Quelle évolution pour les taxis et plus encore pour les VTC ?


"Le marché des taxis et VTC parisiens et la pandémie Covid-19", Stacian, janvier 2021

Une approche assez exhaustive rare et une comparaison avec les USA et la Grande-Bretagne.

 

Taxis et VTC ont été frappés de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19, une situation bien plus difficile que celle de l’ensemble de l’économie. Cet impact ne s’est pas pleinement résorbé dans les périodes de déconfinement (l’été 2020 notamment).

⇒ Le marché des taxis et VTC en France

Le marché a progressé bien plus rapidement qu’avant l’existence des plateformes de VTC dans les années 2014-2018. Ainsi, d’après le ministère de tutelle, le nombre de véhicules-kilomètres en VTC a été multiplié par 2,2 en France entre 2014 et 2018 ; la part représentée par la région parisienne étant estimée de 70 à 75% du total de cette activité.

 

Cette croissance s’explique à la fois par une hausse du nombre de véhicules en circulation et du nombre de kilomètres parcourus par véhicule (qui reste toutefois très inférieure à ce même nombre pour les taxis parisiens ou de province : 45 000 km par an contre près de 60 000 km pour les taxis parisiens et de province), avec notamment une part de chauffeurs de VTC qui exercent en parallèle une autre activité.

 

Les inscrits au registre d’exploitation des VTC (REVTC) en France, la donnée la plus fiable sur l’activité, sont passés de 13 500 mi-2015 à 47 500 début 2020 (dont 22 800 pour la zone de la préfecture de police de Paris). Cette croissance spectaculaire intègre masque probablement une part significative d’exploitants devenus inactifs mais toujours inscrits (autoentrepreneurs notamment, 41% en 2019).

⇒ L’impact sur la pollution et les embouteillages

L’impact des VTC sur la congestion des grandes villes est considérable. A Paris, en dépit d’une nette réduction de la flotte automobile au cours des dernières années, la vitesse moyenne de circulation a continué de reculer, et même plus fortement de 2014 à 2018 qu’au cours des dix années précédentes (de 16,4 km/h sur le réseau instrumenté en 2004 à 15,2 km/h en 2014 et 13,9 km/h en 2018).

 

De plus le parc le parc de véhicules restant encore très largement à moteur thermique, la pollution est notoire : seuls 11% des VTC étaient hybrides ou électriques fin 2018, contre 87% en diesel, Ces proportions étant respectivement de 40% et 59% pour les taxis de Paris ; de même, 16% des taxis parisiens dépassaient les 4 ans d’âge, contre 40% des VTC. 

⇒Une comparaison avec l’étranger

A titre de comparaison, aux Etats-Unis, les 9 agglomérations principales représentaient ainsi 70% du nombre de trajets en VTC en ne pesant que moins d’un quart de la population du pays. Sur l’ensemble des États-Unis, le nombre de trajets aurait ainsi triplé entre 2012, année où l’activité des plateformes de VTC était encore quasi inexistante, et 2018. Dans la même période, les trajets en taxis auraient diminué de plus de 50% sous l’effet de cette nouvelle concurrence. Les données relatives à New York sont assez similaires, avec une progression très soutenue de l’activité et du nombre de VTC depuis les années 2012-13. 

 

Plusieurs études menées en 2017-2018 sur les grandes métropoles américaines font ressortir un pourcentage compris entre 2 et 22% des utilisateurs de VTC qui n’auraient pas effectué leur déplacement en l’absence de l’offre existante de VTC (12% à New York); par ailleurs, seulement 40% auraient choisi un taxi ou une voiture personnelle pour effectuer leur trajet.

 

A Londres, l’une des rares grandes métropoles avec New York où préexistait déjà un marché important de VTC avant l’apparition des grandes plateformes, le nombre de véhicules et de chauffeurs connaissait un bond majeur entre 2013/2014 et 2017/18 (doublement du nombre de chauffeurs en 3 ans), avant de se stabiliser. 

⇒ les changements réglementaires en cours

A Paris (sous l’autorité du législateur national), comme à Londres et New York (par les régulateurs locaux), des règles ont imposé l’enregistrement obligatoire des opérateurs, des véhicules et des chauffeurs. L’activité a été strictement cantonnée à la course sur réservation, à l’exclusion de la maraude permise aux taxis. Ces derniers ont aussi conservé leurs privilèges de stationnements (stations) et de circulation (voies réservées).

