Cette étude s’intéresse à l’industrie manufacturière en France pendant la période 1994-2007, durant laquelle les nouvelles technologies étaient en plein essor.
L’informatisation soulève des questions sur le devenir de certaines formes d’emplois : environ 10% des emplois existants en France risqueraient à terme d’être automatisés et le le contenu de la moitié des emplois pourrait évoluer de façon significative.
L’usage croissant de l’informatique depuis les années 1990 aurait dégagé des gains de productivité dans les secteurs producteurs de nouvelles technologies mais ces gains seraient moins évidents dans les autres secteurs manufacturiers ; ce constat rejoint celui de l’essoufflement progressif des gains de productivité à l’échelle de l’économie toute entière, comme on peut l’observer en France ou dans la plupart des pays développés.
Dans les secteurs industriels des nouvelles technologies, ceux qui utilisent le plus l’informatique ne sont pas ceux qui dégagent le plus de gains de productivité.
En ce qui concerne les autres secteurs industriels le lien entre l’usage de l’informatique, les gains de productivité ou l’évolution de l’emploi, n’apparaît pas de prime abord. Cette absence de lien n’est pas forcément paradoxale : elle traduit le fait que les différents secteurs industriels n’ont pas les mêmes techniques de production et une structure des qualifications différente. Ce sont surtout les emplois faiblement qualifiés qui sont susceptibles d’être substituables au capital informatique alors que les emplois hautement qualifiés y sont plutôt complémentaires.
La distinction entre secteurs de basse ou de moyenne-haute technologie, ainsi qu’entre travailleurs faiblement ou hautement qualifiés, suffit à distinguer des évolutions contrastées en matière de productivité et d’emploi selon le recours à l’informatique.
L’analyse se place à un niveau sectoriel très fin, constitué d’environ deux cents secteurs répartis de façon globalement équilibrée entre basse et moyenne-haute technologie pour en observer les effets.
Dans ce cadre d’analyse, entre 1994 et 2007, un secteur de basse technologie ayant davantage recours à l’informatique a connu des gains de productivité et des pertes d’emplois en moyenne très nettement supérieurs; les pertes d’emplois liées au recours à l’informatique sont en fait principalement concentrées sur l’emploi peu qualifié; ajoutons, la délocalisation de la main-d’œuvre à l’étranger.
Par contre, dans les secteurs de moyenne-haute technologie, un recours plus élevé à l’informatique n’a pas d’effet significatif ni sur l’évolution de la productivité ni sur celle de l’emploi.
Les tâches y sont de manière générale moins répétitives, davantage assurées par des emplois qualifiés, pour lesquels le capital informatique n’est pas un substitut mais un complément, comme dans le cas de travaux de recherche et développement (R&D).
L’informatisation ne se traduit donc pas par des pertes significatives d’emplois. Il est toutefois étonnant qu’elle n’ait pas d’effet significatif sur la productivité; le retour sur investissement diminuerait à mesure que le processus de production en incorpore davantage.
Si la même analyse est appliquée dans les services, les secteurs qui ont davantage recours à l’informatique connaissent des niveaux d’emploi supérieurs, ce qui s’oppose nettement au constat réalisé dans l’industrie manufacturière. Cependant, il n’y a pas de relation significative entre le recours à l’informatique et la productivité.
L’informatisation semble donc accompagner des changements sectoriels de fond, avec une forte amélioration de la productivité apparente du travail pour les secteurs en déclin et serait un enrichissement en travail pour les secteurs en plein essor (en particulier, l’informatisation avec le recours croissant de l’industrie à l’externalisation et aux services aux entreprises).