Méthodologie : exploitation des données Altares et Insee
J’ai comparé les données Insee (en CVS), connues depuis 2 000 et les données Altares dont je dispose des données depuis 2007 ; ces données sont proches ; je préfère quand cela est possible me référer à Altares (données brutes par ailleurs analysées par caractéristiques).
Proposer un nombre de défaillances dans les mois à venir me parait impossible; tout juste peut-on observer le flux des défaillances au cours des années passées et leurs caractéristiques.
Impossible parce que nous devons conjuguer des approches rationnelles avec avant tout des approches irrationnelles d’abord comportementales du coté de dirigeants (paniques, incapacité de faire des prévisions…), mais aussi du coté des acteurs en charge de gérer les différentes procédures ; en effet, la mise en œuvre des politiques publiques (décisions gouvernementales appropriées et claires, ce qui n’est pas toujours la cas actuellement) dépend des décisions que prennent les acteurs les plus concernés, déployant eux-mêmes des comportements qui peuvent être aussi pour partie irrationnels.
Or, pour bâtir un modèle fiable, il nous faut beaucoup de données vérifiées, dont on ne dispose pas.
Rappelons-nous aussi les « délires » de certains modèles universitaires anglais pour prédire le nombre de morts en France (300 000 à 500 000 morts), du fait de l’épidémie en cours.
J’ai regardé les effets de la crise de 2007-2008 sur les défaillances ; plusieurs constats :
– La crise financière a généré des défaillances, bien moins que l’on aurait pu imaginer puisqu’au plus haut du nombre de défaillances (en 2009 avec 63 709), comparé avec les chiffres connus au plus bas (période 2000-2002 avec 44 328), la hausse est de 41%.
– Qui plus est, l’impact doit être observé dans le temps ; en fait le flux des défaillances a été proche entre 2009 et 2015 avec une moyenne de 61 798 défaillances (comme en 2019), le temps que l’économie reprenne souffle ; par contre, entre 2016 et 2019, le flux moyen a été de 55 144 (une baisse de 11%), sans retrouver le niveau d’avant crise.
– J’ajoute que l’on ne connait pas le nombre d’indépendants qui ont cessé leur activité pour problème économique et qui ne sont pas passés par le tribunal de commerce. Ces personnes pourraient solliciter le Rebond.
A titre d’éclairage, le flux des créations non-autoentrepreneurs, signe de confiance dans l’économie, est passé entre 2009-2012 de 256 060 chaque année à 265 915 en 2013-2014 puis a ensuite, année après année, connu de fortes hausses : 301 622 en 2015, 331 239 en 2016, 349 481 en 2017, 382 971 en 2018, 428 931 en 2019, signe de la confiance en l’économie (on ne quitte pas son emploi salarié dans une période agitée sauf à être licencié).
Je reviens aux défaillances observées par périodes (je regroupe les années quand il y a proximité et donc homogénéité, que je compare à 2015, en indice 100, année de rupture avec la crise) :
Selon l’Insee, les défaillances de la période 2000-2002 ont été en moyenne annuelle de 44 328 (la période où le nombre de défaillances est le plus faible), puis de 48 209 entre 2003 et 2006 ; 2007-2008 manifestent la 1ére hausse (en moyenne 53 526 défaillances), avant une hausse plus sensible sur 7 années (2009-2015), avec une moyenne annuelle de 62 454 (données Altares) soit +41% au regard de la période la plus basse et +17% au regard de 2007-2008. Puis la baisse s’est amorcée avec 55 144 défaillances entre 2016 et 2019 (-12% au regard de la période 2009-2015.
Je propose d’observer les défaillances selon les périodes et par grandes caractéristiques
- Selon l’ancienneté de l’entreprise
Les entreprises de moins de 3 ans ont davantage souffert entre 2007 et 2013 que les autres anciennetés (indice 121 au regard de l’indice 100 en 2015 vs 97 pour les 3 à 5 ans, 79 pour les 6-10 ans et 80 pour les 11 ans et plus).
Par contre à partir de 2016, toutes les anciennetés ont nettement diminué en nombre de défaillances (respectivement indices de 86, 86, 88, mais de 97 pour les 11 ans et plus).
- Selon la taille de l’entreprise
Les plus petites entreprises ont mieux résisté en période de crise, du moins celles qui ont déposé le bilan ; mais on ne sait rien de celles qui ont cessé pour raisons économiques sans passer par le dépôt de bilan (notamment bon nombre d’entreprises individuelles).
Avant 2008, la situation est la plus favorable dans la période 2000-2019 ; elle devient plus difficile pour les entreprises avec un nombre conséquent de salariés entre 2008 et 2014 (indice moyen de 107 pour les 20 salariés et plus, de 97 pour les 3-19 salariés et de 95 pour les entreprises d’au plus 2 salariés).
Par contre la baisse des défaillances après 2015 a été plus favorable aux plus grandes tailles (indice 79 pour les 20 salariés et plus, 82 pour les 3-19 salariés et 92 pour les moins de 3 salariés.
- Selon la structure juridique de l’entreprise
Les SARL ont connu de fortes hausses entre 2003 et 2013 (indice moyen de 125, contrairement aux SA et SAS indice de 38), mais celles-ci étaient largement majoritaires au sein des sociétés défaillantes (59% du total des défaillances, mais 86% des sociétés défaillantes). La situation s’inverse à partir de 2015, les SARL ne sont plus que 67% des défaillances de société (indice 75 vs 160 pour les SA et SAS, dont la forme devient habituelle au détriment des SARL).
Les entreprises individuelles pèsent de l’ordre de 20% dans les défaillances. La procédure de défaillances ne leur est pas d’abord adressée d’une part ; d’autre part le recours à cette procédure peut s’avérer plus couteux qu’une cessation simple négociée avec les créanciers.
Avec un indice moyen de 73 entre 2003 et 2008, la hausse entre 2009 et 2014 est plus que faible (100,7), suivi d’une baisse entre 2016 et 2019 (indice de 85).
- Selon le type de procédures
Les liquidations immédiates sont la majorité (entre 69 et 70% des défaillances), alors que les redressements judiciaires comptent pour environ 30% et les sauvegardes pour 2% environ.
Les liquidations immédiates concernent avant tout les plus petites entreprises (88% sont le fait d’entreprises d’au plus 5 salariés).
Le nombre de défaillances en région
Le tableau suivant fournit le nombre de défaillances dans les anciennes régions. Malheureusement à partir de 2019, Altares ne connait plus que les nouvelles régions, d’où le dernier nombre connu en 2018 pour le anciennes régions et l’indice 2018 au regard de 2015, année où il y a le plus de défaillances.
Le classement des régions est la moyenne des indices pondérés ; comme vous le constatez la Corse, l’Ile-de-France, puis le Grand Est offrent le taux de défaillance sur 2004-2018 le plus élevé, alors que les régions Haute-Normandie et Pays de Loire ont les moyennes globales les plus faibles.
Pour compléter et relativiser ce travail, il faudrait aussi calculer le taux de défaillance au regard du nombre d’entreprises en activité.