L’économie numérique dans 25 pays; comment se situe la France ?


« Guide des écosystèmes numériques mondiaux », Medef, DÉCEMBRE 2017

Méthodologie : “Digital disruption lab”, étude publiée par le Medef analyse la stratégie (ou l’absence de stratégie) de 25 pays en matière d’économie numérique (chaque pays fait aussi l’objet de la présence française en la matière). Ce travail s’est appuyé sur 10 séminaires réalisés au siège de l’organisation patronale, et un périple dans 21 pays pour faire un état des lieux aussi précis que possible des modèles existant à travers le monde.

 

Le Medef constate  que tous les écosystèmes d’innovation sont structurés de la même façon dans le monde entier avec les mêmes typologies d’acteurs. Mais certains pays ont intégré le numérique dans leur stratégie globale, mais d’autres comme la France, bien que positionnée de façon satisfaisante, sont plus confus.

 

LES TENDANCES GLOBALES

« Mis à part Israël, l’Estonie, Singapour, la Silicon Valley et NYC, je n’ai pas observé dans le monde de lien entre les politiques de soutien à l’innovation déployées pour susciter la création de start-up numériques et les stratégies économiques, industrielles et commerciales globales des pays concernés ».

 

La structuration des écosystèmes : même si certains sont plus avancés que d’autres, tous les écosystèmes d’innovation sont structurés peu ou prou de la même façon dans le monde entier : agences d’innovation publiques, universités, centre de recherche, incubateurs, accélérateurs, clusters, investisseurs, start-up… avec les mêmes typologies d’acteurs dans chaque écosystème, mais avec quelques variantes au niveau de leur positionnement, de leurs missions et de leurs modèles économiques.

 

« Dans chaque écosystème visité une préoccupation majeure est celle d’acteurs publics et privés autour du marketing territorial de leur pays sur la scène Tech mondiale et de la recherche absolue du Graal numérique. Ce marketing s’appuie la plupart du temps sur le nombre de start-up créées, le nombre d’incubateurs et d’accélérateurs opérationnels, le nombre d’investisseurs et le montant des capitaux publics et privés investis, le soutien public et privé à la R&D et à l’innovation rapporté au PIB, chaque pays essayant ainsi de se démarquer et de se positionner. »

 

« Chaque écosystème a ses avantages compétitifs, ses forces, ses faiblesses et comporte un ensemble de risques et d’opportunités qui constituent un environnement de marché global à analyser au regard de son propre projet, que ce soit une création d’entreprise, un investissement ou un développement international…Ainsi, la plupart des entrepreneurs français croisés dans les différents pays avaient créé leur start-up par hasard, souvent pour des raisons personnelles (rencontre avec l’âme sœur, contraintes familiales, association avec un ami durant ses études à l’étranger…) et non parce qu’ils y avaient trouvé l’environnement idéal. Bien loin des clichés, mythes et légendes qui peuplent la planète numérique, il faut bien garder à l’esprit que s’installer dans la Silicon Valley, à Tel Aviv, à Medellin, à Amman, à Séoul, à Cape Town ou à Berlin nécessitera toujours de prendre des risques importants et de faire face à des difficultés culturelles et professionnelles diverses et inattendues. »

 

La question de la fiabilité des statistiques: celles-ci ne semblent plus être en phase avec la réalité des échanges, notamment immatériels, qui occupent une part de plus en plus importante du commerce international. De la même façon, classer les pays les plus innovants en fonction des investissements en R&D, rapportés au PIB, et du nombre de brevets ou de publications scientifiques ne paraît plus être suffisant pour être en phase avec la réalité de l’innovation d’aujourd’hui.

 

Deux visions, ou modèles technologiques, majeurs s’affrontent : celle portée par les grands groupes technologiques qui veulent imposer leur hégémonie technologique et économique au monde entier en s’affranchissant de leur pays d’appartenance, et celle portée par certaines grandes nations qui ont construit des modèles en quelque sorte « propriétaires » autour de quelques grands acteurs nationaux plus ou moins contrôlés par l’Etat et voués à servir les desseins politiques et économiques de ces derniers. Entre ces deux modèles, l’Europe n’est pour l’instant pas parvenue à se faire sa propre doctrine.

 

En effet, désormais la création de valeur vient de plus en plus de la recherche appliquée et des innovations dites incrémentales, issues des processus « d’open innovation » mis en place sur le terrain par les entreprises (et qui ne sont quasiment pas pris en compte par les statistiques) et non des seules innovations de rupture issues de la R&D provenant des universités, des laboratoires et/ou des centres de recherche publics et privés.

 

Les problèmes rencontrés

 

On constate partout un manque cruel de financements disponibles pour les tours de table allant de 20 à plusieurs centaines de millions d’euros. On se retrouve alors avec des milliers de jeunes pousses totalement déconnectées des politiques industrielles et commerciales nationales, dans l’impossibilité de trouver les financements et les talents nécessaires à leur développement et en manque criant de chiffre d’affaires et de clients. Cette situation contribue immanquablement à la création d’une bulle numérique au niveau mondial.

 

Autre inquiétude forte des acteurs publics et privés, à la fois l’adaptation des métiers et des compétences traditionnels à la révolution numérique et la formation du nombre d’ingénieurs, de développeurs et d’informaticiens nécessaires pour répondre à la demande des différents acteurs du marché.

