♦ Quel type d’industrie en France ?
L’Allemagne mais également le Danemark se distinguent par une industrie manufacturière globalement orientée vers les hautes et moyennes technologies. La France, le Royaume-Uni, l’Autriche, et la Finlande ont des profils industriels plus mixtes (hautes et « moyennes-basses » technologies s’y côtoient).
La France se caractérise par un profil assez généraliste (chimie/pharmaceutique [Sanofi], agroalimentaire [Danone], automobile [PSA, Renault], etc.). Cette orientation technologique s’explique en partie par les évolutions des vingt-cinq dernières années.
Si l’on exclut la région parisienne, on observe un gradient est-ouest assez marqué. Dans les régions de l’Est (de l’ancienne région Alsace à PACA), les emplois manufacturiers de hautes technologies sont nettement surreprésentés.
À l’inverse, dans les régions de l’Ouest (de l’ancienne région Basse-Normandie à la Nouvelle-Aquitaine), les emplois dits de basses technologies représentent près de la moitié de l’activité manufacturière malgré la présence de sites aéronautiques à Saint-Nazaire, Bordeaux et Toulouse.
En France, en 1975, l’industrie employait quelque 6 millions de personnes (soit près de 2 fois plus qu’aujourd’hui) et était le premier pourvoyeur d’emplois du pays.
Les pertes d’emplois industriels sont souvent associées aux délocalisations vers des pays à plus faible coût de main-d’œuvre. Ils sont aussi largement liés à l’augmentation de la productivité. Il faut ajouter la tertiarisation, alors qu’en 1975, la majeure partie des fonctions supports de l’activité industrielle étaient internalisées (ex. : R&D, logistique, etc.), celles-ci sont aujourd’hui souvent externalisées.
⇒ L’évolution de l’emploi industriel selon les régions
♦ Les régions Hauts-de-France et Grand Est ont été les plus affectées. En 1975, les entreprises industrielles employaient plus du tiers des 25-54 ans de ces régions (39% dans les Hauts-de-France et 37,4% dans la région Grand Est) ; en 2014, le poids de l’industrie dans l’emploi régional n’était plus que de 14,9% dans les Hauts de-France (correspondant à une baisse de 280 000 emplois entre 1975 et 2014) et de 17,1% dans la région Grand Est (correspondant à une baisse de 225 000 emplois entre 1975 et 2014).
♦ 2 autres régions, moins souvent associées aux activités industrielles, ont également connu un recul très important de ce secteur : l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. En Île-de-France, en 1975, ce secteur d’activité employait 970 000 actifs de 25-54 ans, soit 28,8% des emplois de cette tranche d’âge vs en 2014, 345 000 actifs de 25-54 ans (7,9% des emplois de cette tranche d’âge).
Les pertes d’emplois industriels en Rhône-Alpes se sont essentiellement concentrées dans 3 départements de l’ancienne région Rhône-Alpes (74% des emplois disparus, alors qu’ils comptaient pour 50% des emplois régionaux) : le Rhône (35,8% des emplois des 25-54 ans en 1975, 13,3% en 2014, soit – 75 000 emplois), la Loire (44,1% en 1975, 18,4 % en 2014, soit – 50 000) et l’Isère (38,7% en 1975, 16,9% en 2014, soit – 30 000).
♦ L’ancienne région Auvergne, la Bourgogne-Franche-Comté et la Normandie, perçues comme des régions industrielles, ont également connu des baisses d’emplois industriels significatives bien que plus proches des tendances nationales.
♦ Le sud de la France se démarque des autres régions françaises par la faible part des emplois industriels même dans les années 1970.
En dépit de ces évolutions, la hiérarchie entre les régions n’a pas été fondamentalement modifiée. Le nord et l’est de la France (Hauts-de-France, Grand Est, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Normandie) demeurent les espaces qui accueillent ou concentrent le plus les emplois industriels. Leur prédominance au sein du tissu industriel français s’est cependant largement amoindrie. En 1975, ces six régions concentraient 73% des emplois industriels français (occupés par des 25-54 ans) contre 61% en 2014.
⇒ L’ouest, une évolution favorable
Les 25 zones d’emploi ayant enregistré une progression de la part de l’emploi industriel sont presque toutes situées dans l’Ouest, en particulier en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Les zones d’emploi de La Ferté-Bernard et de La Roche-sur-Yon ont connu une forte évolution.
Les établissements industriels localisés dans l’ouest et le sud du pays sont globalement de plus petite taille que ceux présents dans les régions du Nord-Est. Ainsi, dans les régions les plus méridionales (Auvergne-Rhône-Alpes, PACA, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine), les établissements de moins de 50 salariés sont ceux qui emploient la plus forte proportion de travailleurs de l’industrie (de l’ordre de 40% des salariés). Dans les régions les plus au nord (Île-de-France, Hauts-de-France, Grand Est, Normandie), les établissements de plus de 200 salariés emploient 43 % des travailleurs de l’industrie manufacturière (et jusqu’à 48% en Île-de-France).
⇒ Un classement en 3 catégories suivant le degré de concentration territoriale :
Plusieurs éléments déterminent la localisation des établissements industriels : l’histoire, les facteurs de production (énergie, matière première et travail), la proximité du marché final ou la présence d’infrastructures de transport permettant de distribuer une production ou d’importer des matières premières non disponibles sur le sol national (presque tous les sites de raffinage sont situés près d’un port). Le facteur historique est l’un des plus importants dans la localisation de ces activités.
