La conjoncture pour les ETI.


"ENQUÊTE ETI 2024", Bpifrance, lu août 2024

Méthodologie : 14e enquête de conjoncture menée entre mi-mars et mi-mai 2024. Sur les 835 questionnaires reçus avant le 17 mai, 549 ont été validés pour constitution de l’échantillon d’analyse.

 

Un vaste tour d’horizon pour approcher leur activité (dont l’export), leur développement (investissement, embauche, création de filiale, IA…) et le financement.

⇒ L’évolution attendue en termes de chiffre d’affaires.

♦ En 2024, l’activité des ETI ralentirait de nouveau, notamment dans l’industrie et la construction. Le ralentissement de l’activité serait bien plus modéré dans le commerce-transport -tourisme ; dans les autres services, les perspectives restent plutôt stables, néanmoins nettement inférieures à leur moyenne de long terme.

 

Les perspectives de demande dégradées prennent de l’ampleur, affectant désormais 42% des ETI (+11 points sur un an). 40% se disent affectées par la montée d’une pression concurrentielle.

Ce frein touche particulièrement les ETI de l’industrie-construction, cité par 54% d’entre elles comme l’un des 3 principaux freins à l’activité, contre 42% dans la commerce-transport-tourisme et 33% dans les autres services. Pourtant, les ETI ne sont en moyenne pas plus pessimistes que l’an dernier quant à l’évolution de leurs carnets de commande, sauf celles de l’industrie-construction. 

 

♦ Ce qu’il en est des exportatrices : Si les ETI réalisent, en moyenne, l’essentiel de leur chiffre d’affaires en France (82% du CA total réalisé en 2023, part relativement stable depuis 2011), l’exportation est une source d’activité pour nombre d’entre elles (45% ont eu une activité à l’export en 2023). Toutefois, elles sont moins nombreuses à avoir atteint leurs objectifs à l’export en 2023 qu’en 2022.  

Parmi les ETI ayant des activités à l’export, la part du CA réalisé hors de France était en moyenne de 37% en 2023 (part relativement stable depuis 2011), dont 21% provenant des exportations vers les pays de l’UE et 16% de pays en dehors de l’UE. Les ETI les plus exportatrices (réalisant au moins 25% de leur CA à l’international) anticipent une dégradation bien plus forte de leur activité sur le marché européen que sur les marchés en dehors de l’UE. Mais les moins internationalisées (moins de 5% du CA à l’international) envisagent une baisse notoire bien plus élevée que les exportatrices.

⇒ Les embauches.

♦ Dans un contexte de ralentissement de l’activité économique, les ETI sont moins enclines à embaucher. Les ETI regroupent 81% de leurs effectifs totaux en France ; les embauches y seraient moins dynamiques que durant les années pré-crise sanitaire. Les créations d’emploi ralentiraient le plus fortement dans l’industrie-construction et rejoindraient leur dynamique de long terme ; dans les services, les créations d’emploi ralentiraient dans une moindre mesure, et resteraient plus dynamiques que par le passé. 

Les créations d’emplois à l’étranger ralentiraient également.

 

 Si les embauches parmi les ETI de plus de 500 salariés avaient plutôt bien résisté jusqu’à présent, elles ralentiraient sensiblement cette année, restant plus favorable que sa moyenne historique.

 

♦ Les difficultés de recrutement se dissipent mais restent en tête des freins réels (citées par 57% d’entre elles, après 75% en 2023). Elles sont plus manifestes dans les autres services (64% vs 52-54 les autres activités).

⇒ Leur développement.

La création de filiale : 19% ont créé au moins une nouvelle filiale en France ou à l’étranger en 2023 (en légère baisse au regard des 25% entre la moyenne 2011 et 2019). Cette tendance s’observe davantage dans l’industrie-construction (18 contre 26% en moyenne) et le commerce-transport- tourisme (16 contre 23%) que dans les autres services (24 contre 26%).
Elles seraient aussi moins nombreuses à envisager de créer une nouvelle filiale en 2024 (13%). Ce reflux des projets de création de filiales concerne notamment les projets à l’étranger. 

