Si les dirigeants de PME sont nombreux à envisager le rachat d’entreprises, peu le font.


"LA CROISSANCE EXTERNE À L’ÉCHELLE DES PME", Bpifrance, France Invest, septembre 2022

Méthodologie : 668 répondants

Profil des entreprises :

-36% de 10 à 19 salariés, 38% de 20 à 49, 26% au-delà,

-40% de services, 22% industrie, 15% commerce, 14% BTP, 8% autre,

-56% des entreprises réalisent moins de 5M€ de chiffre d’affaires, 21% entre 5 et 10M€ et 13% entre 10 et 25M€.

Profil des chefs d’entreprise :

-95% des hommes ; 56% ont entre 50 et 70 ans, 29% entre 40 et 50 ans et 13% moins de 40 ans,

-54% sont fondateurs de leur entreprise, 40% repreneurs (dont 12% successeurs familiaux). Par ailleurs 74% sont actionnaires majoritaires ou seuls,

-42% sont à la tête de leur entreprise depuis moins de 10 ans,

-la moitié estiment être en surperformance par rapport à leur secteur, 39% dans la moyenne et 11% en sous-performance.

 

Les petites PME rachètent peu d’autres entreprises pour leur développement, parce qu’elles sont inquiètes pour leur autonomie et peu pourvues d’outils de gouvernance qui les aideraient dans cette perspective.

⇒ La croissance externe, un levier perçu comme stratégique

♦ Si une grande majorité y est favorable, 34% seulement l’ont fait

Pour 83% (dont 25% tout à fait d’accord) le rachat d’entreprise participe à la pérennité des PME. Pour 74% elle ne présente pas trop de risque. Pour 65%, l’acquisition d’autres sociétés est indispensable dans la vie d’une PME en développement.

 

Si 81% d’entre eux ont déjà envisagé de se lancer dans un projet d’acquisition, 34% ont procédé à une ou plusieurs acquisitions ces 5 dernières années (dont 15% au moins 2).

 

♦ Quel est le profil des acquéreurs ?

64% ont plus de 50 ans et 88% sont diplômés d’au moins bac +2.

63% sont à la tête de leur entreprise depuis au moins 10 ans ; 47% en sont les fondateurs et 36% les repreneurs. 77% sont actionnaires majoritaires ou seuls.

Les PME de plus de 50 salariés, réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 M€, y sont sur-représentées. L’atteinte d’une taille critique, illustrée par ces seuils d’activité et la consolidation de la gouvernance de l’entreprise (présence de DAF et de codir), semble favoriser les initiatives en matière de croissance externe. La reprise d’entreprise paraît aussi être une expérience riche d’enseignements, à même d’être réemployée dans le cadre d’une acquisition.

 

♦ À quoi ressemblent les acquisitions menées par ces PME ?

Les objectifs qui motivent les acquisitions s’inscrivent dans une logique avant tout offensive, visant à l’amélioration des performances économiques (économies d’échelle, diversifications d’activité, zones géographiques de marché plus larges, atteinte d’une taille critique), notée entre 6 et 7,9 ; les enjeux de recrutement et d’innovation ainsi que les logiques défensives semblent moins importantes (notés entre 4,5 et 5,7).

 

♦ La méthodologie d’acquisition des PME : des travaux formalisés, des experts sollicités
Parmi les 34% de dirigeants de PME ayant achevé une acquisition, plus de huit acquéreurs sur dix conçoivent un plan d’affaires (business plan) pour prévoir les bénéfices de leur acquisition.
Ils réalisent également des analyses approfondies des caractéristiques opérationnelles et stratégiques via une « due diligence »,  des analyses de la culture d’entreprise et des caractéristiques RH, ainsi que les habitudes des dirigeants de PME (mais dans une moindre mesure). De même, après la conclusion de la transaction, les plans d’intégration pour faciliter les synergies identifiées, sont moins systématiques.

