La dégradation conjoncturelle est fort lisible dans la trésorerie des TPE/PME.


"Début 2024, la fragilité bancaire des TPE et PME supérieure à son niveau d’avant-crise sanitaire", Insee Analyses N°102, janvier 2025

Sources : données du Crédit Mutuel Alliance Fédérale (CMAF), première banque à adopter le statut d’entreprise à mission.
Représentativité des données bancaires : les caractéristiques de la clientèle du CMAF ne correspondent pas exactement à celles de l’ensemble des entreprises françaises ; la comparaison se fera avec l’ensemble des unités légales marchandes et productives ayant leur siège en France métropolitaine, de moins de 250 salariés en équivalent temps plein, et déclarant une liasse fiscale active.

Les secteurs de l’agriculture, des industries extractives, de la finance, et des sièges sociaux sont exclus. Ce champ représente en 2021 un total de 2,7 millions d’unités légales. Il ressort de cette comparaison que le panel du CMAF surreprésente l’industrie, la construction, et le commerce, alors que la plupart des services marchands y sont au contraire sous-représentés. Les PME sont également surreprésentées par rapport aux TPE : elles constituent 20% des entreprises
contre moins de 7% dans les données de comparaison de l’Insee. Enfin, les TPE du panel du CMAF déclarent des chiffres d’affaires plus élevés que celles répertoriées par l’Insee, et comptent moins d’entreprises individuelles (22%, contre 32% dans les données Insee).

 

Spécificités des données bancaires : les données bancaires fournissent des indicateurs de haute fréquence de l’activité des entreprises qui ne correspondent pas à ceux habituellement utilisés par l’Insee (chiffre d’affaires, salaires, investissement, actif, passif, etc.). Les statuts de TPE, PME ou entreprises individuelles utilisés par le CMAF ne correspondent pas toujours aux définitions de l’Insee (la dénomination TPE est le fait seulement d’entreprises individuelles). Les données bancaires peuvent également masquer une partie de l’activité des entreprises multi-bancarisés. Sont également retirés les comptes cumulant usages professionnel et privé (formule de compte familiale, versement de salaires) ou toujours inactifs.
Les entreprises étudiées peuvent également disparaître du panel au fil du temps. Si une sortie peut correspondre à un changement de domiciliation bancaire, elle semble en général traduire une cessation d’activité économique. 

 

L’intérêt de ce développement sur la source est de comprendre comment les bases de données peuvent être différentes et en quoi.

 

La période covid correspond à un solde bancaire médian mensuel élevé (51 500€ au plus haut), alors que la détérioration se poursuit ensuite pour atteindre un solde de 20 700€ en mars 2024.

⇒ Le dépassement d’autorisation de découvert.

Le nombre de jours en dépassement d’autorisation de découvert dans le mois permet de mesurer de potentielles difficultés de trésorerie ou de gestion de trésorerie d’une entreprise et constitue un indicateur de fragilité bancaire.

 

♦ La fréquence mensuelle des dépassements s’élève en moyenne à 1,6 jour sur les 3 mois précédant le premier confinement (de décembre 2019 à février 2020) ; elle diminue fortement dès le début de la crise sanitaire (0,9 jour de moyenne mensuelle en juin 2020) du fait notamment des PGE. Un an après le début de la crise sanitaire, cette moyenne demeure faible (1,1 jour) puis elle remonte progressivement pour retrouver en août 2022 son niveau d’avant la pandémie. Elle continue à augmenter dans un contexte d’inflation et de hausse des taux d’intérêt (1,9 jour en mars 2024). 

 

♦ Les TPE dépassent moins fréquemment leur autorisation de découvert avec 1,5 jour de dépassement avant le 1er confinement de mars 2020, contre 1,9 pour les PME. Lors de la crise sanitaire, le nombre moyen de jours de dépassement chute plus fortement en mars 2021 pour les TPE (-34%) que pour les PME (-19%). Mais il remonte lors de la cessation progressive des dispositifs de soutien. Depuis le début de l’année 2022, l’écart entre les TPE et les PME s’est nettement réduit.

