Sélectionnés dans les déclarations annuelles de données sociales (DADS), les salariés ont été interrogés par téléphone après recherche de leur numéro dans l’annuaire. Dans les cas où ce contact était impossible, les enquêteurs devaient se rendre au domicile de l’enquêté. Seuls 14% des entretiens ont finalement été réalisés en face-à-face car les instructions données aux enquêteurs les incitaient à recourir au téléphone en priorité.
Le biais de non-réponse ou d’échantillonnage est le premier risque des enquêtes réalisées exclusivement par téléphone. Parmi le petit nombre d’enquêtes téléphoniques réalisées par l’INSEE, l’enquête Technologies de l’Information et de la Communication 2008 a fait l’objet d’investigations poussées ; elle montre que seuls 55% des ménages étaient dans l’annuaire, les 45% restants étaient soit sur liste rouge ou orange (12%) soit dégroupés totaux (19%), soit mono-équipés mobiles (13%), soit sans téléphone (1%).
Le face-à-face est à l’inverse supposé permettre de couvrir l’ensemble du champ visé. La question des sujets délicats à aborder conduit à prendre en compte celui qui génère le moins de gêne pour l’enquêteur comme pour l’enquêté. A ce sujet, les études anglo-saxonnes menées ont montré la supériorité du recours au questionnaire auto-administré sur les autres modes de collecte pour la déclaration de comportements susceptibles de compromettre les enquêtés ; ceci étant, les observations ont montré que les enquêtes téléphoniques offraient aussi de solides garanties de fiabilité (avec l’exigence d’une qualité méthodologique)
Interrogées au téléphone, les personnes donnent-elles les mêmes réponses que quand elles sont interrogées en face-à-face ? L’enquête Changement organisationnel et informatisation de 2006 (COI 2006) permet d’observer « l’efficience » des 2 méthodes (14% ont été interrogés en face-à-face faute d’avoir pu être contactés par téléphone) ; 70 % des personnes qui n’étaient pas dans l’annuaire et ont été interrogées, l’ont été par téléphone, après que l’enquêteur s’est rendu au domicile et a obtenu un numéro par un proche (téléphone mobile, logements dégroupés totaux, listes d’exclusion).
L’analyse statistique livre plusieurs enseignements :
– Plus de face-à-face quand l’enquêteur est un homme, dans une agglomération intermédiaire (un terrain plus facile à explorer pour l’enquêteur) ;
– les répondants en face-à-face sont plus souvent des femmes, des ouvriers, des personnes en mauvaise santé et peu diplômées (25% des enquêtés face à face sont de niveau études primaires contre 5 ,5% pour ceux issus de grandes écoles) et ont plus souvent des parents nés à l’étranger ;
– les enquêteurs ont plus souvent été amenés à conduire l’enquête en face-à-face que les enquêtrices ;
– les entretiens en face-à-face aboutissent à une description plus critique de leurs conditions de travail ;
– cet écart entre les réponses au téléphone et celles en face-à-face s’élargit à mesure qu’on approche de la fin du questionnaire, comme si la confiance qui s’établit entre l’enquêté et l’enquêteur amenait à une plus grande sincérité du premier au fil de l’entretien ;
– cet écart entre téléphone et face-à-face concerne essentiellement les hommes, qui par exemple hésitent moins à se plaindre d’être mal payés ou mal reconnus dans leur travail en face-à-face ; les femmes semblent livrer leur point de vue aussi spontanément au téléphone qu’en présence d’un enquêteur.
– la tonalité des confidences diffère selon le sexe de l’enquêteur : les hommes se confient et se plaignent plus facilement en face-à-face avec une femme.
– L’entretien en face-à-face, même dans le cadre d’une enquête statistique avec des questions fermées, se situe à mi-chemin entre l’entretien téléphonique et l’entretien qualitatif en face-à-face réalisé par des sociologues de terrain ; plus propice à l’épanchement, il permet par exemple aux salariés d’évoquer plus librement leurs relations de travail, leurs difficultés ou les conflits dans lesquels ils sont engagés
Ces constats doivent bien sûr être nuancés et vérifiés à nouveau.