Deux typologies du monde rural.


« Typologies et trajectoires des territoires », Agence Nationale pour la Cohérences des Territoires, février 2023

Méthodologie : 2 approches complémentaires sont proposées pour définir les fonctions qu’occupent les espaces ruraux :
• Une lecture structurelle, qui montre la pluralité des communes rurales de la France métropolitaine (caractéristiques socio-économiques et enjeux), 
• Une lecture systémique, qui qualifie les contributions actuelles et potentielles des espaces ruraux aux grands enjeux de transitions. 

L’étude vise notamment à produire une analyse, qui part de ce que sont et font les espaces ruraux, sans se référer systématiquement à l’urbain.

 

Une lecture du monde rural qui bouscule nos représentations.

⇒ Une analyse “classique” montre 4 catégories principales :

Les communes résidentielles forment un halo autour des villes : 10 300 communes (33% des communes rurales) et 8,1 millions d’habitants (37%). On y réside, plus que l’on y travaille.

Elles se distinguent d’abord par leur dynamisme démographique, la croissance des emplois et leur forte dépendance aux pôles urbains ; leur distribution géographique suit celle des villes grandes et moyennes. Elles sont aussi très représentées dans les zones frontalières avec le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse, ainsi que dans les grandes vallées de la Seine, du Rhône et dans une moindre mesure de la Loire.

 

-Des petites polarités productives et de services : 5 500 communes (17%) et 7,2 millions d’habitants (33%). Elles chiffrent 46% de l’emploi total des communes rurales, et une moyenne de 108 emplois pour 100 actifs. Parmi ces polarités, on peut distinguer deux sous-types : près de 2 000 polarités « industrielles et artisanales » avec une présence importante d’emplois de fabrication, et près de 3 500 polarités « mixtes » avec une présence d’emplois productifs et de services diversifiés.
Ces 2 types sont relativement dynamiques du point de vue démographique, mais elles sont tout juste à la moyenne pour ce qui concerne la variation de l’emploi. L’enjeu du maintien de ces centralités est déterminant pour l’avenir des espaces ruraux. 

 

-Les communes touristiques occupent les littoraux, les massifs et leurs périphéries : 4100 communes (13,5%) et 2,1 millions d’habitants (10,5%). Elles se divisent en 2 catégories, selon le type de tourisme : celles au tourisme résidentiel (poids important des résidences secondaires) et les communes rurales « spécialisées » dans le tourisme marchand (hôtels, gites et campings).
Leur dynamisme migratoire et économique ne suffit toutefois pas à résorber des taux de chômage élevés. 

 

-Les communes d’ouvriers et d’agriculteurs, les plus en difficulté : 11 000 communes (35%) et plus de 4 millions d’habitants (18%). 4 600 ont une forte proportion d’ouvriers dans leur population résidente (principalement au nord et à l’ouest de la Loire) vs 6 200 une forte présence d’agriculteurs (une vaste diagonale qui s’étend de la vallée de la Soule dans le Pays basque aux collines de l’Argonne). Ces deux catégories ont des géographies très différentes mais ont en commun d’être marquées par l’enclavement ; elles cumulent certains indicateurs négatifs, comme la perte de population, le vieillissement, la précarité des ménages.  47% sont classées en Zone de Revitalisation Rurale.

⇒ Une nouvelle grille de lecture prospective des espaces ruraux

-Des systèmes agro-industriels à accompagner : 36% des EPCI,, 39% des habitants de l’espace rural. On y combine agriculture et industrie, avec des activités économiques fortement tournées vers l’exportation et des firmes multinationales bien implantées, selon des modalités différentes : plutôt dans les plaines, avec de grandes cultures, principalement céréalières, et des industries diverses, liées ou non aux productions agricoles ; plutôt dans les massifs, avec une agriculture tournée vers l’élevage et la polyculture, et des activités industrielles marquées par une spécialisation (aéronautique, construction mécanique, micromécanique dont l’horlogerie, production et valorisation du bois). Ces systèmes présentent un fort potentiel de (re)développement, mais avec des activités économiques fortement exposées à la concurrence internationale et dépendantes de chaînes de valeur mondialisées. 

 

-Des systèmes agroécologiques sous tension : 31% des EPCI composés de communes rurales et 26% des habitants de l’espace rural. Situés dans une grande partie du sud de la France, les zones de montagne, une partie du littoral et dans certains grands espaces agro-naturels (la Thiérache ardennaise, la Sologne, le Morvan mais aussi les régions viticoles), ces espaces articulent espaces protégés et réserves de biodiversité, pratiques agricoles à forte valeur ajoutée et forte pression résidentielle et/ou touristique. Ces espaces sont par ailleurs souvent exposés aux effets du changement climatique et aux aléas naturels (recul du trait de côte, baisse de l’enneigement, risque de feux de forêt, etc.).

 

-Des systèmes agro-métropolitains en périphérie des grandes agglomérations : 18% des EPCI composés de communes rurales et 19% des habitants de l’espace rural. Ils se différencient par les flux domicile-travail (l’agglomération parisienne ou les aires urbaines des autres régions). Ce sont des espaces très attractifs d’un point de vue démographique ; on y trouve une diversité d’activités agricoles et des activités industrielles tournées vers l’exportation ou vers des services productifs (logistiques, par exemple) ; l’agriculture sous forme notamment de circuits courts se développe. Ils apparaissent décisifs pour la transition écologique des grandes villes, du fait de leur fonction d’étape résidentielle, de l’importance des mobilités et flux, et de leur rôle en matière d’approvisionnement de la population (par exemple le maraîchage et la logistique).

 

-Des systèmes agro-techniques à dimension nationale : 14% des EPCI composés de communes rurales et 16% des habitants de l’espace rural ; ils sont situés dans les grandes périphéries métropolitaines, le long de certains axes autoroutiers ou dans certains territoires ruraux plus isolés. Ces systèmes sont les plus impliqués dans des activités techniques directement liées aux enjeux de transition écologique et énergétique. Ce sont aussi les territoires producteurs d’énergie, notamment nucléaire. On y trouve des activités de polyculture-élevage, mais aussi des activités industrielles spécialisées : traitement de l’eau et des déchets, production de biogaz et des activités logistiques. Ce sont des espaces clés pour l’approvisionnement énergétique et les services environnementaux et techniques à dimension nationale. 

 

Pour en savoir davantage : Étude sur la diversité des ruralités « Typologies et trajectoires des territoires » | Agence nationale de la cohésion des territoires (agence-cohesion-territoires.gouv.fr)