 

Parmi les ETI ayant créé au moins une filiale en 2023, près de 65% en ont créé au moins une en France (12% des ETI françaises interrogées) ; pour 2024, 72% prévoient d’en implanter au moins une en France (9% des ETI interrogées).

 

À l’étranger, les projets de créations de filiales ou de prise de participations se concentrent avant tout dans les pays de l’UE (68% des ETI ayant des projets en 2024). Cette proportion s’est accrue continuellement depuis le début de l’enquête (en moyenne entre 2011 et 2019, un peu plus de 50% des ETI ayant des projets à l’étranger se tournaient vers l’UE). 
Elles sont de moins en moins nombreuses à s’orienter vers l’Asie (11% en 2024 contre 27 en moyenne entre 2011 et 2019), mais aussi nombreuses à le faire en Amérique du Nord (20% contre 17) et en Afrique (21% contre 19).

 

♦ Les investissements.

En 2023, l’investissement a mieux résisté que ce qu’elles anticipaient un an auparavant. Si elles étaient 35% à prévoir une hausse de leurs investissements, elles ont été finalement 40% à les avoir accrus.

En 2024, l’investissement serait attendu moins dynamique que l’année précédente ; la dynamique de l’investissement s’essoufflerait moins fortement dans l’industrie-construction que dans le commerce-transports-tourisme et les autres services.
Les ETI innovantes s’attendent à un ralentissement de l’investissement aussi marqué que les non-innovantes. 

 

♦ Les investissements verts (TEE) : en 2023, une ETI interrogée sur deux avait consacré une part de ses investissements à sa transition écologique et énergétique (TEE), contre 61% en 2021.

Les investissements verts ont représenté en moyenne 19% des investissements totaux (contre 14% en 2021). Parmi les ETI ayant investi l’an dernier, 30% y avaient consacré plus de 20% (15% des ETI interrogées).

 

Dans l’industrie-construction, 59% ont investi dans leur TEE contre 48% dans le commerce- transport-tourisme et 46% dans les services autres. Toutefois, quel que soit le secteur d’activité, la part des ETI ayant consacré plus de 20% de leurs investissements à la TEE l’an dernier est similaire (entre 15% et 18% de l’ensemble des ETI interrogées).

 

Les principales destinations des investissements verts divergent selon le secteur d’activité. Parmi les ETI ayant investi dans leur TEE en 2023, celles de l’industrie-construction ont davantage investi dans des équipements de production plus performants et de production d’énergie renouvelable que les autres (respectivement 55 et 37% contre en moyenne 47et 27% pour l’ensemble des ETI). Elles ont été également plus enclines à investir dans la R&D (23 contre 16%) et le traitement des eaux usées (18 contre 10%). Les services ont, plus que dans l’industrie-construction, orienté leurs investissements verts vers le renouvellement du parc automobile, l’adoption d’un système de tri des déchets et la formation.

 

Les principales destinations des investissements verts divergent également selon la part des investissements consacrés à la TEE. Les ETI y ayant dédié 20% ou plus de leurs investissements totaux citent plus fréquemment la rénovation énergétique des bâtiments (45 contre 35% pour celles y ayant consacré moins de 20%), l’achat d’équipements de production plus performants (52 contre 45%) ou encore la R&D pour verdir l’activité (21 contre 12%). 

Enfin, les ETI faisant face à des contraintes de financement sont moins enclines à consacrer une part de leurs investissements à leur transition (58% n’ont pas investi dans leur TEE en 2023, contre 42% pour celles n’ayant rencontré aucune difficulté).

 

En 2024, 32% prévoient d’augmenter leurs investissements verts par rapport à l’an dernier (proportion assez similaire selon le secteur d’activité) ; parmi elles, 63% prévoient de les stabiliser, vs les autres de les augmenter ; au total, la croissance des investissements verts s’élèverait à +17% en moyenne (un chiffre proche selon les secteurs).
Au-delà de 2024, 63% des ETI songent accroître leurs investissements verts (dont 45% les augmenter sensiblement). Davantage chez celles de l’industrie-construction et au sein des plus de plus de 500 salariés.  

