Source : fiche AFD de septembre 2024
Régions concernées : Outre-mer français (Antilles-Guyane, Mayotte, La Réunion, Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, Polynésie française).
Bénéficiaire : ADI pour un montant de113,6M€ depuis 2005. Prêts récents de 28M€ (2020-2022) et 34M€ (2023 2024) ; taux de décaissement : 95,4% et 85,3%, en sept. 2024. Date d’achèvement : 2024 ; ciblés sur le refinancement de microcrédits octroyés par l’ADIE.
Cette évaluation intervient en amont d’une nouvelle demande de financement de l’Adie en Juillet 2024, afin d’éclairer les instances de décision de l’AFD.
En termes de méthodologie, l’évaluation s’est basée sur une analyse documentaire, une série d’entretiens de cadrage, et la conduite de 4 investigations régionales (Antilles-Guyane, Réunion Mayotte, Nouvelle-Calédonie/Wallis et Futuna et Polynésie française) ayant permis via des entretiens individuels et focus groupe de recueillir la perception des salariés et bénévoles de l’Adie. Une enquête en ligne a été réalisée auprès des conseillers et bénévoles DOM sur la prise en compte de la transition écologique, avec la participation de 126 répondants (soit un taux de réponse de 38% sur l’ensemble de la cible, et de 61% pour les conseillers). Les bénéficiaires n’ont en revanche pas été interrogés.
Au total, une soixantaine d’entretiens a été réalisée au niveau de l’ADIE (ensemble des directeurs.ices régionaux, panel de directeurs.ices des opérations et territoriaux, 22 conseillers salariés, 4 conseillers bénévoles), et une dizaine de partenaires dont l’AFD.
Cet avis de l’AFD est l’occasion de faire le point sur qui sont les créateurs d’outremer accompagnés par l’Adie, pour quels résultats et avec quelles actions spécifiques.
⇒ Points saillants de l’activité de l’ADIE dans les Outre-Mer Fin 2023.
30 824 clients ultramarins étaient en cours d’accompagnement à l’Adie ; l’encours de microcrédits s’établissait à 136M€ en croissance de 85% en 5 ans. Sur l’année 2023 uniquement, l’Adie a injecté 81M€ sous forme de microcrédits dont 85% au titre de la création ou du développement d’une activité professionnelle.
♦ Les interventions ont concerné la Polynésie (2 294 interventions en 2023), puis la Réunion (1 546), la Guadeloupe (1110), la Nouvelle Calédonie et W et F (1 081), la Martinique (1 051), Mayotte (1 003), et la Guyane (867). Noter que les interventions hors créations d’entreprise ont aussi été nombreuses à la réunion (1 348) et en Nouvelle-Calédonie (453).
♦ En termes d’activité, sont d’abord concernées les secteurs de la prestation de service (2 393), du commerce (2 213), puis l’agriculture pêche (1 562) et les HCR (1 249) , devant l’artisanat (1 041 dont 416 le BTP), le transport (420) et les arts et la culture (89).
♦ Enfin, les profils des créateurs d’entreprises se distinguent sensiblement des profils de bénéficiaires sur l’ensemble du territoire national : avec plus de femmes (55% dans les DROM contre 44% au niveau national), une proportion généralement plus importante de bénéficiaires de minima sociaux, une proportion généralement plus importante de personnes sans aucun diplôme (36% vs 19), une proportion plus importante vivant en milieu rural (39%), une proportion plus importante de résidents de QPV, et par contre une proportion plus faible de jeunes (19% de moins de 30 ans contre 30% au niveau national).
Le tableau ci-après précise ces indicateurs par région d’outremer.
♦ Les taux de pérennité sont proches de ceux en métropole (entre 76 et 88%), comme ceux en insertion (entre 88 et 96%).
♦ La création d’entreprise permet de maintenir ou instaurer une vraie dynamique sur les territoires, voire de permettre à certaines populations de rester dans leur territoire d’origine. Ainsi en Nouvelle-Calédonie l’Adie a permis de contribuer à la création d’opportunités économiques hors de Nouméa, dans le respect des valeurs et de la culture kanak en terre coutumière ; par ailleurs, si le secteur primaire représente 7% des entreprises soutenues par l’Adie au niveau national, cette part atteint 17% en Outre-mer : plus de 1 500 exploitations ont été accompagnées et financées par l’Adie en 2023, pour un montant de 9,2M€ sous forme de microcrédit au service de la petite agriculture, de la pêche et, dans une moindre mesure, de l’élevage et l’apiculture.
