Un rare rapport essentiel pour le développement de l’entrepreneuriat, proposant nombre de mesures pragmatiques.
⇒ Constat : L’échec entrepreneurial en France
♦ Les politiques économiques et les attentes sociales ont traditionnellement favorisé la stabilité et la sécurité, ce qui rend le risque entrepreneurial moins attrayant. En outre, les médias ont tendance à amplifier cette perception en mettant davantage l’accent sur les succès que sur les échecs, contribuant ainsi à une image biaisée de l’entrepreneuriat. Les échecs spectaculaires reçoivent également une attention disproportionnée. Les témoignages d’entrepreneurs qui ont échoué et ont appris de leurs erreurs ne sont pas assez valorisés ou partagés dans les médias.
On peut également noter que les écoles de commerce n’abordent que très rarement l’échec dans leur cursus d’enseignement.
♦ Cette vision réductrice ignore souvent les nombreux facteurs externes qui peuvent influencer l’échec d’une entreprise (les conditions économiques, les fluctuations du marché ou les crises imprévues). Une telle stigmatisation peut décourager les individus de tenter des projets innovants et de prendre des risques nécessaires pour l’entrepreneuriat. Cette perception négative peut influencer négativement les investisseurs et les partenaires commerciaux.
♦ Le système éducatif français joue un rôle significatif dans la stigmatisation de l’échec, en mettant l’accent sur la performance académique et les résultats tangibles ; il promeut une approche compétitive qui valorise uniquement la réussite. Les élèves sont évalués de manière comparative, ce qui peut nourrir une aversion au risque et une peur de l’échec dès leur jeunesse. Pour promouvoir la prise de risque et l’acceptation de l’échec comme partie intégrante du processus d’apprentissage, Il convient aussi de poursuivre le renforcement de l’éducation sur la compréhension par les plus jeunes de ce qu’est l’entreprise.
⇒ Le cadre juridique et les procédures collectives.
♦ Lorsqu’une entreprise est liquidée judiciairement, les démarches administratives peuvent s’étendre sur plusieurs mois voire des années. Les entrepreneurs doivent naviguer à travers une multitude de réglementations et de formalités, et limitent ainsi leurs capacités à rebondir rapidement.
♦ Les entrepreneurs peuvent se retrouver personnellement responsables des dettes de leur entreprise, surtout s’ils ont contracté des prêts personnels pour financer leur activité ou se sont portés caution à titre personnel des prêts de l’entreprise. Cette responsabilité personnelle peut entrainer la perte de biens personnels. Cette peur dissuade souvent les individus de prendre des risques nécessaires à l’innovation et à la croissance économique.
♦ Les banques et les investisseurs peuvent être particulièrement réticents à financer des projets initiés par des entrepreneurs ayant déjà connu des échecs, malgré les compétences et l’expérience acquises grâce à leurs précédentes tentatives. Les investisseurs en capital-risque peuvent hésiter à soutenir des projets portés par des entrepreneurs qui ne présentent pas un historique de succès continu. Et ce parce que le système financier est structuré de manière à privilégier la stabilité et la sécurité.
♦ Les programmes de soutien gouvernementaux peuvent ne pas être accessibles ou adaptés aux besoins des entrepreneurs en redémarrage, ce qui limite les opportunités de rebond.
⇒ Comparaison internationale.
♦ Perception de l’échec aux États-Unis :
L’échec entrepreneurial y est souvent considéré comme une expérience d’apprentissage cruciale et une étape normale du parcours entrepreneurial (environ 90% des startups américaines échouent), mais la culture valorise l’apprentissage tiré de ces expériences. Cette attitude encourage une culture de la seconde chance où l’échec n’est pas un obstacle insurmontable mais une partie intégrante du chemin vers le succès. L’acceptation de l’échec comme une étape normale du processus entrepreneurial favorise une culture d’innovation et de prise de risque.
♦ Perception de l’échec au Japon.
L’échec entrepreneurial est souvent associé à une perte de face, un concept culturel profond qui implique une perte de respect et de dignité personnelle, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur famille et leur cercle professionnel. L’échec est perçu comme un signe d’incompétence, ce qui peut rendre la recherche de nouveaux financements ou d’opportunités professionnelles très difficile. La culture japonaise valorise la stabilité et le consensus.
♦ Perception de l’échec en Israël.