 

Pour maximiser leurs chances de succès, les chefs d’entreprise n’hésitent pas à s’entourer de spécialistes dans le cadre de leurs acquisitions. Un triptyque d’experts (composé d’un avocat, d’un expert-comptable et d’un banquier traditionnel) est présent dans 81 à 86% des acquisitions. Pour évaluer la valeur d’une entreprise et formuler une offre en conséquence, les audits et conseils juridiques sont aussi très prisés des dirigeants de PME. Avocats et experts-comptables peuvent éplucher les contrats de la cible mais aussi ses bilans pour déterminer la valorisation finale de la cible et éventuellement trouver des motifs de baisse de prix de la transaction. Le banquier, pour sa part, intervient dans de nombreuses opérations pour ficeler des plans de financements performants et libérer les initiatives.

Les réseaux de dirigeants, les consultants en stratégie/organisation sont peu sollicités (33 et 22%).

 

♦ Le financement par la dette est le levier privilégié.

55% des transactions concernent des montants inférieurs à 1M€, alors que les acteurs du « small cap » (échelon le plus faible du capital investissement et des banquiers d’affaires) ne s’intéressent guère aux opérations inférieures à 4 M€. 21% concernent des acquisitions de moins de 250K€, 15% de 250 à 499K€, 19% de 500 à 999K€, 33% de 1 à 5M€ et 12% plus de 5M€.

 

84% choisissent le crédit bancaire, complété par l’autofinancement, ou une levée de fonds via l’ouverture du capital de la société ; 56% sont financées seulement par la dette, 20% par la dette et l’autofinancement, 10%, totalement (1%) ou en partie par une levée de fonds (8%), et 14% à l’aide de leur seule trésorerie.

 

Plus les PME comptent de salariés, plus elles ont la possibilité de se lancer dans des opérations volumineuses, de se tourner vers des cibles en bonne santé, mécaniquement mieux valorisées sur le marché. Leurs dirigeants ont aussi plus de chance d’avoir déjà été impliqués dans une opération de croissance externe par le passé.

 

Enfin, le taux de satisfaction post-acquisition est supérieur de 20 points pour les acquisitions de plus d’1 M€. En utilisant les bons outils, en sollicitant les bons experts et en ciblant des entreprises en bonne forme, ces dirigeants réduisent considérablement leurs risques.

⇒ Pourquoi si peu de projets d’acquisition aboutissent ?

81% ont déjà envisagé un projet d’acquisition, mais seulement 55% se sont lancés dans ce projet et 34% l’ont mené jusqu’au bout.

 

♦ 19% n’ont pas envisagé de projet d’acquisition au cours des 5 dernières années.

Le dirigeant peut faire le choix de ne pas brusquer le développement de sa société, en misant uniquement sur les ressources internes de son entreprise, l’organisation et la composition de l’entreprise pouvant expliquer cette retenue. Certains dirigeants sont trop absorbés par la gestion opérationnelle de leur société, avec notamment personne pour les seconder. Enfin, dans certains secteurs, la croissance externe n’est tout simplement pas indiquée au vu de la conjoncture. Certaines réalités de marché sont à même de décourager les projets d’acquisition.

78% préfèrent bâtir leur entreprise à leur propre rythme plutôt que de la développer via l’acquisition d’autres sociétés pour ceux qui n’envisagent pas d’acquisition vs 36% pour l’ensemble des répondants.

 

♦ 26% des dirigeants de PME ont déjà envisagé un projet de rachat sans pour autant se lancer dans des démarches concrètes.

 Ces dirigeants mettent en exergue 6 facteurs d’empêchement : le manque de temps (69%), le manque de compétences en interne pour les épauler (69%), le manque de fonds pour se lancer sans nuire à l’équilibre financier de leur entreprise (63%), l’absence de cibles pertinentes sur le marché (52%), les difficultés liées au contexte économique des 5 dernières années (47%) et le manque de conseils capables de les entourer (44%).

