La comptabilité nationale distingue cinq secteurs institutionnels : les administrations publiques (Etat, organismes de sécurité sociale, collectivités territoriales, etc.), les sociétés non-financières (industrie, commerce, services), les sociétés financières, les ménages et le reste du monde (les autres pays).
En comptabilisant les revenus, les dépenses et les investissements des quatre premiers, les comptes nationaux retracent l’épargne, l’investissement, la situation de besoin ou de capacité de financement. Le cumul de ces flux de financement alimente le total des actifs et des passifs qui déterminent la position financière nette de l’économie vis-à-vis du reste du monde.
Une économie qui s’endette : l’analyse des flux d’épargne et d’investissement fait ressortir un accroissement du besoin de financement du pays depuis quinze ans et révèle une dégradation de la position financière nette de l’économie française et son interdépendance de plus en plus forte avec le reste du monde.
Globalement, l’économie française en 2011 dégage un flux d’épargne positif (écart entre revenu disponible brut et dépenses de consommation finale de 360,8 Md€, soit un peu plus de 18 % du PIB). Parmi les secteurs institutionnels, seules les administrations publiques ne parviennent pas, avec les ressources propres dont elles disposent, à couvrir leurs dépenses de consommation courante, hors investissements. Le pays présentait en 2011 un besoin de financement de 51 Md€, soit 12,3% de ses investissements totaux. En progression de 8,5 Md€ entre 2010 et 2011, ce besoin n’a pu être couvert que par des flux financiers en provenance du reste du monde.
En Md€ |
Revenu disponible brut |
Consommation finale |
Epargne brute |
Investissements |
Solde |
Administration publique |
457,0 |
489,3 |
-32,4 |
71,2 |
-103,6 |
Sociétés non financières |
136,0 |
– |
136,0 |
201,2 |
-65,2 |
Sociétés financières |
42,6 |
– |
42,6 |
13,9 |
28,7 |
Ménages |
1 365,9 |
1 151,3 |
214,6 |
125,5 |
89,1 |
Economie nationale |
2 001,5 |
1 640,6 |
360,8 |
411,8 |
-51,0 |
Par ailleurs la position financière nette de l’économie du pays en 2010, c’est-à dire la différence entre le total des actifs et passifs financiers, s’élève à 233Md€
En Md€ |
Actif financier |
Passif financier |
Position financière nette |
Administration publique |
888 |
2 025 |
-1 137 |
Sociétés non financières |
4 984 |
7 159 |
-2 175 |
Sociétés financières |
11 446 |
11 107 |
339 |
Ménages |
3 994 |
1 255 |
2 740 |
Economie nationale |
21 313 |
21 545 |
-233 |
Ce montant est faible en regard de l’ensemble des passifs financiers que le reste du monde a, ces dernières années, acquis en France (sur 15 ans, la part des passifs détenus par des non résidents a progressé de 12,7 % à 25,4 % du total des passifs financiers de l’économie française soit 5 470 Md€ de passifs financiers sur un total de 21 545 Md€, dont une part importante de titres de dette publique).
Pendant que le reste du monde acquérait des passifs financiers en France, les agents résidents français, et au premier chef les ménages, augmentaient leur détention d’actifs dans le reste du monde (fin 2010, 44 % des actifs des ménages français, soit 1 716 Md€, étaient investis à l’extérieur, une progression de 20 points par rapport à 1995). Il n’en reste pas moins que les financements apportés à l’économie française par le reste du monde ont été supérieurs aux investissements réalisés à l’extérieur par les acteurs résidents.
La balance des paiements courants connaît depuis 1999 une dégradation continue. La situation française est comparable à celle de l’Italie ou du Royaume-Uni et contraste avec celle de l’Allemagne qui affiche un excédent. La dégradation de la balance des paiements courants résulte pour l’essentiel du déficit des échanges de biens qui s’est creusé de -3,8 Md€ en 2004 à – 73 Md€ en 2011 soit 3,7 % du PIB, notamment vis-à-vis de la zone euro, de la Chine et des pays producteurs de pétrole.
Une contribution importante des banques au financement de l’économie
Le marché bancaire français se caractérise par un petit nombre d’établissements de crédits qualifiés de banques « universelles », regroupant des activités de détail, de crédit et d’investissement ; Les 15 plus grands groupes bancaires français existant en 1996, étaient regroupés en 2011 en cinq ensembles, le nombre total d’établissements de crédit passant de 1445 en 1995 à 656 (dont 204 sous contrôle étranger) en 2011.
