Préalable : les données chiffrées utilisées ici sont celles relatives aux indépendants (hors les autoentrepreneurs, mais ils sont souvent agglomérés aux autres indépendants) et recouvrent habituellement cumulés les agriculteurs, artisans et commerçants, et autres chefs d’entreprise en entreprise individuelle ou à gérance majoritaire, excluant pour certaines données les libéraux. Le plus souvent les données ne sont pas les plus récentes, faute de publications nouvelles, manifestant l’intérêt limité de nos institutions pour les TPE.
Un vaste tour d’horizon sur ce qui peut expliquer la précarité des indépendants.
Définition de précaire « Dont l’avenir, la durée, la stabilité ne sont pas assurés. »
♦ La précarité financière :
-Le niveau de revenu des indépendants (selon leurs déclarations sociales ou fiscales) :
En 2022, les indépendants (hors autoentrepreneurs) ont un revenu mensuel moyen de 3 800€, (5 480€ pour les libéraux, vs 2 520€ pour les autres, 2 fois plus pour les libéraux), dont 11% de revenus nuls ; mais 52% déclarent un revenu au plus égal à 2500€ ; 22% gagnent moins de 1 300€ et 13% ont des revenus nuls ou déficitaires.
Quelques exemples hors microentrepreneurs : livraison à domicile (730€), commerce de détail sur les marchés (810€), taxi (1430€), coiffure (1510€), réparation hors auto (1590€), restauration (1 900). les moins de 30 ans (2 035€).
52% appartiennent au groupe des artisans-commerçants non employeurs et affichent un revenu moyen de 1800€ et les moins de 30 ans (2 035€).
Pour mémoire : ce sont 630€ mensuels pour les microentrepreneurs (1 sur 2 déclare moins de 320€).
-Le taux de pauvreté (en dessous de 60% du niveau de vie médian, soit 1 2316€ mensuels) est en 2023 de 14,4% en moyenne ; il est de 18,3% pour les indépendants (les autoentrepreneurs sont à priori inclus ; par ailleurs, il s’agit de la globalité des revenus, cumulant notamment des revenus salariés complémentaires ou du conjoint) et 6,3 pour les salariés (13,9 pour les ouvriers et 12,1 pour les employés). 29 à 36% des indépendants sont considérés comme gagnant très peu.
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8216285
♦ La pérennité de l’entreprise :
Le taux de pérennité des indépendants classiques est à 3 ans de 82% (75 pour les entreprises individuelles et 84 pour les sociétés tout type). Pour les entreprises individuelles, il passe de 88% à un an (12 points de décrochage) à 80 à 2 ans (8 points de décrochage) et 75 à 3 ans (5 points de décrochage). Le cap le plus difficile est celui de la 1ére année.
Pour les sociétés, ce n’est pas entre le démarrage et la 1ére année ((-3 points), mais ensuite : entre la 1ére et la 2éme année (-6 points) puis entre la 2éme et le 3éme année (-7 points).
Le tout début de la création de l’entreprise est ainsi facteur de précarité : le chiffre d’affaires évolue fortement avec l’ancienneté :
Qui cessent davantage du fait de difficultés économiques ? Les moins diplômés, ceux exerçant dans des activités peu rémunératrices ou des localisations peu favorables au développement d’entreprises, ceux ayant très peu investi financièrement, ou ayant peu investi dans la préparation et l’accompagnement du projet.
Prudence dans la comparaison des taux globaux de pérennité et ceux obtenus par France Active : il faudrait comparer des populations comparables (plus de chômeurs, de femmes, de créations en situation difficile chez France Active).
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7653231
♦ Autre approche, celle des défaillances : elles sont 57 729 en 2023. 11% seulement sont des entreprises individuelles. La majorité de défaillances sont donc le fait de société.
Les moins de 3 salariés sont 73% et connaissent une liquidation judiciaire immédiate pour les 3/4. Par contre, les moins de 3 ans d’ancienneté ne sont que 14% des défaillances : les 6 ans et plus regroupent 57% de défaillances.
♦ La santé des dirigeants
-Note dominante : l’entreprise passe avant la santé du dirigeant pour 74%. 37% ne jugent pas leur santé prioritaire. Un sujet de précarité !
Si 83% s’estiment être en bonne santé, ils ne vont chez le médecin qu’en cas de problème.11% ne vont jamais chez le médecin.
72% des femmes ont repris leur activité avant la fin de leur congé maternité (34% ont repris moins d’une semaine après la naissance).
–L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle : 37% disent avoir difficulté pour y faire face, dont 15% beaucoup. La grande majorité vit en couple ; fait positif, les divorces y semblent moins nombreux que dans la population Française. Un autre atout, l’apport financier, sécurisant d’un conjoint salarié, une situation bien plus fréquente que dans le passé.
En moyenne, ils travaillent 46 heures par semaine : 74% plus de 40 heures (dont 43 plus de 50 heures), et 17% moins de 35 heures.
