Un taux de 46 à 64% à 18 mois de retour durable à l’emploi pour les publics en difficulté d’insertion et les licenciés économiques, accompagnés à l’initiative de Pôle emploi ; un taux plus faible pour les opérateurs privés sollicités par pôle emploi, dont l’évaluation explicite les raisons


« L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du recours aux opérateurs privés par Pôle emploi de 2009 à 2011 » Dares, Synthése.éval N°3 janvier 2013

 A partir de septembre 2009, Pôle emploi a décidé d’élargir ses capacités d’accompagnement à des opérateurs privés, tout en mettant en œuvre des prestations similaires ; ces actions ont été évaluées par deux ensembles de travaux :

• Des monographies sur la base d’entretiens de terrain menés dans huit régions, réalisées par le cabinet d’études Geste ; ces monographies informent sur les règles et les principes d’orientation vers les opérateurs, les contenus des accompagnements, la mobilisation des entreprises et les modes de coordination entre Pôle Emploi et les opérateurs.

• Une enquête statistique en plusieurs vagues, menée conjointement par la Dares et Pôle Emploi, auprès de deux cohortes de demandeurs d’emploi entrés dans un programme d’accompagnement renforcé entre novembre 2009 et mars 2010 ; cette enquête visait à recueillir des informations sur le contenu du parcours d’accompagnement, les attentes et l’opinion des demandeurs d’emploi vis-à-vis des prestations proposées, ainsi que sur leur situation au regard de l’emploi à 8, 13 puis 18 mois après leur entrée en accompagnement.

 

Les actions ont concernée deux publics, dans 8 régions, entre le 1er septembre 2009 et le 31 décembre 2011 :

des publics rencontrant des difficultés d’insertion avec d’une part l’action conduite par des accompagnateurs privés (Trajectoire emploi pour une durée maximale de 6 mois), 189 000 demandeurs d’emploi et d’autre part l’action Pôle emploi avec le dispositif Cap vers l’entreprise (CVE) concernant 60 000 demandeurs d’emploi

– des licenciés économiques adhérents à la convention de reclassement personnalisé (CRP) ou au contrat de transition professionnelle (CTP) et pour une durée maximale de 12 mois ; 96 000 personnes prises en charge par les organismes privés via la prestation « Licenciés économiques » et 104 000 autres suivis par Pôle emploi.

 

Ces publics sont assez proches (notamment en qualification et diplômes), avec toutefois pour les publics en insertion, davantage de présomptions de difficultés d’insertion (davantage de jeunes, non disposition de moyens personnels de transport, moins de vie en couple, parent de nationalité étrangère, peu d’ancienneté dans l’emploi précédent et davantage de récurrence d’inscription au chômage) pour les opérateurs privés que pour Pôle emploi :

 

Difficultés d’Insertion

Licenciés économiques

Opérateurs privés

Pôle emploi

Opérateurs privés

Pôle emploi

sexe

Femmes

45

49

42

41

Age

Moins de 25 ans

15

17

5

6

 

De 26 à 49 ans

66

67

72

72

 

50 ans et plus

19

16

23

22

Niveau d’études

Primaire, collège

17

11

11

12

 

CAP, BEP

30

24

34

36

 

Bac

20

20

20

19

 

Bac+2

16

23

17

18

 

Au-delà

17

21

17

15

CSP

Non qualifiés

30

25

18

19

 

Ouvrier et employé qualifiés

49

49

52

54

 

Agents de maitrise,

cadre, indépendant

20

26

31

28

Situation familiale

En couple ou concubinage

42

43

58

60

Au moins un parent de nationalité étrangère

17

13

6

5

Pas de permis ou de moyen de transport personnel

37

30

15

11

Ne dispose pas de connexion internet

25

21

15

17

Ancienneté dans l’emploi précédent (en années)

4,4

4,2

8,4

8,8

Récurrence d’inscription (sur les 10 dernières années)

60

58

44

43

Durée d’inscription continue (en mois, sur les 3 dernières années)

12,1

9,0

1,6

2,5

Durée d’inscription cumulée (en mois, sur les 10 dernières années)

15,3

12,3

2,8

3,8

En ce qui concerne les publics en difficulté d’insertion, les opérateurs privés ont réalisé davantage d’entretiens individuels et collectifs (1,5 à 2 fois que Pôle emploi), tandis que les conseillers de Pôle emploi ont plus fréquemment proposé des offres d’emploi (80% contre 60). Les bénéficiaires dans les deux cas de figure sont satisfaits du déroulement des entretiens individuels (peu d‘insatisfaits, 16% tout à fait ou plutôt insatisfaits), comme collectifs (22% d’insatisfaits seulement).