Selon l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), les concours du secteur bancaire à l’économie représentaient 2 008 Md€ fin 2010, en progression de 6,5 % par rapport au 31 décembre 2009 :
En Md€ |
2005 |
2008 |
2009 |
2010 |
Répartition 2010 |
Evolution 2010/2008 |
Evolution 2008/2005 |
Entreprises |
577 |
786 |
761 |
781 |
39 |
+2,6 |
+36,2 |
Particuliers |
537 |
743 |
764 |
829 |
41 |
+8,5 |
+38,4 |
Administrations |
151 |
179 |
192 |
204 |
10 |
+6,3 |
+18,5 |
Non-résidents |
104 |
174 |
168 |
194 |
10 |
+15,5 |
+67,3 |
Total des crédits |
1 369 |
1 882 |
1 885 |
2 008 |
100 |
+6,5 |
+37,5 |
Noter que le crédit aux entreprises est en répartition de même niveau que celui aux particuliers ; noter aussi que l’évolution 2010/2008 est nettement moins favorable aux entreprises qu’aux particuliers, alors qu’elle était de même niveau en 2008/2005 ; la hausse des crédits aux particuliers tient surtout au crédit à l’habitat (+65%).
En 2010, l’analyse des comptes du secteur financier fait ressortir qu’en France, l’essentiel est réalisé par les institutions financières monétaires (les banques pour 68%, les assurances et fonds de pension pour 16% et les autres intermédiaires financiers pour 16%) ; 60% des actifs de ces structures sont du long terme, contre 42% pour les passifs.
En mobilisant une partie des 5 786 Md€ de passifs court terme (c’est-à-dire pour l’essentiel les dépôts) dont elles disposent, les banques ont inscrit 3 622 Md€ d’actifs de long terme à leur bilan, soit pratiquement le double de leurs passifs de même durée (1 857 Md€).
Les crédits se décomposent ainsi par type de produit :
En Md€ |
2005 |
2008 |
2009 |
2010 |
Répartition 2010 |
Evolution 2010/2008 |
Evolution 2008/2005 |
Crédits à l’habitat |
539 |
782 |
811 |
888 |
44,2 |
+13,6 |
+45,1 |
Crédits à l’équipement |
341 |
461 |
485 |
508 |
25,3 |
+4,7 |
+35,2 |
Crédits de trésorerie |
260 |
359 |
324 |
334 |
16,6 |
+3,1 |
+38,1 |
Crédit bail |
60 |
71 |
71 |
72 |
3,6 |
+1,4 |
+18,3 |
Comptes ordinaires débiteurs |
52 |
55 |
50 |
53 |
2,6 |
+6,0 |
+5,8 |
Crédits à l’exportation |
18 |
23 |
27 |
34 |
1,7 |
+25,9 |
+27,8 |
Créances commerciales |
27 |
25 |
23 |
24 |
1,2 |
+4,3 |
-7,4 |
Autres crédits |
72 |
106 |
94 |
95 |
4,7 |
+6,4 |
+47,2 |
Total des crédits |
1 369 |
1 882 |
1 885 |
2 008 |
100 |
+6,5 |
+37,5 |
Les financements externes non bancaires :
– Fin 2011, NYSE Euronext Paris assurait la cotation de 586 entreprises (hors fonds d’investissement), dont 58 étrangères, pour une capitalisation totale de 1 197 Md€ (essentiellement pour les entreprises du CAC40). Les PME et les entreprises de taille intermédiaire représentaient en 2010 les trois quarts des cotations, mais leur capitalisation n’excédait pas 5,8 % du total (83 Md€), un marché marginal.
– La part en obligations du passif des sociétés non financières, tout en étant plus importante pour les entreprises françaises que pour leurs voisines européennes, demeure faible au regard des autres sources de financement disponibles, s’élevant à 9 % en 2010.
– Le capital investissement concerne en grande partie des entreprises matures, 70 % de son volume étant constitué entre 2006 et 2011 d’opérations à effet de levier et de capital-transmission (6 Md€ investis en 2011 dans 292 entreprises).
Des entreprises dépendantes du crédit par manque d’autofinancement
–Les entreprises dégagent dans l’ensemble peu de profits : l’analyse de leur évolution en longue période fait ressortir une stagnation du taux de marge moyen (le taux de marge, égal à l’excédent brut d’exploitation divisé par la valeur ajoutée), à un niveau inférieur de près de 10 points à la moyenne de la zone euro, où cet indicateur avait généralement progressé entre 2000 et 2009.
