L’étude de l’Institut pour la Ville et le Commerce porte sur la vacance commerciale et mesure le phénomène dans 190 centres-villes appartenant à des unités urbaines de plus de 25 000 habitants; l’étude de Procos examine 200 centres-villes appartenant à des unités urbaines de plus de 50 000 habitants. Les plus petites villes ne sont donc pas prises en compte.
La vacance commerciale, c’est-à-dire le taux de cellules commerciales vides à un moment donné rapporté au nombre total des cellules commerciales d’une aire donnée, atteint selon Procos en moyenne 9,5% du parc de locaux commerciaux en 2015 (11,1% dans les cœurs d’agglomérations de moins de 50 000 habitants). Toutefois, ces moyennes cachent des disparités extrêmement fortes :
– des disparités régionales tout d’abord, avec des situations particulièrement difficiles dans le Nord de la France, autour d’une diagonale Meuse-Landes et dans des régions marquées par le déclin économique et/ou une régression démographique durable
– des disparités par ville : au niveau national, mais aussi au sein d’une même strate démographique, les taux de vacance peuvent être très différents; certaines villes parviennent à maintenir des taux inférieurs à 5%, d’autres dépassent 10, 15, voire 20%.
L’Institut pour la Ville et le Commerce distingue 4 catégories de situation :
1 la vacance se concentre aux franges des axes marchands principaux (cf. Brest),
2 elle touche et dégrade un seul axe, le plus souvent une rue marchande historique du centre-ville (cf. Vierzon),
3 elle concerne l’ensemble de la ville, à l’exception de la principale artère commerçante (cf. Nevers)
4 elle affecte tout le centre-ville (cf. Béziers)
Le rapport CGEDD-IGF (panel de 187 villes) estime que la vacance commerciale est passée de 6,1% en 2001, 7,8% en 2012 à 10,4% en 2015; cette moyenne recouvre à la fois la réduction sensible du nombre de villes en situation favorable (moins de 5% de vacance), qui passe de 87 en 2001 à 15 en 2015, et une très forte augmentation du nombre de villes en situation très défavorable (plus de 10% de vacance) soit 23 en 2001, et une centaine en 2015; les centres-villes de petites et moyennes villes souffrent le plus. Cette évolution est récente en France (depuis le début des années 2010), alors qu’elle apparaît au Royaume-Uni dès les années 80.
Si la question de la vacance commerciale est essentielle, elle est cependant loin d’être la seule à devoir être traitée; la fragilisation des centres-villes est le produit d’un « cocktail » dont les principaux ingrédients sont la dégradation du bâti, intérieur et extérieur, les difficultés d’accès et de stationnement, la baisse de la population du centre et sa paupérisation, la fuite des équipements attractifs et des services du quotidien, la concurrence des grandes surfaces en périphérie :
-les auteurs du rapport CGEDD-IGF relèvent que les villes-centres de taille moyenne connaissent, par rapport aux grandes villes ou à leurs propres périphéries, un niveau de vie et une croissance démographique plus faibles (+4,3% en moyenne entre 2007 et 2012 contre une hausse nationale de 7,5%) et un niveau de chômage et de logements vacants plus forts.
– la fuite des équipements et services hors du centre-ville détourne logiquement les consommateurs et les habitants de ce centre (établissements de santé, écoles, médecins, cinémas, notamment).
–Le niveau des loyers commerciaux et l’accessibilité du centre-ville, comme la présence de stationnements en nombre suffisant, sont aussi des éléments à prendre en compte.
– l’offre commerciale : l’implantation de certains commerces brisent les parcours de chalandise (agences bancaires ou immobilières, magasins d’optique) voire des « mauvais commerces », souvent à tendance communautaire ou ethnique provoquent la chute du chiffre d’affaires des voisins et, de ce fait, leur volonté de quitter les lieux.
Entre 1994 et 2009, la superficie consacrée au commerce, tirée par la grande distribution, a progressé de 60% alors que la dépense de consommation finale des ménages en volume n’a augmenté que de 38%.
Procos identifie des villes qui parviennent à préserver leur dynamisme dans un contexte difficile. En 2017, le palmarès distingue ainsi, dans cette catégorie, Saint-Lô, Lons-le-Saunier, Bastia, Gap et Bayeux.
La situation française pouvait, à bien des égards, apparaître comme différente de celle d’autres pays comparables de l’Union européenne :
-La législation allemande sur l’urbanisme, par exemple, est centrée sur les intérêts des centres-villes et impose notamment l’implantation de grandes surfaces exclusivement dans les zones spéciales situées au sein ou au bord d’un centre commercial déjà existant, intégrées aux réseaux de transports publics ou situées au sein d’un nouvel espace à vocation mixte prévu pour l’approvisionnement de nouveaux habitats.
–Le Royaume-Uni procède lui par un Sequential test, institué par le National Planning Policy Framework, qui oblige les projets d’implantation locale à passer une série de tests avant finalisation. Il s’agit de garantir que l’unité commerciale en question sera implantée au meilleur endroit possible, étant entendu que les centres-villes bénéficient d’une priorité. Ainsi, l’implantation sera d’abord envisagée en centre-ville et c’est seulement si les espaces disponibles dans ce cadre ne conviennent pas qu’une implantation en périphérie pourra être envisagée. Dans ce cas, le Sequential test est complété par un Impact test dont l’objet est d’évaluer les impacts négatifs potentiels du projet sur les équilibres locaux à 5 ou 10 ans.
Le rapport fait ensuite des propositions aux Pouvoirs Publics.