 

♦ La montée en puissance de certains pays, notamment extra-européens (Chine, États-Unis etc.), sur les technologies décarbonées pose la question du risque d’accroissement de la dépendance des entreprises françaises à l’égard de leurs fournisseurs étrangers, que pourrait engendrer leur TEE. 76% se sentent concernées par le sujet : 37% estiment que la dépendance ne va pas augmenter (6% pensent le contraire), alors qu’1/3 ignore si leur transition accroîtra leur dépendance.

 

Si la décarbonation peut être source de réduction des coûts de production (meilleure efficacité énergétique etc.), elle peut également être source d’augmentation (remplacement d’équipements non encore dépréciés, obligations règlementaires etc.), posant la question d’un risque pour la compétitivité. Pour les ETI, la décarbonation apparaît toutefois davantage comme un avantage compétitif, même si l’impact anticipé dépend beaucoup du marché (24% anticipent une amélioration de leurs parts de marché sur le marché français, contre 6% une dégradation), mais elles sont moins optimistes s’agissant des marchés étrangers (entre 7 et 10% anticipent une amélioration de leurs parts de marché contre 3% une dégradation) ; de l’ordre de 30% affirment ne pas savoir quel sera le sens de l’impact (contre 9% pour le marché français). Les ETI de l’industrie-construction sont les plus optimistes : 32% anticipent une amélioration de leurs parts de marché en France, vs 17 à 24% dans les services et 19% prévoient une amélioration sur le marché de l’UE vs 7 à 8%.

 

Noter que 48% des dirigeants interrogés avaient déjà réalisé un bilan carbone de leur entreprise au moment de l’enquête et 34% l’envisageaient (une proportion en légère hausse sur un an, 45 et 31%). Cette proportion est particulièrement élevée chez les ETI de l’industrie-construction (62% l’avaient réalisé et 29 l’envisageaient). Enfin, 54% des ETI de plus de 500 salariés l’avaient réalisé, contre 35% pour celles de moins de 250 salariés et 45% pour celles de 250 à 500 salariés.

 

♦ Le recours à l’Intelligence Artificielle.

Près d’un dirigeant d’ETI sur trois déclare que l’intelligence artificielle (IA) générative est utilisée au sein de l’entreprise, même si l’usage n’est pour l’essentiel qu’occasionnel (seuls 5% déclarent un usage régulier) ; 21% l’envisagent prochainement.

 

61% semblent motivés par un impact espéré positif sur la productivité (85% lie IA et productivité), une perception davantage présente parmi les ETI de grande taille, innovantes, et exerçant leur activité dans les Services (autre que le commerce-transport-tourisme). Seulement 3 % des dirigeants anticipent un impact négatif voire très négatif.

 

Parmi les ETI qui utilisent l’IA ou qui prévoient de l’utiliser prochainement, les 3 principaux usages sont la recherche, la collecte et l’analyse de données, la génération de contenus écrits, et la traduction.  Si ce top 3 des usages se retrouve globalement dans l’ensemble des secteurs d’activité, ils n’y sont pas mobilisés dans la même ampleur : par exemple, plus de 3 ETI sur 4 ayant utilisé l’IA ou qui l’envisagent dans l’industrie-construction et dans les services autres l’ont ou vont le faire pour la collecte/le traitement des données, contre moins d’1 ETI sur 3 pour les autres. Dans les Services, l’IA l’est davantage pour l’assistance en programmation que pour la traduction relativement aux autres secteurs.

 

Parmi les 48% qui ne prévoient pas d’utiliser l’IA, les 3 principaux motifs invoqués sont : 53% n’en trouvent pas l’usage, 39% affirment manquer d’expertise en interne, et 17% craignent un mauvais usage (partage de données confidentielles etc.).

⇒ Le financement.