 

♦ 21% ont été contraints d’abandonner leur projet, après avoir initié une opération d’acquisition.

2 étapes du processus d’acquisition semblent provoquer plus d’abandons que les autres :
-Les négociations, 51% des abandons recensés, se traduisant par un prix de rachat inadéquat (35%), la négociation autour des autres modalités d’acquisition (garantie actif/passif…) avec 9% et la négociation autour de l’intégration de l’équipe de management de la cible (8%).

-Autre raison, la due diligence (25%) ; les audits et la due diligence peuvent révéler certains défauts rédhibitoires à la poursuite des discussions ; ainsi quand l’acheteur creuse pour identifier un éventuel vice caché.

 

Par contre l’identification des synergies possibles avec la cible (8%), et la recherche de financements auprès de partenaires bancaires ou d’investisseurs (6 et 5%) ont provoqué bien moins d’abandon.

 

♦ 34% ont mené au moins une opération de croissance externe jusqu’au bout.

Si la valorisation de l’entreprise cible et les négociations autour du montant de l’opération demeurent déterminantes dans ce processus (longueur des négociations 38%), l’intégration de l’entité acquise semble soulever encore plus de défis (43%). Pas simple dans ce contexte de créer une nouvelle culture d’entreprise ainsi que des synergies opérationnelles et stratégique.  La conjoncture défavorable a aussi mis en péril l’opération de rachat (37%).

 

Pour 69%, gérer les restructurations à la suite d’une acquisition est difficile, tout comme dégager du temps dans l’agenda du dirigeant (59%) et définir une stratégie à 3-5 ans pour guider le développement (49%).

 

♦ Quelles sont les différences entre les dirigeants qui abandonnent leur acquisition en cours de route (21%),et ceux qui la mènent jusqu’au bout (34%) ?

Les chefs d’entreprise n’ayant pas réussi à mener à bien leur opération de croissance externe sont plus jeunes (48% ont moins de 51 ans, 12 points de plus que la population des entrepreneurs ayant mené une acquisition jusqu’au bout), alors qu’ils jouissent d’un nombre d’années similaire à la tête de leur société.

 

Concernant les entreprises elles-mêmes, celles qui n’achèvent pas leurs opérations de croissance externe sont plus petites (79% ont entre 10 et 49 salariés, 25 points de plus que celles ayant achevé leur transaction) ; elles génèrent un moindre chiffre d’affaires (83% ont un CA inférieur à 10 M€, 24 points de plus).

Enfin, 32% des chefs d’entreprises ayant interrompu leur opération n’avaient pas de bras droit au sein de leur société (11 points de plus). 55% n’avaient pas de DAF (11 points de plus).

 

La comparaison des différences de pratiques explique aussi en partie les abandons d’acquisitions en cours de route. Ils s’entourent de moins d’experts : moins d’avocats sollicités (66% contre 87), moins de partenaires bancaires traditionnels (58% contre 80). Ces dirigeants, ont aussi moins recours à des banquiers d’affaires (21% contre 35) ou aux chambres de commerce (6% contre 12).

Naturellement, les dirigeants contraints d’abandonner leur acquisition en cours de route ont rencontré plus de difficultés que ceux étant allés au bout de leurs projets. Ils sont ainsi 60% à subir des négociations difficiles (vs 39), 47% à avoir des difficultés à identifier leurs cibles (vs 32) et 26% à avoir des difficultés à identifier les synergies pouvant résulter de leurs opérations (vs 13).

⇒ Pourtant de nombreuses opportunités de rachat sembleraient exister

♦ Combien envisagent de vendre et combien d’acheter ?

47% (dont 19% tout à fait) envisageraient de vendre leur entreprise dans les 5 années à venir en échange d’un prix conforme aux standards du marché. L’effet retraite joue à plein, alors que les transmissions intrafamiliales sont moins aisées que par le passé.

