Le niveau de burnout s’est amplifié chez les chefs d’entreprise, mais la plupart veulent relever le défis.


"L’état de l’entrepreneuriat français et le redémarrage économique post-crise sanitaire " Observatoire Amarok et Labex Entreprendre, mai 2020

Méthodologie : 46 220 chefs d’entreprises, commerçants, artisans, professionnels libéraux et agriculteurs ont été invités à renseigner un questionnaire de 102 questions dont la durée de passation a été d’environ 15 minutes. Au final, 1925 chefs d’entreprise ont renseigné l’intégralité du questionnaire. La collecte s’est déroulée du 16 au 22 avril 2020, un mois après le passage au stade le 14 mars 2020.

Les réseaux consulaires, mis à contribution, se sont mobilisés (notamment les CCI de Côte d’Or, de l’Hérault, du Morbihan, de la Saône et Loire, la CMA de Vendée et la chambre d’agriculture de Saône et Loire), ainsi que la Fédération Française du Bâtiment.

 

Si 30% des chef d’entreprise parlent d’un risque de dépôt de bilan et si leur santé, notamment mentale, est mise à rude épreuve, leur volonté de faire face est toujours là, même si l’avenir leur parait difficile à appréhender.

 

A la question quel est le risque selon vous de déposer le bilan, le chiffre moyen est de 30,5%. “Nous n’avons pas de recul sur cette mesure inédite et liée à la situation actuelle. Mais les corrélations avec la santé indiquent un lien fort. Plus fort que la probabilité de contracter le virus, même de manière grave.”

⇒ Santé mentale, qualité du sommeil des dirigeants

Avec un score de 2,89, la santé mentale est menée à rude épreuve : “habitués à enchaîner de nombreuses heures de travail, la surcharge de travail est leur stresseur professionnel le plus fréquent. Rien ne perturbe davantage le chef d’entreprises que de se retrouver en sous activité. La baisse de régime est vécue comme une angoisse du lendemain. La mesure de la qualité du sommeil vient conforter ce constat.”

Noter un écart type élevé plus que pour les cohortes précédentes enquêtées par Amorok, manifestant un accord fort et plus marqué entre répondants (l’écart type est une mesure de la dispersion des valeurs d’un échantillon statistique; dans le cas présent il est autour de 1).

La cohorte Fondation MMA/Sirene de mars 2019, en raison de sa taille (1501 individus), de sa structure (taille moyenne des effectifs, population Homme/femme, interprofession…) et de sa date de collecte (mars 2019) est une bonne comparaison avec l’enquête COVID-19.

⇒ Une niveau de burnout élevè

Le niveau de burnout s’est accru avec un score de 3,39 vs 2,90 pour l’enquête fondation/Sirene (en 2019 avec 1 501 répondants).

34,5% de la population COVID19 dépasse le score de 4, qui selon Pines, est le niveau où l’on commence à déceler la présence d’un risque vs 17,5% dans l’enquête Fondation MMA. Plus problématique, 9% des dirigeants interrogés (165 individus sur 1925) entrent en phase qui nécessiterait une aide ou une intervention extérieure; “si l’on extrapole avec les données macroéconomiques de la population française des travailleurs non salariés, ce sont près de 300 000 entrepreneurs qui sont actuellement en risque sévère”.

 

Le sentiment d’impuissance et d’être coincé, ainsi que les difficultés à dormir sont exacerbés en cette période de confinement où l’économie tourne au ralenti, voire est totalement arrêtée pour certains secteurs ou métiers. Ce sont les trois déterminants les plus forts du risque d’épuisement professionnel actuel des chefs d’entreprises. Même si ces facteurs habituels demeurent à un niveau élevé (fatigue, sentiment de déception et lassitude), le risque de burnout prend aujourd’hui une toute autre allure, comme s’il avait muté.

⇒ Une vigilance entrepreneuriale atrophiée et limitée

La vigilance entrepreneuriale mesure la capacité d’un entrepreneur à saisir des opportunités. Cette capacité se déroule en trois phases, une première phase de recherche d’information, puis une phase de connexion pour engendrer des idées nouvelles et enfin l’ultime phase d’évaluation et de jugement permettant de trier les idées pour en faire de vraies opportunités.

