La conjoncture 2020, la covid et le moral des entrepreneurs.


"Grande consultation des entrepreneurs : BILAN 2020", CCIFrance, janvier 2021

Méthodologie : plus de 600 dirigeants d’entreprise ont été interrogés à 8 reprises en 2020, par téléphone en janvier, février, mai, juin, juillet, septembre, octobre, décembre. Pour chaque échantillon, la représentativité a été assurée par un redressement selon le secteur d’activité et la taille, après stratification par région d’implantation.

 

Le document de CCIfrance propose un regard sur l’ensemble de l’année 2020, se terminant avec toutefois une note optimiste, en ce sens que 77% des dirigeants n’ont jamais envisagé d’abandonner, se positionnant en combattant.

⇒ Fin 2019, début 2020

Après une fin d’année 2019 marquée par la mobilisation contre le projet de réforme des retraites, qui avait attisé l’inquiétude des dirigeants en raison de son incidence sur leur activité (31% ont vu leur activité touchée par le mouvement de grève), le mois de janvier était marqué par une relative embellie.
• L’indicateur de l’optimisme remontait,
• De même que la confiance des dirigeants dans leur entreprise, qui atteignait alors presque son meilleur score, 81%,
• Et les perspectives d’embauche se maintenaient à un niveau élevé (9% des dirigeants déclaraient qu’ils avaient l’intention d’augmenter le nombre de salariés de leur entreprise dans les douze mois suivants).

 

Les dirigeants n’étaient, à la mi-février, que 3% à percevoir des conséquences « importantes » de l’épidémie de coronavirus sur leur secteur d’activité, 7% des conséquences « peu importantes » … et 90% aucune !
Le secteur du commerce s’inquiétait davantage (18% percevant un impact, même peu important), de même que les entreprises de 10 salariés et plus (21%), mais cela ne semblait constituer qu’un problème périphérique.

 

Ce tableau en demi-teintes ne présageait absolument pas le tsunami qui s’est ensuite produit au deuxième trimestre. Tout au plus ressentait-on alors une certaine fébrilité : les perspectives d’embauche se rétractaient à nouveau (6%, -3 pts par rapport à janvier).

⇒ A la sortie du premier confinement,

• 54% des dirigeants interrogés mi-mai indiquent que, pendant la période de confinement, l’activité de leur entreprise a été mise à l’arrêt – et elle l’était toujours, au moins en partie, pour 30%.
• 86% faisaient alors part d’au moins une difficulté ayant un impact sur leur activité, voire la santé de l’entreprise : 61% ressentaient des difficultés d’ordre financier (trésorerie, retards dans les encaissements dus…), 48% des problèmes liés à la sécurité (surtout un manque d’équipements de protection sanitaire individuelle), 42% des problèmes liés à la logistique (notamment des problèmes d’approvisionnement)…

Dans ce contexte, l’indicateur de l’optimisme plonge de 43 points, à son plus bas niveau historique ; il se dégrade aussi bien dans les petites que dans les plus grandes structures.

 

Le sentiment qui domine est l’inquiétude (44%, +18 pts par rapport à février 2020), devant la confiance et l’optimisme, qui chutent respectivement de 22 et 13 points, tandis que l’attentisme (+7 pts) progresse. Pour autant le sentiment d’angoisse est tenu à bonne distance (8%, +2 pts).

Toutefois, 52% se disent confiants pour l’avenir de son entreprise à horizon de 12 mois, un niveau historiquement bas qui n’avait été atteint qu’une seule fois, en février 2015.

⇒ De juin à septembre

A partir de juin s’amorce une lente remontée dans un contexte de reprise économique assez nette, puisqu’au troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) en volume rebondit (+18,7%):
• De 49 en mai, l’indicateur de l’optimisme remonte, d’abord de manière nette en juin avec une hausse de 24 points, puis progressivement : +5 pts en juillet et +6 pts en septembre pour s’établir alors à 84. Cela reste néanmoins un niveau bas, enregistré pour la dernière fois au plus fort de la crise des Gilets Jaunes en décembre 2018.
Il en va de même pour le niveau de confiance, qui remonte pour atteindre en septembre un étiage qui reste faible, similaire également à celui enregistré au cœur de la période de contestation des Gilets Jaunes (39%, soit une progression de 11 points par rapport à mai, mais toujours en baisse cependant de 11 points par rapport à février).