 

Des exigences relatives aux chauffeurs de VTC ont été introduites un peu partout pour assurer une qualité de service minimale aux clients : maîtrise de la conduite, connaissance de la réglementation, maîtrise de la langue officielle et le cas échéant de l’anglais… Les véhicules utilisés, au départ sans contrainte, ont été aussi encadrés, notamment après l’interdiction quasi-totale dans le monde de l’offre des plateformes mettant en relation de simples conducteurs particuliers avec des clients. Certains ont choisi de taxer la circulation dans certaines zones des métropoles (mise en œuvre à Londres, dans de nombreuses agglomérations américaines, souvent évoquée à New York), en traitant le cas échéant différemment taxis et VTC, d’autres de limiter purement et simplement le nombre de VTC autorisés, pour une période limitée et renouvelable.

 

En dépit de ces régulations, le secteur et d’abord l’activité de VTC semblent marqués par une fraude encore importante. A Paris, d’après les données de la préfecture de police, près de 3 000 infractions ont été relevées en 2019, en particulier au titre d’une signalisation manquante, d’un usage de carte professionnelle falsifiée ou utilisée par un autre chauffeur que son titulaire, etc.

A New York, le régulateur constate une fraude toujours endémique, en particulier s’agissant de la maraude interdite de VTC dans la ville (plus de 10 000 infractions sanctionnées en 2019) ou des chauffeurs ou intermédiaires opérant sans licence (plus de 7 500 verbalisations en 2019).

 

Contrairement aux taxis pour lesquels le tarif des courses est fixé par le régulateur (ainsi que le nombre de licences), les chauffeurs VTC dépendent exclusivement des plateformes pour le prix, la fourniture et l’exécution des prestations. La question du lien de subordination des chauffeurs aux plateformes a ainsi contraint celles-ci à ajuster un certain nombre de leurs règles internes, par exemple en permettant aux chauffeurs d’exercer sur plusieurs plateformes à la fois ou encore en supprimant les sanctions relatives à leur absence de réponse à des courses proposées pendant leur temps de connexion.

⇒ Les chauffeurs de VTC, une population au turn-over élevé et souvent précaire

En France, les données publiées par l’Insee début 2020 et relatives à l’année 2016 illustrent la faiblesse des revenus de ces chauffeurs, le revenu moyen étant près de moitié inférieur à celui des chauffeurs de taxis, et proche du niveau du RSA, voire en moyenne de 650€ par mois selon l’Acoss.

 

La précarité structurelle de la profession de chauffeurs VTC explique le turn-over élevé observé un peu partout, et qu’on peut estimer supérieur à 20% à Paris au vu des statistiques sur l’évolution de l’effectif et le nombre de nouveaux entrants dans la profession (après succès aux examens). Cette volatilité s’explique aussi par les effets temporaires de dispositifs, en particulier l’Acre, qui constitue une forte incitation à l’entrée d’un demandeur d’emploi dans cette profession où la barrière à l’entrée reste faible, avant son extinction au bout de 3 ans d’activité (et désormais, depuis 2020, après un an) ; le revenu net du chauffeur, qui serait de 10 740€ pour l’année en temps normal, atteindrait environ 26 000€ la première année d’activité pour un chauffeur-entrepreneur cumulant l’Acre et l’Arce.

 

Une stabilisation progressive observée avant la pandémie
A Paris, s’agissant des taxis, le nombre d’autorisations de stationnement (ADS) est resté relativement stable depuis 2015 (18 524 ADS au maximum début 2020 contre 17 770 en 2015).  La régularisation des anciens chauffeurs sous statut « Loti », semblait se tasser en 2020 ; la préfecture de police fait ainsi état d’un nombre d’inscrits qui aurait progressé de moins de 10%
entre la fin 2018 et la fin 2019. Par ailleurs, une partie des inscrits seraient là aussi sans activité effective : la profession connaît un taux de turn-over très important, avec une part significative d’auto-entrepreneurs économiquement inactifs.

 

Le prix moyen de rachat de place s’était effondré à Paris d’environ 220 000€ fin 2014 à 120 000€ au printemps 2016, se stabilisant depuis à 114 000€ en 2019. Le nombre de transactions a par ailleurs été relativement similaire en 2018 et 2019.