La rentabilité économique nette (égale au ratio entre le résultat net d’exploitation et le capital d’exploitation) après avoir régulièrement augmenté depuis 1996, a connu une chute brutale en 2008 et 2009 ; elle est inégale selon la taille des entreprises (les grands groupes ont en 2010 un taux de marge excédant de près de 5 % celui de l’ensemble des entreprises, alors que les PME ont des marges étroites, qui se sont dégradées sous l’effet de la crise). Selon Eurostat, la part des profits dans la valeur ajoutée des sociétés non financières en France était en 2010 la plus faible de l’union européenne à 27 : stable depuis 10 ans, elle est inférieure de près de 7 % à la moyenne de l’union, l’écart avec l’Allemagne s’étant creusé de 7 % en 2000 à plus de 11 % en 2010.
Une volonté constante de renforcer trésorerie et fonds propres :
D’environ 10 % en 1997, la part moyenne de trésorerie dans le bilan est passée à 17 % à la fin 2010. Ce haut niveau correspondait à une progression tant pour les grands groupes (16 %) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) (16,5 %) que pour les PME (21,5 %), et s’est accéléré avec la crise. Il tenait à la faiblesse des investissements et à la crainte des gestionnaires de voir se réduire leur financement externe de court terme.
Le ratio entre fonds propres et total de bilan des entreprises françaises se situe généralement au-dessus de la moyenne européenne : 42 % pour les PME françaises, contre en Allemagne (32 à 36%). Selon la Banque de France, les 10 % des PME les plus fragiles présentaient en 2009 moins de 7 % de fonds propres dans leur bilan et en 2010, 4 % ; les PME les plus solides totalisaient au contraire près de 80 % de capitaux propres, sans que la crise n’entame leur solidité.
Toutefois le taux d’autofinancement est en repli (100% en 1998, 70% en 2008, 67% en 2010).
A partir de 2009, la forte réduction des investissements a conduit à une diminution du besoin de financement, ramené à 15,8 Md€ puis 17,1 Md€ en 2010. En 2011 toutefois, le besoin de financement des sociétés non financières s’est creusé, atteignant 65,2 Md€, sous l’effet de la hausse des investissements (+14,5 Md€) et de la réduction de l’épargne (-17,7 Md€).
Un recours privilégié au crédit bancaire
Fin 2011, la dette des sociétés non financières françaises représentait 66% du PIB, soit un niveau inférieur à la moyenne en zone euro (environ 70 %). Il est inférieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne où l’endettement progresse, mais demeure plus élevé que celui de l’Allemagne ou des Etats-Unis, proche de 45.
Les PME sont les entreprises les plus consommatrices de crédit bancaire (72 % du nombre de lignes de crédits accordés par les banques entre janvier 2009 et juillet 2010). En 2010, les dettes bancaires représentaient près des deux tiers de l’endettement financier total des PME (65 %) et plus des trois quarts pour les PMI en 2007, contre moins de 20 % pour les grandes entreprises qui, depuis la crise, s’endettent plus fréquemment sur le marché obligataire. Les PME utilisent en outre plus fortement que les grands groupes le crédit pour financer leur équipement (38 % contre 16 %). Leur endettement est en général plus long que celui des grandes entreprises. Les entreprises françaises bénéficient en outre en général d’un crédit moins onéreux que leurs concurrentes ; cependant, selon la Banque de France, les taux appliqués aux PME sont plus élevés que ceux des grands groupes (3,7 % contre environ 2 %). Cet écart s’est creusé depuis 2008 et se double d’un surcoût de frais de dossier pour les PME.
Si le financement des investissements s’est maintenu, celui de la trésorerie a enregistré un ralentissement brutal durant la crise. Alors que la distribution de crédit court progressait de 20 % en juin 2008, elle s’est contractée de plus de 15 % à fin 2009.