 

La période de mai à septembre se présente comme le chemin vers le « bout du tunnel » pour les dirigeants interrogés :
On sent néanmoins toujours une certaine inquiétude : si une majorité d’entre eux se disent confiants pour leur entreprise (61%, soit une progression de 9 points par rapport à mai), on est loin de retrouver le niveau d’avant la crise, qui était à cette époque élevé (81%).

Cette fébrilité peut expliquer que beaucoup de dirigeants d’entreprise se soient focalisés sur l’essentiel, parfois au détriment de sujets qui auraient sans doute nécessiter de mettre en place des actions telles la cybersécurité, le numérique, l’innovation ;  le sentiment que l’innovation « est une prise de risque » ne cesse de progresser depuis l’été, passant de 11% en juillet à 21% en octobre puis 25% en décembre.

⇒ La reprise de l’épidémie à l’automne scelle le sort des espoirs de sauver 2020

La reprise de l’épidémie et le deuxième confinement décidé à la fin du mois d’octobre viennent porter un coup d’arrêt à la dynamique relative observée pendant la période estivale.
• Ainsi l’année 2020 se termine-t-elle sur un indicateur d’optimisme à son deuxième plus bas niveau historique, proche du triste record de mai (54, soit une chute de 30 points par rapport à septembre, plus élevé de seulement 5 points par rapport à la mesure en sortie de confinement au printemps).
• Le pessimisme est encore plus fort chez les plus petites entreprises (52 auprès des entreprises de 0 à 9 salariés, 66 chez celles de 10 salariés et plus), alors même qu’elles semblaient plus confiantes en septembre. La stratégie parfois décriée du stop and go a été particulièrement dévastatrice pour ces petites structures (où l’on retrouve notamment le secteur de l’hôtellerie-restauration).

 

En décembre, seuls 55% des dirigeants se disent confiants pour leur entreprise, indicateur qui se trouve là aussi à son deuxième plus bas niveau historique. Dans ce contexte, ceux qui pensaient encore sauver leur année 2020 au deuxième semestre voient leurs espoirs s’évanouir :
• Alors qu’au début de l’automne, à peine plus de la moitié des dirigeants (54% en octobre) estimaient que le niveau d’activité de leur entreprise était semblable (47%) voire meilleur (7%) que celui enregistré à la même époque en 2019, la tendance s’inverse en décembre, avec 58% qui estiment que le niveau est moins bon (33% semblable et 9% meilleur).
• Au terme de l’année, la situation s’avère surtout particulièrement difficile pour les entreprises du secteur du commerce (69% enregistrent un niveau d’activité moins bon que celui enregistré en décembre 2019), des services (58%) et les petites entreprises (59% des structures de moins de 10 salariés). Le secteur de la construction résiste mieux, et apparemment celui de l’industrie aussi, même si, dans le cas de ce dernier, la situation est très hétérogène.

⇒ En résumé sur 2020

Malgré leurs difficultés, 77% des dirigeants d’entreprise n’ont jamais envisagé d’abandonner, de céder ni de cesser leur activité
• 23% l’ont envisagé (24% des entreprises de moins de 10 salariés, 7% des entreprises plus grandes), mais seules 4% ont entamé des démarches en ce sens.
• Si les commerçants (où l’on retrouve le secteur des cafés, hôtels et restaurants) sont les principales victimes du deuxième confinement, ils ne sont pas plus nombreux que les autres à envisager cette option (24%).
• Par ailleurs, sur l’année 2020, les perspectives d’embauche ont bien évidemment été impactées par la crise, mais elles ne se sont pas non plus effondrées (passant de 9% en janvier à 7% en décembre) ; pas plus que n’ont augmenté, d’ailleurs, les prévisions de réduction d’effectif (de 1% en janvier à 2% en décembre).

 

Pour en savoir davantage : Bilan+Grande+Consultation+2020.pdf (www.cci.fr)