♦ Congés : aucun pour 1/3 ; les 2/3 prennent des congés dont 14% au plus une semaine, 23% de 1 à 2 semaines, 21% de 2 à 3 semaines ; 7% envisagent plus de 3 semaines.
Enquête : Sondage OpinionWay pour CCI France – GCE – Vague 71 – Juin 2022 (bayonne.cci.fr)
♦ Menaces et inquiétudes
Risque actuel de défaillance : 19% rencontrent des difficultés financières importantes ; parmi ces 19%, 35% (soit 6,7% des chefs d’entreprise répondants) disent craindre de déposer le bilan (22% dans les 6 mois ou 4,2% des répondants).
Sondage : https://www.ifop.com/publication/le-barometre-de-conjoncture-des-tpe-vague-75/
Autres difficultés qui concourent à la précarité :
-L’absence de sécurité financière (65%),
-Le poids des charges et des impôts (60%),
-La quantité de travail que cela exige par rapport aux bénéfices retirés (41%),
-Le manque de couverture sociale (39%),
♦ Le profil du dirigeant et celui de l’entreprise « classique »
-28% un faible niveau de formation (13% ont le niveau BEP au plus, 15% celui de CAP), mais 56% un diplôme du supérieur,
-37% n’ont pas d’expérience dans le métier ou le secteur d’activité
-30% sont issus du chômage et de l’inactivité, alors que 41% viennent du salariat et que 29% sont déjà chefs d’entreprise ou l’ont été.
Selon l’étude BGE : https://www.bge.asso.fr/actualites/createurs-dentreprise-une-histoire-de-7-familles/
Le profil psychologique des porteurs de projets (parmi d’autres facteurs, tels que les ressources déployables, le secteur d’activité, la motivation à la création…) est déterminant dans le fait de passer à l’acte (s’immatriculer), de réussir à atteindre des résultats financiers à la hauteur de leurs espérances, ainsi que sur le vécu de l’exercice entrepreneurial.
Certaines qualités psychologiques (la propension à s’entourer, la tolérance au stress, la facilité à sortir de sa zone de confort…) semblent aider la réussite entrepreneuriale à court terme. D’autres semblent davantage servir une forme de résilience, qui permet de ne pas baisser les bras trop vite (la persévérance, le lieu de maitrise, l’ambition).
La motivation intrinsèque à la création d’entreprise (le fait de vouloir créer une entreprise parce que justement on apprécie cet exercice, le fait d’être indépendant, etc.) est déterminante dans le passage à l’acte.
Les projets se construisent manifestement sur un temps long.
Enfin, niveau de vie, situation dans l’emploi avant de s’immatriculer, genre, diplômes influent marginalement sur l’appartenance à une famille.
Et autre point important quant au profil de la nouvelle entreprise : le montant d’investissement initial : 13% n’affichent aucun financement spécifique et 51% moins de 8 000€ ; c’est dire la faiblesse du financement initial.
On y trouve notamment des activités qui n’ont pas besoin de financement initial conséquent tels les services aux entreprises), mais aussi le sous-investissement de nombreux postulants (autocensure, manque d’ambition et de recul sur le projet, accès difficile au financement) ;
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4770853?sommaire=4621618
♦ L’aspect plus que positif de la préparation du projet et de son accompagnement
83% des créateurs accompagnés par France Active sont toujours en activité trois ans après leur financement.
Dans l’étude du réseau des Boutiques de gestion de mars 2024, le chiffre d’affaires passe de 29 000€ la 1ére année à 40 760€ un an après, puis 55 000 les 2 et 3éme années et 75 000€ à 4 ans, alors que ces entreprises sont pour 70% le fait de chômeurs et pour 52% de CSP-
Et autre point extrêmement positif, la grande satisfaction des créateurs de l’avoir fait.
88% disent être heureux de leur vie professionnelle. 86% n’envisagent pas de quitter ce statut, mais seuls 14% l’envisagent.
Car les principaux avantages de leur statut :
-La liberté de décision : organiser son emploi du temps comme souhaité (77%),
-Le développement de leurs propres idées en adéquation avec ses valeurs (55%),
Ou encore l’étude BGE, une histoire de 7 familles :
77% se donnent une note de 5 à 10 pour évaluer la réussite de leur projet de création (dont 57% de 7 à 10). 93% le referaient.
Ou encore selon l’étude d’Initiative France Les entrepreneurs Initiative optimistes envers et contre tout – Initiativ.. (initiative-france.fr)
64% disent être plus heureux qu’avant leur implication comme dirigeant de leur entreprise et seulement 6% moins heureux.
Les entrepreneurs les plus récents sont les plus heureux de leur expérience entrepreneuriale : 69% contre 56 pour les plus de trois ans d’exercice.
Mais la rémunération ne suit guère en ce qui concerne leurs 1éres années d’exercice : 63% en sont insatisfaits, contre 35% de satisfaits.