Une étude quantitative réalisée par Audencia Nantes auprès de micro-entrepreneurs ayant démarré une entreprise avec une mise de fonds totale inférieure ou égale à 8 000 euros et ayant été au chômage et/ou d’allocataires de minima sociaux avant la création, une population que les auteurs dénomment « précarisée » (à partir des enquêtes SINE 2006 et 2009).
Je ne suis pas certain que la définition utilisée ici est pertinente : les faibles capitaux initiaux sont fait habituel dans nombre d’activité (notamment de service) et ne présument en rien une faible pérennité ; le fait de venir du chômage n’est pas synonyme de précarité (le fait que cette population soit bien plus « aidée » financièrement que les autres lui permet des taux de pérennité comparable à ceux issus du salariat, du moins pour les chômeurs de courte durée) ; les plus fragiles sont par contre les ex « inactifs ».
En premier lieu, créer une entreprise pour cette population, c’est d’abord créer son propre emploi (75% contre 63% de l’ensemble des créateurs en France). En second lieu en ce qui concerne les motivations, le souhait d’indépendance est évoqué par 62%, le fait d’être privé d’emploi par 58% ; l’augmentation des revenus apparaît comme étant une motivation moins importante, tout comme la saisie d’une opportunité, l’exploitation une idée nouvelle ou le positionnement sur un marché nouveau (indicateurs qui traduisent l’existence d’une culture entrepreneuriale).
Dans 97% des cas, les nouvelles entreprises créées par des personnes précarisées ne comptent pas plus de deux actifs ; le statut de non-salarié est généralement celui du créateur (indépendant, gérant de SARL, EURL, EIRL) et l’emploi salarié est dans le plus souvent conclu pour une durée déterminée.
Les moyens financiers initiaux sont souvent très faibles : 35% des créateurs ont mobilisé moins de 4 000€, mais il varie fortement selon le secteur d’activité. Le recours à l’emprunt bancaire est faible aussi (18% contre 42% en moyenne). En revanche, la part des subventions atteint 70% chez les personnes précarisées, alors qu’elle n’est que de 45% pour l’ensemble de la population des créateurs ; c’est que 64% ont bénéficié de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprises (ACCRE). Enfin, la part des ressources personnelles dans le financement du projet de création est notablement moins importante chez les personnes précarisées que dans la population totale des créateurs.
L’appui pour la mise en place du projet de création d’une entreprise par un organisme de soutien est plus fréquent (43% contre 31%). Ceci étant, comme l’ensemble des créateurs, les deux tiers des micro-entrepreneurs précarisés ont un entourage entrepreneurial.
Les principales difficultés rencontrées par les créateurs d’entreprise sont les formalités administratives (38%), le financement et les relations bancaires (31%) ainsi que les contacts avec la clientèle (23%) ; ces difficultés sont plus importantes que dans le reste de la population.
3 ans après la création, 54% des créateurs d’entreprise n’ont engagé aucune action de développement de nouveaux produits ou services, ni de mise en place de nouvelles méthodes de commercialisation ou d’organisation de l’entreprise.
Si plus d’un tiers des créateurs d’entreprise disent n’avoir pas connu de problème particulier depuis la création de leur entreprise, 36% des créateurs précarisés (31% dans la population totale) déclarent avoir rencontré des problèmes de type « commercial, débouché, concurrence », juste devant les problèmes d’ordre financier (20%). Plus de 30% déclarent également avoir connu des problèmes fréquents de trésorerie.
Cependant, entre 2007 et 2009, ils ont globalement réalisé des investissements pour un montant de 1 500 à 7 500€ (39% de la population précarisée et 33% de la population totale). Les principaux investissements sont des achats de matériel nécessaire à la production de biens ou de services (34% en moyenne) ou des achats de matériel bureautique (28% en moyenne).
En 2006, 40% des créateurs étaient inscrits comme demandeurs d’emploi. Ce sont eux qui ont les chances de réussite les plus faibles : 62% ont franchi le cap des trois ans en 2009.
D’après l’enquête d’Audencia Nantes, le taux de pérennité des micro-entrepreneurs précarisés est plus important si les sources de financement au démarrage viennent d’emprunts bancaires (61%), de subventions ou primes (58%) ou des ressources personnelles (52%) que s’ils proviennent d’autres sources. Il faut noter que l’obtention d’un prêt bancaire améliore fortement les chances de survie de toutes les entreprises, notamment quand il est associé à une aide.
À l’inverse, lorsque le financement du projet au démarrage se fait à l’aide des ressources personnelles, le taux de pérennité est plus faible pour les-micro entrepreneurs précarisés (52%) que pour l’ensemble des créateurs (62%).