 

Les effectifs salariés du secteur des taxis et des VTC recensés par l’Acoss (y compris dirigeants assimilés salariés, par exemple en SASU), et qui constituent donc une part de la population des chauffeurs taxis et VTC, ont modérément progressé au cours des dernières années (+2% en2018, +4% en 2019, à 29 582 pour la France entière).

 

Enfin, après un bond des candidatures en 2019 aux examens de taxis et VTC principalement attribuable aux candidats VTC, on observe une stabilisation en Ile-de-France. En 2018, le nombre de nouveaux admis aux deux professions dans l’année était de 8 301; le taux de succès aux examens est par ailleurs élevé (taux d’admissibilité en Ile-de-France de 79% en 2018 , de 70% en 2019 et de 77% en 2020).

⇒ Il en est de même à l’étranger : une forme d’équilibre offre-demande semble se dessiner.

A Londres, l’année 2019 a marqué un léger recul, avec une diminution de 2% des trajets par rapport à 2018 (dans le contexte d’une hausse de 0,4% de l’ensemble des trajets). Le nombre de chauffeurs de taxis passait sous les 20 000 en 2019/20, tandis que celui des chauffeurs de VTC augmentait légèrement à 115 000 après deux années de recul, et toujours endessous de son pic de 2017 (près de 120 000).

 

A New York, une même tendance est observable. Le nombre de VTC a diminué d’environ 2 000 entre 2018 et 2019, résultat à la fois d’un « cap » imposé aux opérateurs de VTC sur le nombre de véhicules autorisés et d’une activité elle-même saturée.

⇒ Avec la pandémie

Sur l’ensemble de l’année 2020, le recul de l’activité à Paris peut être estimé à au moins 40% pour les taxis, et certainement davantage pour les VTC. 

Des observations sont similaires peuvent être faites à Londres, où le trafic a chuté jusqu’à 90% pour les taxis et 80% pour les VTC au cœur du premier confinement (avril 2020) pour converger progressivement vers un recul de 40% pour les VTC et de 55% pour les taxis fin août – début septembre, lorsque l’activité économique était à peu près revenue à la normale.

 

Une demande durablement affectée par plusieurs freins ?

 

-Le téletravail : de marginale auparavant, la pratique deviendrait très répandue dans les services à l’avenir. Dans le même temps, l’activité de formation, de congrès, de conférences semble devoir être durablement réduite au profit de webinars et autres réunions à
distance.

 

-Une diminution structurelle du tourisme et des voyages d’affaires : a la fois avec le recours aux conférences à distance, à la fois du fait des restrictions pour protéger l’environnement et le climat.

 

– Une diminution de la population à Paris et en petite couronne : la population de Paris a diminué de 20 000 et vieillissait sensiblement, mais celle de la petite couronne progressait de 220 000, et celle de la grande couronne de 260 000 ; les emplois augmentaient de 26 000 dans Paris, de 67 000 en petite couronne et étaient stables en grande couronne. Mais des scénarios sont envisagés, comme la délocalisation d’une partie des emplois de la régioncapitale vers sa périphérie plus lointaine (grande couronne) ou même très au-delà, à la fois pour des raisons relatives à la différence de prix du foncier et à ces nouvelles possibilités de travail à distance.

 

-Une part plus élevée de la consommation de biens et de repas par livraison

 

– De nouvelles évolutions modales des transports en métropole : au profit notamment du vélo, de la marche ou de nouvelles alternatives comme les flottes de véhicules et scooters électriques en libre-service ou celles des trottinettes électriques ; l’Omnil relevait pour 2019 840 000 trajets quotidiens en vélos en Ile-de-France, 130 000 en trottinettes et 180 000 déplacements en taxis et VTC.A l’inverse, l’usage du véhicule particulier continuait de reculer en cœur de métropole, et la part des transports en commun de progresser.

 

– Une poursuite de la réduction de la place accordée aux voitures sur la chaussée

Toutefois, si un recul significatif de l’usage des véhicules particuliers venait à se confirmer, la demande de VTC et taxi devrait être au moins stable.

 

Pour en savoir davantage : le-marche-des-taxis-et-vtc-parisiens-et-la-pandemie-covid-19-fev21.pdf (wordpress.com)