Quelques données sur la prévention des entreprises en difficulté au sein des tribunaux de commerce.


"L’OFFICIEL DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES : 4éme trimestre et bilan 2024", Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), lu avril 2025

Méthodologie : les données concernées incluent toutes les entités légales (y compris les entrepreneurs individuels, les professionnels libéraux et les associations) qui ont fait l’objet d’une décision d’ouverture de procédure collective. 
Elles sont transmises directement par l’ensemble des études d’AJMJ de façon hebdomadaire par une interface de programmation d’application (API) directement reliée à leurs logiciels métiers. Cela permet à l’Observatoire d’obtenir l’exhaustivité des procédures, mais également un certain nombre d’informations sur l’entreprise et sur la procédure qui sont absentes des publications officielles au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
La défaillance d’entreprise correspond ici à l’ouverture d’une procédure collective : c’est-à-dire une sauvegarde, un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire directe auprès d’un tribunal de commerce ou judiciaire. Cela concerne aussi les ouvertures après résolution du plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement. Une entreprise peut ainsi être comptée plusieurs fois dans les statistiques lorsqu’elle est confrontée à des difficultés qui se répètent.

 

Cette étude permet d’approcher l’importance des mesures proposées par les tribunaux de commerce pour la prévention des entreprises en difficulté, afin d’éviter ou préparer l’entrée en procédure collective de défaillance.

⇒ Le décalage avec les données Altares

J’ai publié les chiffres des défaillances en 2024 (source Altares) : https://letowski.fr/17-de-defaillances-en-plus-au-regard-de-2023-soit-67-830-defaillances/

 

Le nombre de défaillances proposé par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est trés proche de celui d’Altares : 65 683 défaillances vs 67 830 pour Altares dont 19 728 redressements judiciaires (19 641) et 44 359 liquidations judiciaires directes (46 640).

Je n’analyserais pas ces nouvelles données relatives au défaillances, mais je reprends quelques commentaires sur l’évolution fine de certaines activités :

 

– Les services aux entreprises : les entreprises de conseil en logiciels et systèmes informatiques (366 défaillances), sont en hausse de 33% en un an, et de 53% de 2018 à 2024. Celles de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion (955 défaillances) augmentent 27% en un an et de 61% de 2018 à 2024. Les activités de design (257 défaillances) connaissent une hausse de 20% sur un an, et de 84% de 2018 à 2024. Il en va de même pour les structures de conseil en communication et relations publiques et pour celles proposant des services de traiteurs avec une augmentation respective de 41% et 38% sur la période 2018-2024.

 

-L’immobilier : le déclin du marché de l’ancien et de la construction de logements neufs a eu un effet puissant sur la situation des agences immobilières : 1 096 défaillances (+36% sur un an et +235% de 2018 à 2024). Dans les agences de + de 10 salariés (13 défaillances), l’augmentation a même été de +550% depuis 2018.

 

– Le BTP : les entreprises de travaux de maçonnerie et de gros Å“uvre pâtissent le plus du ralentissement (3028 défaillances en 2024, +25% en un an, +28% de 2018 à 2024). On y trouve également les entreprises de terrassement courant et de travaux préparatoires (404 défaillances en 2024, +14% sur un an et +54% entre 2018 et 2024), de plâtrerie (756 défaillances en 2024, +23% sur un an et +34% entre 2018 et 2024), celles de montage de structures métalliques (113 défaillances en 2024, +51% sur un an). 

 

– Le commerce de détail : en 2024, les Français ont eu tendance à moins dépenser pour l’habillement et pour les biens d’équipement du logement. Ces deux secteurs connaissent  une hausse de 52% pour le commerce de détail de meuble (388 défaillances), et de 54% pour celui des commerces de textiles, d’habillement et de chaussures sur éventaires et marchés (37 défaillances). La librairie (61 défaillances) enregistre une hausse de 45% par rapport à 2023. Les commerces de détail de biens d’occasion en magasin (163 procédures collectives), chiffrent + 58% par rapport à 2023 et +75% par rapport à 2018.

 

– Les dépenses de santé : on note une hausse de 93% des défaillances concernant les commerces de détail d’articles médicaux et orthopédiques, peu ou mal remboursés (131 entreprises concernées soit + 274% depuis 2018). Concernant les entreprises exerçant une activité vétérinaire, les défaillances augmentent de 75% par rapport à 2023. 

 

– Les voyages et loisirs : la façon d’organiser ses vacances évolue en limitant les intermédiaires, notamment les entreprises de voyagistes : le nombre de défaillances augmente de 42% (mais seulement 17 défaillances) sur une année et de 42% par rapport à 2018. L’augmentation des défaillances des entreprises de location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers est notable avec 172 défaillances (+33% entre 2023-2024, +79% au regard de 2018).

 

La viande : depuis une vingtaine d’années, les Français consomment de plus en plus de volaille et de moins en moins de bœuf ; les entreprises de transformation et de conservation de viande de boucherie (83 défaillances) ont augmenté de 118% entre 2018 et 2024, alors que celles des structures de transformation et de conservation de volaille connaissaient une baisse (2 défaillances).  

⇒ La prévention que le CNAJMJ est le seul à publier.

Conciliation et mandat ad hoc sont des procédures confidentielles et flexibles ouvertes à toute entreprise qui connaît des difficultés financières sans être en situation de cessation de paiement. Le mandat ad hoc, accessible à toute entreprise à titre préventif, permet entre autres choses, de négocier avec les créanciers ou de rechercher de nouveaux financements sans contrainte de durée ni obligation d’accord formalisé.
La conciliation, en revanche, s’adresse aux entreprises dont les difficultés sont avérées, mais qui restent solvables. D’une durée de 4 mois renouvelables une fois, elle vise à aboutir à un accord amiable avec les créanciers, qui peut être homologué par le tribunal pour garantir sa sécurité juridique.
Ces dispositifs permettent d’anticiper et de traiter les difficultés financières avant qu’elles ne deviennent insurmontables.

 

Ce sont 5 227 mandats ad hoc en 2024 (en hausse de 8% par rapport à 2023 et de 19,5% par rapport à 2017) et 3 655 conciliations (en hausse de 9% par rapport à 2023 et de 161% par rapport à 2018).

En 2024, ces mesures de prévention sont pour 26% le fait du commerce/réparation auto et des HCR, 20% des services aux entreprises, 15% des activités immobilières et financières, 14% de la construction, 12% de l’industrie.

Pour mémoire, comparées à leur poids dans les défaillances, sont plus utilisatrices de la prévention les activités immobilières et financières (15% vs 6% des défaillances), les services aux entreprises (20% vs 14) et et l’industrie (12% vs 6) ; alors que le sont moins le commerce/HCR/réparation auto (26% vs 31), construction (20% vs 14).

 

Pour en savoir davantage : https://www.cnajmj.fr/wp-content/uploads/2025/03/Bilan-annuel-2024-de-lObservatoire-du-CNAJMJ-V2-1.pdf