♦ 1ere catégorie : la localisation est très concentrée et spécifique à certains sites ou espaces géographiques très restreints. C’est le cas des industries de cokéfaction et raffinage (10 000 emplois salariés) ou encore des industries chimique (144 000 emplois salariés) et pharmaceutique (77 000 emplois salariés). Ces emplois sont très largement concentrés autour de Paris et de l’Île-de-France, autour de Lyon et le long de la vallée du Rhône.
Ce type de concentration est également observé dans les industries de matériel de transport (355 000 emplois salariés / 3e secteur manufacturier français) et dans celles liées à la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (127 000 emplois salariés) ; on y retrouve les grands sites de production automobile (Poissy, Valenciennes), ferroviaire (Belfort – Montbéliard – Héricourt), aéronautique (Toulouse et Saint-Nazaire) et nautique (Saint-Nazaire) avec 52% des effectifs salariés de ce secteur d’activité.
♦ La deuxième catégorie regroupe des industries spécifiques à certaines régions. C’est en particulier le cas des industries agroalimentaires (566 000 emplois salariés, 1er secteur manufacturier français), du travail du bois, de l’industrie du papier et imprimerie (182 000 emplois salariés) ainsi que de la fabrication de textiles, de l’industrie de l’habillement, du cuir et de la chaussure (102 000 emplois salariés). Ces activités se situent généralement à proximité des zones de production des matières première (élevages, cultures, forêts) ou au sein d’espaces dont l’histoire économique est marquée par des spécialisations industrielles (ex : chaussures à Romans-sur-Isère).
Les industries agroalimentaires sont essentiellement présentes dans les régions de l’Ouest et occupent une place importante en Bretagne (69 000 salariés, soit 45% des emplois manufacturiers de la région), dans les Pays de la Loire (58 000 salariés, soit 26% des emplois manufacturiers de la région) et de manière plus diffuse dans le quart sud-ouest de la France.
Le secteur du bois, papier, imprimerie se retrouve dans le quart sud-ouest de la France à proximité des espaces les plus boisés du pays (forêt des Landes).
Les industries du textile, de l’habillement et du cuir, dont les effectifs ont beaucoup baissé depuis 1975, restent présentes dans les espaces historiques.
♦ La troisième catégorie regroupe des industries dont la répartition est assez diffuse ou relève plus d’une opposition entre les moitiés est et ouest du pays que de l’identification de sous-ensembles régionaux. C’est notamment le cas des industries lourdes liées à la métallurgie et fabrication de produits métalliques (380 000 emplois salariés, 2e secteur manufacturier français) ou encore à la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique (262 000 emplois salariés, 4e secteur manufacturier français).
⇒ Des activités innovantes très largement concentrées autour des grandes métropoles
Selon la nomenclature construite par Eurostat à partir de la NAF rév. 2, on peut assimiler aux hautes technologies la construction aéronautique et spatiale, les industries pharmaceutiques et les industries de produits informatiques, électroniques et optiques (7,4% des emplois salariés manufacturiers).
Quatre ensembles régionaux sont marqués par cette surreprésentation.
–Le premier de ces ensembles se structure autour de l’axe de la vallée de la Seine, et donc la Haute-Normandie et le Val de Loire
-Le deuxième pôle, la vallée du Rhône, Grenoble et Aix-en-Provence, voire Nice et Cannes-Antibes
-Le troisième pôle se structure le long de la vallée de la Garonne (Bordeaux, Libourne, Agen, Toulouse et Saint-Gaudens)
-Le quatrième espace de concentration des activités industrielles de hautes technologies traverse la région Bourgogne-Franche-Comté (du Morvan à Morteau en passant par Dijon et Besançon)
⇒ En termes de type d’espace
Selon la taille des pôles urbains, la part de l’industrie dans l’emploi total varie fortement. Cette part est ainsi de 10,5% dans les grands pôles alors qu’elle est de 16,4% dans les pôles moyens et de 20,5% dans les petits pôles et 17% des emplois présents dans les couronnes des pôles et les espaces multipolarisées réunis.
♦ Les grands pôles urbains, qui accueillent de nombreux centres de recherches publics et privés, sont les espaces privilégiés d’installation des industries relevant des hautes technologies.
♦ les territoires périurbains, mais également les petits et moyens pôles tout comme les territoires ruraux qu’ils structurent, se spécialisent davantage dans les activités de moyennes et basses technologies.
-La part des emplois industriels dans l’emploi total des espaces « à dominante rurale » atteint 18,4% en 2014 (15,5% dans les communes dites isolées), alors qu’elle n’est que de 11,5% dans le reste du territoire, « à dominante plus urbaine ».
-Les espaces périurbains accueillent aujourd’hui près du quart des emplois industriels du pays, pour près du tiers de la population nationale et moins du cinquième de l’ensemble des emplois. Cette surreprésentation peut être associée à plusieurs facteurs : prix du foncier, emprises plus grandes, zones industrielles aménagées, volonté d’éloignement des concentrations des populations, accès et fluidité des infrastructures de transport.
« Les enjeux à venir résideront certainement dans la capacité à tisser des liens entre ces différents types d’espaces afin de permettre aux territoires les plus innovants d’irriguer le reste du territoire national »