 

Les ateliers d’aide à la recherche d’emploi (préparation de CV, rédaction de lettre de motivation, préparation aux entretiens d’embauche, recherche d’emploi sur internet, ciblage des entreprises, analyse du marché du travail) ont été plus fortement mobilisés par les opérateurs privés ; 85% des demandeurs d’emploi accompagnés par un opérateur privé ont bénéficié d’au moins une de ces prestations contre deux tiers environ pour ceux accompagnés par Pôle emploi.

 

L’accès à la formation, l’une des principales valeurs ajoutées des dispositifs relatifs aux licenciés économiques, a concerné 43% de cette population, qu’ils aient été accompagnés par Pôle emploi ou par un opérateur privé. 60% des formations suivies ont une durée inférieure à 2 mois et un quart une durée supérieure ou égale à 4 mois ; la moitié a pour but de changer de métier. Le recours à la formation est en revanche peu fréquent pour les publics en difficulté d’insertion.

Pour sécuriser le retour à l’emploi, les cahiers des charges des prestations prévoyaient un suivi dans l’emploi de 3 mois, notamment pendant la période d’essai. 40% des demandeurs d’emploi suivis dans le cadre de Trajectoire emploi et les deux tiers de ceux suivis dans le cadre de la prestation Licenciés économiques déclarent avoir eu des contacts avec leur conseiller après leur reprise d’emploi, soit 10 points de pourcentage de plus que pour ceux suivis par Pôle emploi ; Le suivi dans l’emploi a davantage consisté en une prise de contact qu’un réel accompagnement dans l’emploi.

 

Les taux d’emploi et d’emploi durable sont plus élevés pour les demandeurs d’emploi accompagnés par Pôle emploi et assez hétérogènes selon les opérateurs privés  (8 mois après le début de l’accompagnement, 43% contre 38% sont en emploi, avec davantage d’emploi durable pour Pôle emploi).

Taux de retour à l’emploi

Difficultés d’insertion

Licenciés économiques

à

8 mois

13 mois

18 mois

8 mois

13 mois

18 mois

Taux d’emploi (emploi salarié et création d’entreprise)

Opérateurs privés

38

45

49

30

49

60

Pôle emploi

43

52

57

41

57

64

Taux d’emploi durable (CDI, contrats ≥6 mois, création d’entreprise

Opérateurs privés

23

29

33

22

36

46

Pôle emploi

28

36

42

29

43

50

Pour les licenciés économiques suivis par Pôle emploi, 57% sont en emploi 13 mois après le début de l’accompagnement, contre 49% de ceux suivis par un opérateur privé ; la proportion d’emplois durables est peu différente selon que le licencié économique est suivi par un opérateur privé ou par Pôle emploi.

 

Une fois tenu compte des différences de caractéristiques observables des demandeurs d’emploi, les écarts de résultats entre opérateurs privés et Pôle emploi, tant pour les publics en insertion que pour les licenciés économiques, sont un peu plus faibles, mais ils persistent et restent significatifs ; toutefois, certaines caractéristiques comme la motivation, les efforts de recherche d’emploi, les réseaux personnels de recherche d’emploi ne sont pas observées dans l’enquête alors qu’elles peuvent avoir un impact sur le retour à l’emploi et expliquer une partie des écarts.

 

Toutefois, pour les demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion, les performances des opérateurs privés issus de l’univers du reclassement ou issus de grandes entreprises de l’intérim sont proches en termes de retour à l’emploi de celles de Pôle emploi ; il en est de même pour les opérateurs privés de métier formateur en ce qui concerne les licenciés économiques.

 

Les emplois retrouvés : dans les 18 mois qui suivent le début de l’accompagnement, les transitions entre emploi durable, emploi non durable et situation de non-emploi sont fréquentes, signe que les situations sur le marché du travail restent assez instables et que l’emploi retrouvé est rarement d’emblée un CDI. Les démarches actives de recherche d’emploi restent également fréquentes (notamment pour ceux en intérim ou en CDD). Les emplois retrouvés sont également plus souvent à temps partiel. Plus de la moitié des personnes en emploi à 18 mois ont subi une perte de salaire par rapport à l’emploi qu’elles occupaient précédemment. Les changements de métiers ou de secteur d’activité sont fréquents ; à l’horizon de 18 mois, 65% des demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion déclarent avoir changé soit de secteur soit de métier ; idem pour 55% des licenciés économiques.

