6 différents type de pratiques de débrouille pour économiser.


"LA VITALITÉ DE L’ÉCONOMIE DE DÉBROUILLE : SYMPTÔME DU DÉSARRIMAGE DES CATÉGORIES POPULAIRES ET (EN MINEUR) DES ASPIRATIONS À UNE ALTERCONSOMMATION", Fondation J Jaures, février 2024

Les différents aspects et manifestations de cette économie de débrouille sont décrits ici, sans pour autant traiter du “travail clandestin”.

⇒ La vente en ligne entre particuliers.

D’après une enquête Ifop au printemps dernier, 9% de la population vend des objets ou des vêtements au moins une fois par semaine via des plateformes et 11% une à deux fois par mois. Cette proportion s’établit même à 33% parmi les 18-34 ans et à 28% chez les 35-49 ans, contre 14% chez les 50-64 ans et seulement 5% parmi les 65 ans et plus. Le fait que cette pratique soit nettement plus répandue au sein des jeunes générations que dans les tranches d’âge les plus âgées indique que nous sommes en présence d’un phénomène émergent.

 

Ils postent désormais leurs annonces en ligne et consacrent une à deux heures par semaine à cette activité pour photographier les produits à vendre, poster les annonces, répondre aux acheteurs potentiels, puis préparer le paquet et l’envoyer (en moyenne 5 paquets, cartons ou enveloppes chaque mois et pour les plus actifs jusqu’à 8 à 10) ; près d’un tiers des acheteurs viennent les chercher chez leur vendeur, Cette pratique rapporte entre 50 et 75€ par mois (nette d’impôts). 

⇒ Bric-à-brac, vide-greniers et foires-à-tout.

On compte près de 50 000 braderies et vide-greniers organisés chaque année en France. D’après les données de l’Ifop, 30% de la population française les fréquentent mensuellement (8%) ou plusieurs fois dans l’année (22%). Ce public se recrute préférentiellement dans les générations les plus jeunes (42% les 18-34 ans, 27 à 30% les 35-64 ans  et 20% les 65 ans et plus). 

C’est en effet parmi les sympathisants écologistes et de La France insoumise (LFI) que la proportion de « bradeux » est la plus élevée (respectivement 38% et 40%). Plus globalement, 3 Français sur 4 ont d’ailleurs déjà acheté un produit d’occasion.

⇒ Les cadeaux de seconde main : une pratique en voie de banalisation.

Selon un sondage Ifop, 43% ont déjà offert un cadeau de seconde main, dont 27% plusieurs fois (pour ceux-là il s’agissait d’un objet qu’il possédait et dont ils ne se servaient pas ou plus, alors que 41% l’ont acheté avant de l’offrir, 32% ayant pratiqué les 2 options). 59% indiquent qu’ils le font depuis moins de 3 ans et 18% depuis 3 à 5 ans. 73% des personnes ayant déjà acheté des objets de seconde main pour les offrir les ont achetés sur internet.

42% des sondés déclarent avoir eux aussi déjà reçu un cadeau de ce type, dont 27% à plusieurs reprises. 

 

La proportion de personnes ayant déjà offert ou reçu un cadeau de seconde main est plus élevée parmi les jeunes générations (62% des 18-24, 55% des 25-49 ans, 35% au sein des 50-64 ans et seulement 24% parmi les 65 ans et plus).

Le bon Coin enregistre une saisonnalité marquée avec des pics de demandes sur les catégories « jeux et jouets » et « consoles et jeux vidéo », dont 30% de la demande annuelle se concentre en novembre et décembre.
53% des personnes ayant déjà offert un cadeau de seconde main l’ont préalablement trouvé et acheté dans une brocante, une braderie ou un vide-greniers. 27% se sont procuré le cadeau offert ensuite dans un magasin spécialisé (friperie, solderie…) et la même proportion (26%) auprès d’associations comme Emmaüs ou le Secours populaire.

 

La propension à recourir à cette pratique est nettement plus fréquente parmi les ménages les plus modestes : 56% des personnes disposant d’un revenu de moins de 900€ ont déjà offert un cadeau de seconde main, 47% celles dont le revenu se situe entre 900 et 1 300€, 41% pour la tranche de revenus de 1 300 à 1 900€, puis à 36% au-delà.

La raison ayant le plus compté dans leur geste, est pour 52% « parce que cela coûte moins cher », puis 40% « parce que c’est plus écologique et qu’il faut lutter contre la surconsommation ». Cette dernière raison est notamment le cas parmi les plus diplômés (47% pour les titulaires d’un diplôme supérieur à bac+2, versus 29% pour les moins diplômés). 

