possible. Elle s’attache à concevoir des produits ou des services qui capturent le carbone, régénèrent les sols et la biodiversité, et améliorent la qualité de l’air et de l’eau, favorisant le maintien de l’habitabilité de la terre plutôt que la croissance. Elle s’appuie enfin sur la coopération entre les acteurs qui favorise une intelligence collective horizontale plutôt que la compétition.
⇒ L’entrepreneur en 2040 : quelles valeurs ? quel imaginaire ?
1 L’alignement entre la réalisation de soi et l’activité professionnelle : une plus forte flexibilité pour les collaborateurs, au niveau des contrats, de l’organisation, des horaires ou des modalités d’évolution.
Les valeurs évoluent aussi : l’ambition et le profit sont placés au second plan, alors que la performance et la responsabilité, le partage, la créativité, l’optimisme et la solidarité sont sur le devant de la scène.
2 De nouvelles formes de leadership : Si l’image de la réussite entrepreneuriale passe toujours par la croissance économique et financière, l’entrepreneuriat semble ainsi motivé par une opposition aux entreprises “classiques” qui valorisent les performances technique, commerciale et financière au détriment de la nature, des hommes et des biens individuels, publics et communs. L’enjeu va être de redéfinir l’image sociale de l’entrepreneur (créatif, capable de poser les bonnes questions pour la société et de proposer des solutions pour y répondre). Ce n’est plus le héros d’antan qui a tous les pouvoirs, mais une restauration de la notion d’humilité, de vulnérabilité, d’auto-limitation. En 2040, les entreprises sont obligées de partager largement les profits avec leurs salariés et plus généralement avec les parties prenantes (40 à 45% dédiés aux salariés, 10 à 15% dédiés aux associés et 40 à 45% dédiés au fonctionnement et au développement de l’entreprise).
3 Le bien-être entrepreneurial, une notion clé pour l’accompagnement : le bien-être entrepreneurial s’évalue au croisement de données subjectives (le sentiment d’accomplissement par exemple) et objectives (la sécurité financière notamment) et peut fournir une boussole pour accompagner la diversité des situations personnelles et les modèles d’entrepreneuriat, notamment face aux crises (le cumul des métiers est une autre tendance).
⇒ L’écosystème de l’accompagnement : quelle structuration ? quels financements ?
1 Orienter le soutien public vers l’entrepreneuriat d’intérêt général : Les fonds publics constituent la principale source de financement des structures d’accompagnement, mais ces derniers se réduisent et font peu à peu place aux marchés publics, ce qui participe à l’exacerbation de la concurrence entre les acteurs de l’accompagnement.
Il sera nécessaire de redéfinir la notion d’intérêt général et les conditions d’accès au mécénat dont il faut asseoir la pérennité. A l’avenir, il s’agira moins de mesurer les retombées des financements de l’accompagnement à l’entrepreneuriat en termes de nombre d’entreprises créées ou accompagnées, que de regarder le type d’entreprises créées, les secteurs ou encore les niveaux d’utilité pour la société.
2 Elargir la vision de l’entrepreneuriat : Alors que l’accompagnement de l’entrepreneuriat (et les financements) sont majoritairement centrés vers la création d’entreprise (le nombre de création d’entreprise étant même considéré comme un indicateur de réussite), et moins vers l’accompagnement des entrepreneurs tout au long de leur carrière entrepreneuriale ni vers les types de projets entrepreneuriaux développés et leurs impacts, l’enjeu est d’élargir la conception de l’accompagnement.
On assiste d’autre part à l’émergence de l’entrepreneuriat social, de l’entrepreneuriat collectif et de l’entrepreneuriat de territoire, des dynamiques qui s’inscrivent dans la vague des entreprises d’utilité sociale ou à impact, ou encore les activités artistiques amenées à être considérés comme des projets entrepreneuriaux.
3 Prendre le tournant digital pour améliorer la lisibilité de l’offre d’accompagnement : l’apprentissage en ligne, le crowdfunding ou encore le traitement et l’analyse de données complexes sont des atouts dont on ne peut plus se passer.
⇒ Une vision souhaitable et partagée de l’entrepreneuriat en 2040.
Lors d’un atelier, une quarantaine d’acteurs se sont projetés dans chacun des scénarios prospectifs présentés à l’horizon 2040. Ils ont cherché des solutions pour répondre aux difficultés développées dans les scénarios. In fine, la vision souhaitable de l’entrepreneuriat à l’horizon 2040 est formalisée en 7 points principaux, une vision largement partagée par les 47 acteurs de l’accompagnement qui n’avaient pas du tout participé à la démarche auparavant.
Les 7 points :
1 L’engagement sociétal : l’entrepreneur cherche à générer des actions positives sur les écosystèmes sociaux et écologiques.
2 Coopération et action territoriale : l’entrepreneur coopère avec l’écosystème d’acteurs : citoyens, associations, scientifiques, dirigeants d’entreprises, institutions publiques, collectivités territoriales, etc.
3 Mutation des modèles socio-économiques : si les participants ne présagent pas du modèle le plus adapté, ils évoquent des modèles économiques durables (économie circulaire, régénérative, bioéconomie…), de nouveaux modèles de gouvernance ou de partage de la valeur avec les parties prenantes du projet.
4 Croissances multiples : l’entrepreneur a dépassé le modèle unique de croissance financière et intégré de nouvelles façons de mesurer la valeur créée par l’entreprise, comme la croissance du bien-être, de la santé ou du vivant.
5 Emancipation et réalisation de soi : l’entrepreneuriat est accessible à tous, à tout moment de la vie, pour agir comme un levier d’émancipation et de réalisation de soi; il se sent bien dans son activité, dans sa vie professionnelle et dans sa vie en général.
6 Vision élargie de l’entrepreunariat : . la création d’entreprise commerciale n’est plus la seule porte d’entrée ; associations, collectifs citoyens, projets intrapreneuriaux…, sont désormais considérés d’entrepreneuriat.
7 Accompagnement facilité : l’accompagnement à l’entrepreneuriat a évolué pour prendre en compte l’évolution souhaitée de l’entrepreneuriat (relations aux territoires, nouveaux modèles sociaux économiques, bien-être, engagement sociétal).
Suivent 7 thèmes d’action pour situer le rôle de l’entrepreneur dans la société et comme levier d’émancipation, précisant pour chacun les enjeux, les freins à lever, les idées d’action.
Pour en savoir davantage : https://www.fondation-entreprendre.org/wp-content/uploads/2023/06/Magazine_Fondation-Entreprendre_Entrepreneuriat-Souhaitable-2040_VFF_web.pdf