L’échec entrepreneurial est souvent vu comme une étape de croissance et un élément naturel du parcours entrepreneurial. Les entrepreneurs qui échouent sont généralement perçus comme ayant acquis une expérience précieuse et sont encouragés à apprendre de leurs erreurs. Cette perception positive de l’échec favorise une culture de la résilience et de l’innovation. Les investisseurs et les mentors dans l’écosystème entrepreneurial israélien voient l’échec comme une opportunité d’apprentissage et sont souvent prêts à soutenir les entrepreneurs dans leurs nouveaux projets. Cette attitude encourage une prise de risque calculée et stimule l’innovation.
♦ Contraste avec la France : l’échec entrepreneurial en France est souvent perçu de manière négative, tant par les entrepreneurs eux-mêmes que par la société dans son ensemble. Les entrepreneurs qui échouent peuvent être stigmatisés et vus comme incompétents, ce qui peut avoir un impact durable sur leur carrière et leur réputation. Cette perception négative de l’échec limite la volonté des individus à prendre des risques et à s’engager dans des projets innovants.
♦ Leçons tirées de la comparaison internationale.
La comparaison internationale souligne l’importance cruciale de la perception culturelle de l’échec dans le développement d’un écosystème entrepreneurial dynamique. En valorisant l’échec comme une étape d’apprentissage et en réduisant la stigmatisation, les pays peuvent encourager davantage d’innovation et de prise de risque, essentiel pour la croissance économique et le développement.
Évoquer la perception de l’échec c’est aussi poser un regard sur la relation très contrastée des Français avec la réussite, le succès, qui a parfois aussi besoin d’être décomplexée ou au moins détachée de certains préjugés.
⇒ Quelques mesures proposées.
♦ Campagnes de sensibilisation visant à accepter l’échec, à le déstigmatiser et à encourager le partage d’expériences ; des exemples réussis de campagnes : “FailCon” en France, la Campagne “Trophée des Rebondisseurs Français”, les assises du Rebond.
Campagne dans les média et inclusion dans les conférences et événements avec workshops, interventions de personnalités publiques.
♦ La refonte de la sémantique de l’échec :
– Introduction de nouveaux termes (exemple, concevoir la “faillite” comme une “étape en procédure collective” et voir l’”échec” comme un événement à surmonter, une expérience). Une liste de modification de 13 noms est proposée.
– Formation et Éducation :
* Intégrer ces nouveaux concepts dans les programmes de formation pour entrepreneurs, les cours de gestion d’entreprise dans les écoles de commerce, et les séminaires sur l’innovation.
* Proposer des formations continues (modules gestion du stress, planification financière après un échec, reconstruction de l’entreprise),
* Introduire la Validation des Acquis de l’Expérience pour les entrepreneurs, et proposer des programmes de mentorat.
♦ Communication Officielle et Médias : encourager les médias, les organismes publics et les leaders d’opinion à adopter cette nouvelle approche.
♦ Modification des documents officiels (révisions des textes législatifs, formulaires officiels remaniés, guides et formations juridiques…).
* Simplification et accélération des procédures collectives :
– faciliter la préparation du dossier, modifier les inscriptions au Kbis, création d’un numéro vert,
– Procédures collectives “allégées” : suspension temporaire des obligations de remboursement pour permettre à l’entreprise de se réorganiser, instauration d’une procédure de réorganisation simplifiée et accélérée, facilitation de la liquidation des actifs, possibilité de reprendre la procédure qui a été clôturée.
– Assouplissement des sanctions et réformes des règles de fond en cas de faillite non frauduleuse.
♦ Appui financier.
* Une fois la liquidation judiciaire prononcée, il convient d’accompagner le dirigeant de l’entreprise en difficulté dans cette phase de répit afin de lui permettre d’assumer les nécessités de la vie courante pour lui et sa famille, pour une durée de 3 mois à compter du jugement de liquidation judiciaire.
Réviser l’Allocation Travailleur Indépendant (ATI) pour l’augmenter afin de couvrir les dépenses essentielles durant la période de redémarrage. L’augmentation proposée devrait refléter les coûts de vie actuels et offrir une aide réelle aux entrepreneurs en difficulté.
* Suspension temporaire et limitation stricte de l’exécution des cautions personnelles.
* Extension de l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) aux entrepreneurs en échec.
* Une maximisation du financement par la coopération en liquidation judiciaire (réduire les frais de liquidation, augmenter la confiance des créanciers…) .
* Pour poursuivre son activité pendant la procédure collective mise à mal par le régime juridique, sanctuariser les contrats de crédit-bail en procédures collectives de sauvetage (redressement judiciaire et sauvegarde).
Pour en savoir davantage : https://portaildurebond.eu/wp-content/uploads/2024/12/Rapport-GT-Echec-et-Rebond-31-octobre-2024.pdf