♦ 55% des créateurs qui bénéficiaient de minima sociaux avant l’accompagnement de l’Adie et qui ont créé leur entreprise n’en bénéficient plus aujourd’hui ; 70% des créateurs sont satisfaits de leur niveau de vie.
⇒ Le contexte de l’outremer.
♦ Une faible couverture bancaire (une part importante de la population ne dispose pas de compte bancaire parce qu’elle ne dispose pas de revenus) et une frilosité des banques à soutenir directement ce type de projets, entrainant un difficile accès des entrepreneurs au crédit classique.
♦ L’importance du travail informel comme moyen de subsistance, souvent développé dans une logique de multi-activité, ou en complément d’activité salariée ponctuelle ou faiblement rémunératrice. En Polynésie, 45% des actifs (soit 76 000 personnes) ne sont pas déclarés en recherche d’emploi et une majorité d’entre eux exercent une activité informelle. En Nouvelle Calédonie, 70% des habitants déclarent réaliser une activité informelle.
⇒ Des modalités d’action spécifiques de l’Adie.
♦ En complément de son offre de prêt, l’Adie propose aussi des produits d’assurance (assurance responsabilité civile professionnelle et assurance véhicule dans le cadre de partenariats avec des compagnies d’assurance nationales) ; pour tenir compte des spécificités du contexte local, des Prêts de groupe sont proposés aux personnes ne pouvant fournir de caution ou garant ; ils peuvent porter sur 4 personnes maximum, qui sont solidaires du remboursement et n’ont pas besoin de garant, en réponse à des dynamiques locales d’émancipation des femmes.
♦ Le plafond du Micro-crédit professionnel a été relevé pour passer à 15 K€ contre 12 K€ en métropole, en raison notamment de besoins de financements plus importants liés au coût plus élevé des matières premières ou de l’approvisionnement, et de la présence inégale d’autres acteurs du financement (banques ou réseaux nationaux).
♦ Des modalités spécifiques d’accompagnement : une logique d’aller vers et d’offre « hors les murs » déployée très fortement en Outre-mer, à travers le développement de permanences et d’équipes mobiles permettant d’aller au plus près des porteurs de projets situés sur des territoires souvent morcelés et reculés (118 iles composent l’archipel polynésien, certaines communes de Guyane ne sont accessibles que par voie fluviale…). La Nouvelle-Calédonie dispose de la flotte mobile la plus importante à l’échelle de l’Adie, lui permettant ainsi de toucher des populations plus reculées, en terres coutumières.
♦ L’Adie s’appuie sur un réseau de prescripteurs élargi et sensiblement différent de celui mobilisé en métropole : commerçants, associations, mairies, communautés locales et tribus.
Une ambition commune à tous les territoires ultramarins est de contribuer à l’officialisation d’activités informelles, à travers une offre dédiée et pédagogique visant à sécuriser les entrepreneurs (selon l’étude d’impact 2024 de l’Adie, 83% des entrepreneurs informels accompagnés par l’Adie en Outre-Mer se sont immatriculés).
♦ L’Adie développe des outils, modalités et supports d’accompagnement individuels et collectifs adaptés aux besoins et aux profils d’entrepreneurs disposant souvent d’un faible niveau de formation, parlant parfois difficilement le français, étant peu à l’aise dans des formats d’accompagnement collectifs, dans le cadre d’un accompagnement qui se poursuit largement au-delà de la phase de financement.
♦ L’Adie propose davantage de prêts multiples et séquencés, ciblés sur un besoin spécifique à chaque fois, limitant de fait le montant des échéances à rembourser pour l’entrepreneur et le risque financier pour l’Adie. Le taux de refinancement peut ainsi aller jusqu’à 50% des projets en Outre-mer.
♦ La mise en place d’actions de sensibilisation ou d’accompagnement dédiées à l’environnement : 48% des équipes sensibilisent le public lors de rendez-vous individuels) ; en revanche, très peu de formations, ateliers ou webinaires dédiés à la thématique sont mis en place, selon les conseillers du fait du manque d’intérêt du public ou encore de l’absence d’offre sur les territoires.