La phase d’évaluation est celle qui fait passer l’entrepreneur d’un état de vigilance (recherche et connexion) à une véritable vigilance entrepreneuriale (le stade de l’opportunité).

 

Les résultats obtenus montrent que cette phase d’évaluation est actuellement atrophiée (score de 2,85), malgré un niveau de recherche d’information élevé (3,55) mais la phase de connexion entre ces 2 étapes est moyenne (2,95), “comme si l’entrepreneur avait du mal à transformer les idées en opportunités”.

 

“Le fait que l’évaluation accuse la plus forte baisse est doublement problématique pour deux raisons : c’est la seule phase qui est salutogène (bonne pour la santé), alors que la recherche d’informations et la phase de connexion sont pathogènes; c’est qu’une exposition trop prolongée à des sources d’informations anxiogènes rejaillit sur la santé mentale et la qualité du sommeil”.

“L’évaluation des opportunités est le meilleur antidote pour maintenir un bon état de santé et engager un redémarrage efficace. “

⇒ Le capital “salutopreneurial” tient bon

Le capital salutopreneurial se définit comme un ensemble de traits qui ont la double vertu de préserver une bonne santé et de développer l’esprit entrepreneurial. Il fonctionne à la manière d’un capital psychologique, à la fois salutogène et entrepreneurial (salutopreneurial) ; ce concept a été construit sur le principe de deux dimensions clés de la fonction entrepreneuriale :

– La résolution de problèmes évalué par la résilience, la capacité à s’adapter, la capacité à résoudre les problèmes et l’autoefficacité.

– Et  la création de sens, mesuré par l’optimisme et l’espoir, la capacité à conduire des actions en cohérence avec soi-même, la volonté de donner du sens à ses actions et la capacité d’assumer les conséquences des actions conduites.

 

“Ainsi construit, ce capital mesure la capacité d’un individu à s’adapter et à trouver des solutions mais aussi à créer du sens et de la cohérence. Il définit une sorte de décret de la volonté “.

Dans son ensemble, ces différentes caractéristiques augmentent depuis le confinement. C’est la bonne nouvelle de cette étude : à l’exception de l’optimisme qui se dégrade, les autres traits ne sont pas altérés, voire même augmentent. Les capacités à s’adapter, à résoudre les problèmes, à assumer les conséquences et à donner du sens à ses actions sont alors stimulées par la crise. De même, la capacité de résilience est en hausse.

⇒ Conclusion : le retour des corps intermédiaires et des acteurs de proximité

“L’un des grands enseignements de cette crise est le rôle déterminant des corps intermédiaires et des acteurs de proximité. Le réseau consulaire, avec les syndicats professionnels (CPME, MEDEF, FFB…), sont en première ligne pour renseigner les entrepreneurs en quête d’informations économiques, techniques, juridiques… De même, la profession des experts-comptables, que l’on appelle souvent les médecins de l’économie, a assuré un rôle de traducteur des dispositifs publics qui ont évolué sans cesse. Le médiateur de l’entreprise Pierre Pelouzet et son réseau disséminé dans tout le pays ont également agit promptement pour que les banques et les grandes entreprises ne soient pas tentés par les réflexes contreproductifs. “

Mais ” Nous ne le dirons jamais assez, plus la taille est petite plus la santé du dirigeant est le premier capital immatériel de son entreprise”

 

Plusieurs articles des média font état de cette étude, notamment les Échos du 15 mai et la Tribune du 14 mai.

 

Des mesures ont été prises pour accompagner les chefs d’entreprise : les associations du Portail du Rebond, et notamment 60 000 Rebonds, Re-Créer et Second Souffle apportent aujourd’hui des soutiens gratuits; l’Apesa, avec le soutien d’Harmonie Mutuelle, de CCI France et de CMA France ont mis en place avec Bercy un N° permanent d’appel.

 

 

Pour en savoir davantage :  http://www.observatoire-amarok.net/sites/wordpress/wp-content/uploads/2020/05/Létat-de-lentrepreneuriat-français-et-le-redémarrage-économique-post-crise-sanitaire-Observatoire-Amarok-VF.pdf