En miroir de ces intentions de vente, 72% affirment avoir l’intention d’acquérir une entreprise au cours des 5 prochaines années ; 30% sont tout à fait certains de mener une telle opération.

 

♦ Opérations entre PME : comment bien s’entendre entre pairs ?
Au moment de vendre leur entreprise, les dirigeants de PME cèdent souvent le fruit de nombreuses années de travail. Ainsi, lorsqu’on demande à qui les dirigeants souhaiteraient vendre en priorité leur entreprise, 45% répondent à des proches (19% des cadres de leur société, 17% une autre PME et 9% un membre de leur famille), alors que 39% sont indifférents au profil souhaité, et que 16% envisagent un grand groupe ou un fonds d’investissement.

 

Le critère de choix de l’acquéreur le plus souvent évoqué est le montant le plus élevé de l’offre de rachat (au moins céder à sa juste valeur) avec un coefficient de 3,52, devant la proposition d’un projet ambitieux (2,99). Pourtant, le maintien des emplois de l’entreprise et le partage de valeurs communes avec le potentiel acquéreur sont également des critères décisifs de décision (entre 3,34 et 3,42), loin devant le maintien de la marque historique (1,57).

 

♦ 88% (dont 33% tout à fait) se sentent capables de mener l’acquisition d’une entreprise.

Ainsi, aucune étape clé d’un processus d’acquisition ne semble irréalisable aux yeux des dirigeants. 92% se sentent en capacité de mettre en œuvre une nouvelle organisation pour déployer les synergies attendues (92% dont 59 avec des compétences internes et 33 avec des compétences externes pour lesquelles ils disposent de budget) ; 92% disent être en mesure de négocier (55 avec des compétences externes et 37 des compétences internes). 88% disent être capable d’estimer la valeur d’une entreprise (60 avec des compétences externes et 28 en interne) ; 86% estiment pouvoir rassembler les fonds pour l’opération (dont 54% avec une aide externe)  et 85% identifier des cibles (avec des compétences internes pour 44% et externes pour 41).

 

♦ Quels appuis externes solliciteraient-ils ?

92% l’intervention d’un expert-comptable, 88% un avocat, 85% leur partenaire bancaire traditionnel, 73% un banquier d’affaires, 57% des réseaux de dirigeants, 50% un fonds d’investissement, 42% des consultants en stratégie et organisation, 30% une chambre de commerce. Noter les décalages avec la réalité !

Plus la société est petite, plus le dirigeant accordera un rôle important à son expert-comptable, à son réseau de dirigeant et à sa chambre de commerce.

 

Quid des fonds d’investissement ?

-12% des dirigeants de PME ont un fonds présent au capital de leur société. Les acquéreurs qui ont financé leur acquisition avec une levée de fonds ne représentent que 10% de l’ensemble des acheteurs. Par ailleurs, seuls 2% souhaiteraient vendre en priorité leur PME à un fonds d’investissement.

 

-68% associent les fonds à des risques concernant leur indépendance, voire même 43% leur maintien à la tête de leur entreprise.

Dans l’esprit de certains dirigeants, les contreparties exigées en échange d’un apport en capital semblent aussi trop lourdes à assumer. La rémunération des fonds, dans un horizon de temps court (4 ans en moyenne) s’effectuerait, selon eux, au détriment des augmentations de salaires ou des investissements. La structuration de la gouvernance, souvent mise en place par les fonds, s’apparenterait aussi dans leur esprit à une forme d’ingérence de la part de ces acteurs extérieurs.

 

-Mais 77% estiment que cet apport financier serait décisif pour soutenir la croissance de leur société ; 74% que c’est un partage du risque pour nourrir des projets plus ambitieux ; 68% que c’est l’ouverture potentielle d’un réseau pour accompagner leur développement et 68% encore que c’est un apport de connaissances décisif pour élaborer une meilleure stratégie.

 

Pour en savoir davantage : La croissance externe des PME : des entreprises aux grandes ambitions (bpifrance.fr)