En matière de soutien financier, le prêt d’apport en capital pour la transition écologique reste encore peu mobilisé par les conseillers (21%).
⇒ Conclusions de l’évaluation.
L’évaluation était organisée autour de 3 questions clefs : l’une portant sur l’apport des pratiques de l’Adie au regard de l’impact économique recherché, la seconde portant sur la contribution de l’Adie aux enjeux de transition écologique et autres externalités positives, et la dernière ciblée sur la complémentarité de son action en Outre-mer, et sa cohérence avec le mandat plus global de l’AFD.
♦ En matière de pratiques et d’impact, l’organisation et processus de l’Adie contribuent indubitablement à l’impact économique recherché au niveau des entrepreneurs, et contribue à la sécurisation du risque financier.
– La cible de l’Adie correspond effectivement au public le plus vulnérable, n’ayant pas accès à l’offre bancaire par ailleurs très réduite en Outre-mer. La diversité des outils financiers proposés (micro-crédit professionnel, micro-crédit projet pour les entrepreneurs informels, prêt d’apport en capital solidaire, prime jeunes, prêts de groupe) répond aux besoins des bénéficiaires et paraissent adaptés aux spécificités des territoires .
– L’accompagnement de proximité proposé par les conseillers et bénévoles est jugé également très pertinent, en logique « d’aller vers » cohérent avec sa cible, permettant de proposer un appui-conseil et des formations judicieuses, en aide à la décision, et basé enfin sur une logique de progressivité (prêts séquencés) permettant d’adapter les niveaux de prêts aux capacités de ses clients.
– Le risque parait in fine maîtrisé en Outre-mer, et analogue à celui constaté dans l’ensemble du réseau (taux d’impayé à 48 mois compris entre 1,5 et 7%, vs une moyenne nationale de 6%). Le taux de pérennité est également similaire au niveau national, entre 77 et 92% selon les territoires.
♦ Sur le plan de la transition écologique, l’Adie s’est récemment mobilisée au niveau national, avec la définition d’un plan stratégique intégrant les problématiques environnementales et la création de nouveaux outils financiers (prêt d’apport en capital pour la transition écologique). La sensibilité des équipes Outre-mer reste cependant nuancée (note de 6,2 accordée à l’importance de la thématique), sur des sujets qui ne constituent pas la clef d’entrée des conseillers. Pour autant, l’accompagnement et l’offre financière de l’Adie se structure progressivement, avec une sensibilisation aux enjeux environnementaux mise en place par la moitié des conseillers interrogés, une mobilisation du prêt d’apport en capital qui débute (mobilisé par un cinquième des conseillers), et des besoins en matière de transition écologique repérés (et des besoins d’accompagnement exprimés par les conseillers).
L’impact écologique de l’Adie reste de fait très positif, sur des activités financées qui favorisent le développement local et la réduction de l’émission de gaz à effet de serre (soutien à l’agriculture raisonnée, renforcement de l’autonomie alimentaire et réduction des importations).
♦ Sur le volet cohérence enfin, l’activité de l’Adie s’insère parfaitement dans le mandat de l’AFD, en soutien au secteur de l’économie sociale et solidaire, au développement des territoires (modalités de refinancement de l’AFD, favorisant par ailleurs l’effet levier sur la mobilisation de financements aux échelles territoriales), et sur une approche inclusive auprès des publics vulnérables dont la fragilité confirmée par le score d’exclusion sociale et financière. L’offre de l’Adie apparait pleinement complémentaire de l’offre existante, se situant sur un public non bancarisé, et hors champ des autres acteurs de la microfinance (Initiative, France Active, Créa-Sol ou Réseau Entreprendre).
L’Association a également su tisser des liens de qualité avec son écosystème sur chacun des territoires analysés tant au niveau d’acteurs publics ou parapublics, d’associations ou d’acteurs de la formation. Ces liens lui permettent, au-delà de son entrée financière, de contribuer à la continuité de l’offre de services, en relayant des bénéficiaires non éligibles vers d’autres partenaires, en proposant des actions de financement croisées, et dirigeant les entrepreneurs vers les formations disponibles les plus adaptées.
Pour en savoir davantage : https://www.afd.fr/fr/ressources/evaluation-action-ultramarine-adie-outre-mer