 

La fréquence des dépassements par activité : la construction est l’activité la plus affectée avec le transport ; pour la construction, le taux passe en 2019 de 1,51 à 2,41 en moyenne en 2023 et celui des transport de 1,62 à 2,11. L’industrie l’est par contre nettement moins (de 1,60 à 1,64). J’ai préféré prendre la moyenne 2023 à celle de 2024 qui ne comporte que 3 mois, mais le taux augmente nettement encore en 2024.

⇒ Une observation plus fine selon les périodes.

Les TPE-PME recourent massivement à des crédits de trésorerie entre mars 2020 et février 2021, dont l’octroi est facilité par le dispositif des PGE (hausse de 46%). La mise en place des PGE bénéficie particulièrement aux entreprises en situation de fragilité bancaire avec un recours plus fréquent aux crédits de trésorerie. 

 

♦ Les montants de nouveaux crédits de trésorerie octroyés chaque mois aux entreprises clientes du CMAF diminuent fortement dès la fin 2020, et reviennent à leur niveau d’avant-crise au 4éme trimestre 2021. Ils se maintiennent ensuite à ce niveau, bien avant la fin du dispositif des PGE en juin 2022.

En parallèle, le solde bancaire médian est resté stable, à un niveau élevé, entre la mi-2020 et la fin 2021. Au dernier trimestre 2023, le solde médian repasse pour la 1ére fois sous son niveau d’avant-crise sanitaire. Fin février 2024, il s’établit ainsi à 20 200€, contre 27 200€ fin février 2020 (-26%) ; en termes réels, cette baisse est encore accentuée, car le niveau général des prix a  largement progressé sur la même période (+14%).

♦ Cette situation médiane masque toutefois une forte hétérogénéité, la dégradation étant nettement plus marquée pour les entreprises en difficulté : si 13% des TPE-PME présentaient un solde négatif en février 2020, cette proportion atteint 25% en février 2024, en lien avec l’augmentation continue du nombre moyen de jours en dépassement depuis la fin de la crise sanitaire. À l’inverse, les entreprises disposant d’un niveau de trésorerie élevé ont vu leur situation bancaire s’améliorer sur la même période (pour le dernier décile, de 334 000€ fin février 2020 à 498 000€ fin décembre 2020 et encore 403 000€ fin février 2024). 

 

♦ En février 2020, avant le premier confinement, 5,4% des entreprises clientes du CMAF étaient dans une position particulièrement fragile, ayant dépassé leur autorisation de découvert durant au moins 10 jours. Grâce aux différentes aides accordées pendant la crise sanitaire, leur situation bancaire s’est rapidement améliorée : 6 mois plus tard, en août 2020, seulement 32% des entreprises en situation fragile étaient encore dans cette situation, et 49% ne dépassaient plus leur autorisation de découvert. Si la proportion des entreprises particulièrement fragiles, avec au moins dix jours de dépassement, reste relativement stable, celle des entreprises sans dépassement recule légèrement (43% en février 2022 et 40% en février 2024).

 

Les entreprises dépassant d’au moins 10 jours leur autorisation en février 2022 sont un peu moins nombreuses (4,5%) que celles dans la même situation deux ans plus tôt. En août 2022, 53% d’entre elles dépassent toujours leur autorisation pendant plus de 10 jours, et seulement 25% n’ont plus de dépassement. Enfin, la proportion de ces entreprises ayant toujours au moins 10 jours de dépassement atteint toujours 42% deux ans après, en février 2024.

Au fur et à mesure du suivi de l’échantillon initial, certaines entreprises disparaissent de la cohorte de départ. En février 2024, 11,3% des entreprises n’apparaissent plus dans cet échantillon.

 

Pour en savoir davantage : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8316145#:~:text=En%20mars%202024%2C%20le%20nombre,contre%201%2C6%20jour).