21% des ETI déclarent avoir rencontré des difficultés pour financer leur exploitation courante en 2023. Elle n’est que d’1 point supérieure à sa moyenne historique (2011-2023) et de 1 point inférieure à 2022. Les difficultés d’accès au crédit de trésorerie se sont davantage accrues dans l’industrie-construction (26%), vs dans le commerce-transport-tourisme, elles est de 15% (vs 19% en moyenne).

 

19% ont rencontré des difficultés d’accès au crédit pour financer leurs investissements vs 18% en 2022 et et 17% pour la moyenne de longue période. Dans l’industrie-construction, elles sont 26%, dans le commerce-transport-tourisme de 12% et dans les autres services de19%.

 

♦ Les causes des difficultés de financement.

25% font état d’une difficulté à accéder au financement à moyen et long terme. Les causes en sont : 

– La réduction des marges, de loin, le principal frein à l’accès au financement cité par les ETI (51%) ; il est en repli (53% en 2023) et rejoint son niveau moyen historique.

– Pour 22%, le resserrement des conditions d’accès au crédit, un obstacle important, (4 points de plus qu’en moyenne sur longue période).

– Le manque de fonds propres (19%) et le niveau d’endettement excessif (21%). 

 

Les ETI de l’industrie-construction sont plus nombreuses qu’il y a un an à citer le niveau d’endettement excessif (28%, + 11 points sur un an), le resserrement des conditions d’accès au crédit (27%, +7 points), et le manque de fonds propres (21%, +9 points) comme obstacles. Par ailleurs, la part des ETI citant le niveau d’endettement excessif est relativement stable dans le commerce-transports-tourisme et les autres services (entre 16 et 19%).

 

♦ la trésorerie.

En 2023, les tensions sur les coûts de production ont freiné l’activité de 56% des ETI et se sont traduites par une situation de trésorerie moins aisée qu’en 2022. Toutefois, la part des ETI jugeant leur situation de trésorerie difficile ne s’est accrue que de 1 point (20%), mais la part de celles jugeant leur situation aisée s’est réduite de 4 points, à 20% également.

Dans l’industrie-construction, la part des ETI jugeant leur situation difficile en 2023 s’est accrue de 8 points (à 26%) tandis que la part de celles la jugeant encore aisée a diminué de 6 points.
Par taille, cette dégradation concerne davantage les ETI de plus de 500 salariés que les autres. 

 

La part des ETI anticipant une dégradation de leur trésorerie en 2024 est de 8 points supérieure à celles des ETI prévoyant une amélioration. 
Les ETI du commerce-transport-tourisme sont plus optimistes que l’an passé, les autres services n’entrevoient pas de dégradation sensible de leur trésorerie, alors que l’industrie- construction, davantage pénalisées par des contraintes de demande et par la pression concurrentielle, anticipent une détérioration de leur situation financière. 
La situation de trésorerie se dégraderait le plus pour les ETI de plus de 500 salariés, tandis qu’elle s’améliorerait légèrement pour les ETI de moins de 500 salariés.

 

Le financement des investissements. En 2023, les ETI interrogées ont, en moyenne, financé 45% du volume total de leurs investissements par de l’endettement, tandis que 52% a été autofinancé. Si cette répartition des modes de financement a renoué avec celle observée sur longue période, elle s’est éloignée de celle constatée avant la crise sanitaire (2017-2019), où la part des investissements financés par l’endettement s’élevait à 50%. Le resserrement des conditions d’accès au crédit observé depuis l’an dernier se traduirait par un moindre recours à l’endettement pour financer les investissements en 2024 qu’en moyenne par le passé.

 

Le mode de financement est assez hétérogène par secteur : les ETI de l’industrie-construction financent 46% de leurs investissements par de l’endettement, vs 54% pour celles du commerce-transports-tourisme et 35% pour les autres services.

 

Pour en savoir davantage : https://lelab.bpifrance.fr/content/download/4186/pdf/2024-07%20-%20Enqu%C3%AAte%20ETI%202024%20-%20Bpifrance%20Le%20Lab.pdf?disposition=inline