 

18 mois après l’entrée en accompagnement, 8% des licenciés économiques ont créé leur entreprise, sans distinction notable selon qu’ils aient été suivis par un opérateur privé ou Pôle emploi. La création d’entreprise est beaucoup plus rare parmi les demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion (2%).

Les créateurs suivis par Pôle emploi ont plus fréquemment bénéficié des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprise par des chômeurs (Accre, Nacre…).

 

L’évaluation montre en premier lieu, que les prestations d’accompagnement et les entretiens individuels plus nombreux ne permettent pas forcément un retour à l’emploi plus fréquent ; en fait c’est l’effort de personnalisation et la qualité de l’ensemble des services délivrés qui apparaissent essentiels dans l’accompagnement vers le retour à l’emploi. C’est au moins autant la qualité que le nombre des mises en relation qui semblent déterminer les résultats obtenus, une qualité qui s’apprécie en termes de pertinence des cibles d’emploi au regard du profil du demandeur d’emploi, d’ouverture vers le « marché caché », mais également en fonction de la qualité des entretiens, conseils et prestations dont bénéficie le demandeur d’emploi pour l’aider notamment à élaborer son CV, rédiger une lettre de motivation, prendre contact avec l’employeur et réaliser un entretien d’embauche.

 

En second lieu, le mode de gestion des marchés Trajectoire emploi et Licenciés économiques relève d’un double choix : celui de privilégier un recours aux opérateurs privés selon une logique de « sous-traitance de capacité » et celui de fonder le contrat passé avec Pôle emploi sur une obligation de moyens et donc le principe de paiement aux résultats ; outre les difficultés pour recueillir les preuves de la durabilité de l’emploi, les règles de paiement ne tiennent compte ni des difficultés inégales de réinsertion des personnes accompagnées, ni de l’état du marché local du travail ; enfin, la durée limitée à deux ans des marchés passés avec les opérateurs privés semble peu favorable à une montée en compétences des personnes concernées, à la capitalisation des savoir-faire au sein de leurs organisations et in fine à la qualité des services délivrés. Plus généralement, les clauses des cahiers des charges permettent difficilement la reconnaissance des savoir-faire et compétences spécifiques dont disposent certains opérateurs privés.

Les opérateurs privés ont « joué le jeu » du marché public et du contrat comme celui des personnes accompagnées, sans abandon de prise en charge une fois le premier versement reçu. L’obtention des autres versements, liés à l’accès à l’emploi et surtout à sa durabilité, s’est avérée plus problématique (en particulier, le 3e versement subordonné à la preuve d’une insertion dans l’emploi d’au moins 6 mois, les contractants n’ayant bien souvent pu obtenir de preuve matérielle de la part des employeurs et des bénéficiaires concernés).

Dans ce contexte, marqué en outre par un horizon de deux ans des marchés et par la lourdeur des procédures initiales de facturation « par individu » qui ont par la suite été abandonnées, les opérateurs privés ont généralement opté pour une gestion prudente de leurs investissements, notamment dans les ressources humaines. Alors qu’ils ne disposaient généralement pas, en amont de l’obtention des marchés, d’équipes suffisamment développées pour assurer la charge de travail induite, ils ont plutôt privilégié des recrutements en CDD, sauf dans quelques cas où ils ont pu constituer en partie leurs équipes par mobilité interne au sein de leurs groupes.

 

Trois types de profils de professionnels qualifiés ont été recrutés par les opérateurs privés :

• un profil « conseiller à l’emploi » disposant d’une expérience professionnelle acquise au sein du service public de l’emploi ;

un profil « gestion des ressources humaines » provenant de l’intérim, ou de l’univers du reclassement ou du recrutement ;

plus rarement, un profil « commercial » positionné sur la relation aux entreprises.

 

L’irrégularité des flux d’orientation des demandeurs d’emploi vers les opérateurs privés a suscité chez certains d’entre eux un turn-over important des consultants dédiés à l’accompagnement.

 

Dans les nouveaux marchés passés en 2012, Pôle emploi a souhaité remédier à certaines de ces limites, grâce notamment à un assouplissement du cahier des charges et des règles de paiement et à l’allongement de la durée des marchés. Néanmoins, la sous-traitance de capacité reste privilégiée et la régulation par les résultats reste combinée avec des conditions de moyens introduites dans le cahier des charges.