⇒ Affouage, bricolage automobile et covoiturage pour réduire les dépenses énergétiques contraintes.

Face à l’envolée des prix de fioul domestique et de l’électricité, dans de nombreuses régions, on note un regain du chauffage au bois que l’on coupe soi-même. Pour répondre à cette demande croissante, des centaines de communes françaises ont ainsi remis au goût du jour une pratique remontant au Moyen-Âge, celle de l’affouage, consistant à donner le droit aux habitants de couper du bois de manière encadrée sur certaines parcelles des forêts communales. 

 

L’économie de débrouille concerne également la voiture : 24% pratiquent « régulièrement » (7%) ou « de temps en temps » (17%) le covoiturage en tant que conducteur (15% des moins de 35 ans s’y adonnant « régulièrement » contre seulement 5% des 35 ans et plus), motivés plus par des raisons financières (33%) que par des convictions écologiques (18%), 35% déclarent « autant pour les deux raisons ». 

Par ailleurs, on constate aussi la montée en puissance des garages automobiles associatifs ou collaboratifs (3% des propriétaires de voitures y recourent et 37% l’envisagent). 4% ont par exemple installé un boîtier ou un kit permettant de rouler au bioéthanol et 25% envisagent d’y passer prochainement. 4% ont converti leur moteur pour pouvoir utiliser du carburant GPL, 18% l’envisagent (32% dans les milieux les plus pauvres). 

⇒ Le Ouigo, et le flixbus. 

Ce transport à prix réduit concerne 25% des passagers à grande vitesse. FlixBus a transporté, 10 millions de passagers en France en 2022 et dessert près de 120 villes dans le pays.

⇒ Un recours accru au hard-discount.

La proportion effectuant une « part importante » de leurs achats de produits alimentaires et d’entretiens dans ce type de magasins est passée de 43% en 2010 à 49% aujourd’hui. Comme en témoigne le maillage serré de ces enseignes sur tout le territoire national, cette pratique est aussi répandue en province (49%), qu’en Île-de-France (53%).

 

La part des achats effectuée dans ces enseignes est fortement corrélée avec le milieu social (prés des 2/3 des ménages défavorisés modestes y réalisent une part importante de leurs achats de produits alimentaires ou d’entretien), vs 48% pour les classes moyennes et 32-35% pour les plus aisées.

 

La proportion des achats alimentaires achetés est de 64% (79 en 2010) pour les plus défavorisés, 63 (vs 57) pour les ménages modestes, 48% (vs 44) pour les classes moyenne inférieures et 32-35% (vs 32) pour les autres classes plus aisées.

La baisse très significative du groupe des défavorisés s’explique par un décrochage de cette population, dont une partie n’est plus en capacité de fréquenter ce type de magasins et a dû se rabattre sur le recours aux associations caritatives, alors que le recours plus fréquent par les classes aisées renvoient à la stratégie de montée en gamme poursuivie depuis 2012 par Lidl, l’enseigne leader sur ce marché. D’autres enseignes se positionnent sur l’ultra-discount telle Action regroupant actuellement 750 magasins (vs 32 en 2014).

 

Ajoutons les déstockeurs, les faillitaires. En 3 ans, le nombre de passages chez Action ou dans une solderie a augmenté de 87% selon Nielsen. Noter aussi le grand sucés des commerces vendant les stocks de colis non réclamés et  les  dépôts ventes qui alignent chacun plus d’une centaine de magasins en France. 

 

On peut considérer qu’une plateforme comme Vinted, qui compte 1,5 million de vendeurs et acheteurs quotidiens, a joué le rôle d’une gigantesque école de commerce populaire, puisque chaque jour de très nombreux particuliers y acquièrent les fondamentaux de la vente et du commerce (mise en valeur du produit, stratégie de positionnement-prix, saisonnalité de l’offre…) pour écouler leurs vêtements et séduire le chaland.

 

Emmaüs a vu la proportion des produits de qualité suffisante pour être ensuite revendus dans ses établissements passer de 60% il y a quelques années à seulement 40%, au profit des plateformes internet où les Français vendent ou achètent nombre de produits antérieurement dévolus à Emmaüs. Le réflexe du don, nourri par les vieilles matrices chrétienne ou de gauche est ainsi en perte de vitesse. 

 

Pour en savoir davantage : https://www.jean-jaures.org/publication/la-vitalite-de-leconomie-de-debrouille-symptome-du-desarrimage-des-categories-populaires-et-en-mineur-des-aspirations-a-une-alter-consommation/?post_id=54230&export_pdf=1