Des stratégies alternatives de financement externe
– L’insertion dans un groupe : selon l’INSEE, au 1er janvier 2008, leur nombre s’établissait à 40 700, rassemblant 145 054 entreprises dont 14 % étaient contrôlées par des groupes à capitaux étrangers
– Le crédit interentreprises bénéficie surtout aux grands groupes : le besoin en fonds de roulement d’exploitation représentait en moyenne 35 jours de chiffre d’affaires en 2010 pour les PME et 25 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) contre moins d’une journée pour les grandes entreprises ; celles-ci ont en effet la possibilité de différer le paiement de leurs dettes fournisseurs et d’accélérer le recouvrement de leurs créances clients. Les petits fournisseurs et les sous-traitants souffrent en revanche de l’asymétrie de la relation à leur donneur d’ordre. Globalement, en 2010, les dettes fournisseurs de l’ensemble des entreprises résidentes représentaient 501 Md€, soit près du triple des crédits trésorerie consentis par les banques (177,9 Md€). Un tiers des entreprises continuent de régler leurs factures ou d’être elles-mêmes payées à plus de 60 jours et les retards de paiement ont augmenté en 2011.
Selon le baromètre KPMG-CGPME, près de la moitié des entrepreneurs affirmaient se restreindre dans leurs investissements en raison de difficultés d’accès au crédit. Les chiffres de la Banque de France ont mis en évidence un fort repli de l’investissement en 2009 (- 19,7 % pour les PME, – 14,9 % pour les grandes entreprises), mais également en 2010 (- 10,6 % et – 11 % respectivement).
–Une propension à un investissement peu risqué : les dépenses de renouvellement des équipements ou de mise aux normes représentent traditionnellement une part élevée des investissements (selon l’INSEE, en moyenne 46 % sur la période 1991-2011 et 50 % en 2011, traduisant notamment un attentisme des gestionnaires) ; de même, l’immobilier d’entreprises, qui constitue un investissement de précaution fréquent en France, a également rebondi.
– Un impôt sur les sociétés pesant plus lourdement sur les PME : le taux moyen implicite d’imposition des sociétés non financières françaises est de 27,5 % en 2007 ; pour les 5 000 salariés et plus il est de 19 %, de 28% pour les entreprises de 250 à 5000 salariés, de 39% pour les PME de 10 à
249 salariés, et de 37% pour les micro-entreprises de moins de 10 salariés.
Une allocation de l’épargne sensible à la conjoncture
En 2011, la collecte totale d’épargne financière s’établissait à 93,9 Md€, en repli de 27,2 % par rapport au niveau particulièrement élevé qu’elle avait atteint en 2010 (129 Md€).
Selon la Banque de France les flux d’épargne se sont principalement orientés vers les livrets d’épargne et les comptes épargne logement (36,5 Md€), l’assurance-vie (32,5 Md€), les actions non cotées (15,9 Md€), les comptes à terme (9,8 Md€) et plus marginalement les dépôts à vue (3,4 Md€). A l’inverse, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) enregistrent une décollecte nette (- 13,8 Md€) ; l’épargne en 2011 s’est principalement orientée vers des supports non-risqués (87,4 % du total).
Ces résultats statistiques sont corroborés par l’analyse qualitative du CREDOC : l’objectif dominant des épargnants est la constitution d’une « réserve d’argent en cas d’imprévu », cité par 50 % des personnes disposant d’au moins un placement financier, quelle que soit leur catégorie socioculturelle. Vient ensuite la volonté de transmettre un patrimoine (16 %), de préparer sa retraite (14 %) ou de constituer un patrimoine (8 %). Disposer d’un complément de revenus ou faire une plus-value rapide ne sont cités que par respectivement 6 % et 1 % des sondés.
Une épargne finançant de moins en moins les entreprises :
– Les encours des financeurs traditionnels des entreprises que sont les OPCVM, notamment non-monétaires, se replient ; selon la Banque de France, l’encours total des titres d’OPCVM détenus par les ménages s’est établi à 265 Md€ fin 2010, en progression par rapport à son niveau de fin 2008 (256 Md€) et fin 2009 (253 Md€), sans toutefois retrouver celui de 2007 (286 Md€).
– Les gestionnaires d’assurance-vie apportent une contribution de plus en plus limitée au financement des entreprises résidentes : selon la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), les entreprises d’assurances géraient 1 681 Md€ d’actifs à fin 2010 dont environ 1 317 Md€ pour le secteur vie ; sur cette enveloppe, 940 Md€ (56 %) étaient orientés vers le financement des entreprises (37 % en obligations, 17 % en actions et 2 % en immobilier d’entreprise) ; toutefois, une part importante de l’encours s’oriente à l’international, conduisant à ce qu’une moitié seulement des placements d’assureurs à destination des entreprises bénéficie à l’économie nationale (47 % fin 2011).
-L’épargne réglementée demeure, quant à elle, peu tournée vers les sociétés non-financières
-Et une attraction de plus en plus forte vers l’immobilier.