Méthodologie : À partir d’un large échantillon original d’entreprises françaises, issu de l’appariement d’informations comptables et de données sur la défaillance, cette note propose une mesure de l’efficacité des procédures collectives (redressement et liquidation judiciaires, hors procédure de sauvegarde) dans la sélection des entreprises zombies, pour faciliter leur sortie « ordonnée ».
On appelle « zombies », selon l’OCDE, des entreprises ayant au moins dix ans d’âge et dont le revenu opérationnel est insuffisant pour couvrir leur charge d’intérêts pendant trois années consécutives.
La Banque de France qualifie de « zombies » les entreprises qui bénéficient de taux d’intérêt nettement inférieurs à ceux du marché ; les banques les conservent dans leur clientèle tout en leur octroyant des financements à des taux d’intérêt très bas, qui n’intègrent pas la prime de risque correspondant à la situation financière de ces entreprises non rentables, fortement endettées ou insolvables.
Ces entreprises sont 60% à l’être classées zombies encore 3 ans après être entrées dans cette appellation; et pourtant seules 22% seront défaillantes à l’issue de la 3éme année.
Sur la période 2013-2015, ces entreprises en difficulté représentent en France 5,6% du total des entreprises matures; en 2015, 5,3% de firmes zombies piégeaient 4,6% du capital productif et menaçaient 5,3% de l’effectif salarial.
Une faible part des entreprises zombies entrent en défaillance (7% l’année où elles deviennent zombies, 22% au bout de trois ans). Plus de la moitié sont devenues zombies dans les deux années précédant la défaillance.
La part des entreprises zombies apparaît limitée en France quand on compare à d’autres pays, notamment du sud de l’Europe. Par ailleurs, les pays qui affichent un taux de défaillance faible présentent une part relativement élevée d’entreprises zombies; c’est le cas de l’Italie et de l’Espagne, contrairement à la France et à l’Allemagne.
La part des entreprises zombies dans l’économie française est relativement stable sur les 10 derniéres années (légère progression sur la seconde moitié de la décennie); si l’on observe le volume de capital piégé ou le nombre d’effectifs menacés, les variations sont plus marquées. Les entreprises zombies appartenant à un groupe représentent entre 0,8 et 1,5% des entreprises matures selon les années de 2006 à 2015, contre 3,6 et 5% pour les entreprises zombies indépendantes; mais la faible part d’entreprises zombies de groupe menace une part d’emploi très largement supérieure à celle des entreprises indépendantes (6,8 contre 3,3%) et piège aussi davantage de capital (2,2 contre 1,8%).
Les secteurs les plus touchés sont l’immobilier et l’information et communication, peu la construction. On retrouve au niveau sectoriel le constat établi précédemment à l’échelle des pays : moins les entreprises sont défaillantes, plus la part des entreprises zombies est importante. Les secteurs aux taux d’entreprises zombies les plus faibles sont aussi ceux qui ont les meilleurs taux de rentabilité.
C’est également le cas quand on regarde par taille d’entreprise ; la part des entreprises zombies parmi les grandes entreprises est élevée alors que leur taux de défaillance est comparativement faible; à l’inverse, il y a moins de zombies parmi les TPE et les PME, mais leur taux de défaillance est sensiblement plus élevé.
Que sont devenues les entreprises zombies ?
Sur la période 2008-2015, les difficultés rencontrées par les entreprises zombies persistent : 62% de celles devenues zombies en 2012 continuent à l’être l’année suivante, alors que seulement 24% réussissent à sortir de ce statut; les 13,8% restant correspondent aux entreprises dont les comptes ne sont plus disponibles dans les bases de données, signe de difficultés importantes et d’une potentielle liquidation; au bout de 3 ans, 1/3 sont toujours identifiées comme zombies (dont 15,2 % défaillantes), 36,7% sont sorties du statut zombie, et 30,2% ne déposent plus leurs comptes (dont 4,8% défaillantes). Au total, seulement 21,7% des entreprises devenues zombies sont défaillantes trois années plus tard, la plupart (15,2%) étaient encore zombies.
On constate que la part des entreprises zombies non défaillantes s’élève à 43%, et celle des entreprises défaillantes non zombies à 34% ; le reste (autrement dit les entreprises zombies et défaillantes) représente 23% du total, une proportion relativement faible.
La proportion des entreprises zombies étant relativement faible en France, on peut considérer à cet égard que les procédures de défaillance jouent bien leur rôle, d’autant que ce sont les entreprises zombies les plus en difficulté qui présentent la probabilité la plus élevée d’entrer en défaillance. De fait, l’OCDE considère le régime d’insolvabilité français parmi les meilleurs des pays avancés.