 

 

4 grandes typologies d’écosystèmes dans le monde, dont les 2 les plus performants.

– 4 pays (Israël, Singapour, Etats-Unis-silicon valley & nyc- Estonie) ont construit les écosystèmes les plus performants ; ils sont les seuls à posséder une vision et une stratégie claires à 20 ans pour le numérique.

– 9 pays (Japon, Corée du sud, Finlande, Suède, Chine, Canada, Allemagne, Royaume-Uni, France) font partie des pays les plus innovants au monde en termes de créations de start-up et d’investissements dans la R&D mais ne possèdent pas vraiment de vision et de stratégie numérique à long terme.

 

 

La France dans l’écosystème numérique mondial : un écosystème mature mais pas encore reconnu. Lorsque l’on demande aux acteurs de ces écosystèmes, les pays qui pour eux sont les plus dynamiques et les plus innovants, la France n’apparait pas spontanément dans les cinq ou six premiers pays cités. Cela dit, la French Tech joue sans aucun doute un rôle majeur depuis 5 ans pour redonner à la France une image innovante et dynamique et pour conforter son retour sur la scène Tech mondiale (pas de programme similaire dans d’autres pays).

 

Notre écosystème et les différents acteurs qui le composent (universités, centres de recherche et labos, incubateurs, accélérateurs, clusters, investisseurs) sont tout à fait remarquables :  un certain nombre de ces acteurs comme Paris Saclay, CEA Tech, NUMA, Orange Lab, Station F ou la French Tech, par exemple bénéficient aujourd’hui d’un rayonnement mondial. Du point de vue de l’Open Innovation entre start-up et grands groupes, nous sommes également très bien positionnés avec un nombre important de programmes de co-innovation, d’incubateurs, d’accélérateurs et d’espaces de coworking souvent thématiques (Fintech, AgroTech, smart cities, silver economy…) qui ont été créés par des grandes entreprises.

 

La France est la 2éme nation européenne en termes d’investissements en « equity » dans les start-up depuis 2016 avec plus de 2Md€ de fonds levés sur un an.

La France dispose du plus important réservoir de talents et d’entrepreneurs d’Europe avec des écoles d’ingénieurs et de mathématiques reconnues dans le monde entier.

Le constat est identique concernant nos ressources à l’international, les équipes du Trésor, du Quai d’Orsay, de Business France, de BPI France, des CCI ou des Conseillers au commerce extérieur étant de très haut niveau même si leur collaboration sur le terrain peut parfois être difficile.

Notre industrie du numérique est forte, avec des acteurs majeurs présents dans le monde entier et un réservoir de start-up très innovantes dans beaucoup de domaines prometteurs comme la sécurité, l’IA, le Big Data ou l’IoT.

 

Le problème est que notre écosystème digital n’est pas vraiment « connecté » avec notre économie traditionnelle et que nous manquons donc actuellement d’une vision et d’une stratégie numérique au service d’une politique industrielle et commerciale globale. Nous disposons :

-D’une filière électronique et microélectronique performante et innovante dans les composants ou l’intégration, avec des centaines d’acteurs sur tout le territoire français qui sont pour beaucoup mondiaux:

-Nous sommes à la pointe en matière de conception d’objets connectés notamment grâce à nos start-up, mais aussi à notre culture du design et aux savoir-faire de nos nombreux bureaux d’études dans ce domaine ;

-Nous possédons une culture avancée et des acteurs innovants dans les secteurs des semiconducteurs et du logiciel embarqué ;

-Nous sommes pionniers dans le domaine de la connectivité et du déploiement de réseau adaptés à l’Internet des objets avec notamment Sigfox, l’Alliance LoRa, ou Qowisio ;

-Nous sommes le 2e hub en Europe en matière d’intelligence artificielle – derrière le Royaume-Uni – avec plus de 200 start-up ; un domaine clé du développement de l’IoT dans les années à venir;

-Enfin, nous possédons des dizaines de milliers de TPE-PME et ETI à même d’intégrer de l’IoT dans leurs produits et services pour se différencier, monter en gamme et adresser le marché mondial de la « smart economy ».

 

-Nous savons former des chercheurs et des diplômés de haut niveau via notre école de mathématiques, nos écoles d’ingénieurs, ou encore nos écoles de commerce à vocation internationale … sans oublier nos écoles doctorales universitaires et nos centres de recherche : CEA Tech, Central Supelec, Polytechnique, Telecom ParisTech, Inria;

 

-Nous disposons des infrastructures de cloud, des technologies et savoir-faire nécessaires en termes de plateformes IoT, de big data ou de super calculateur avec des entreprises de classe mondiale tel que Atos, Bull, Cap Gemini, Qwant, Dassault Systems, Orange ou encore Thales ;

-Nous disposons d’un réseau dense de structures d’accompagnement de type fab labs, incubateurs, accélérateurs, bureau d’études, intégrateurs, consultants…

 

Et par ailleurs :

La traçabilité des matériaux, des marchandises, des composants, des personnes, des aliments, des médicaments… La sécurité alimentaire, sanitaire, environnementale, routière, énergétique, des personnes et des biens…