Le commerce : son évolution en 20 ans.


"Mission commerce saisine gouvernementale", CESE, avis 2021-05, février 2021

Sources : la saisine du CESE par le 1er ministre a conduit le CESE à interroger les acteurs du commerce dans leur diversité.

 

Le rapport du CESE, fort complet, s’attache à faire le point sur l’évolution du commerce, ses mutations, notamment les contraintes et les atouts d’un commerce de proximité.

⇒ Les transformations du commerce depuis 20 ans (localisations, types de commerces)

Selon PROCOS, le commerce de périphérie représente 70% du chiffre d’affaires du commerce, les centres villes 15% et le commerce périurbain ou en quartiers 15%. 

 

L’INSEE dans son étude du commerce de proximité dans les  centres villes des villes de taille intermédiaire (368 villes observées) souligne l’importance des pôles commerçants, mais aussi la chute du commerce de proximité :

-dans le centre-ville, l’offre est principalement structurée autour de l’équipement de la personne (habillement, chaussures, pharmacies…), des restaurants et débits de boissons, des commerces  alimentaires ainsi que des agences bancaires et immobilières ; dans huit villes sur dix, les effectifs salariés du commerce de proximité baissent entre 2009 et 2015.

-Toutefois, les effectifs salariés augmentent dans l’agglomération pour 37% des villes observées.

 

♦ La fragilisation du  commerce de centre-ville et de centre-bourg, est en lien avec l’essor du commerce de périphérie,

 

♦ Les commerces ont aussi connu l’augmentation de la taille des boutiques,

 

♦ En parallèle des commerces indépendants, des réseaux se  développent avec l’essor des galeries marchandes (exploitation d’une enseigne dans le cadre d’un réseau qui peut aussi être le fait d’independants),

 

♦ se développent les “lotissements commerciaux de périphérie” (réduction de leur présence en centre ville pour disposer d’espaces, mais aussi délaissement des centres commerciaux, aux loyers devenus excessifs).

 

♦ L’évolution s’est aussi traduite par l’élaboration de grands centres commerciaux proposant une mixité d’activités (commerces, loisirs et restauration),

 

♦ Les territoires ruraux ont vu la multiplication de supermarchés, auxquels s’ajoutent ensuite de petites galeries marchandes et le “commerce des ronds-points”, regroupant des commerces près des nœuds routiers ou dans les  gares autour des flux quotidiens domicile-travail.

 

♦ Entre 2001 et 2018, le nombre des parcs d’activités commerciaux (PAC)  recensés passe de 498 à 1534, celui du nombre de points de  ventes recensés dans ces PAC passant de 13 511 à 65 212, les taux de vacances des points de vente dans ces PAC passant pour leur part  de 0,7 % à 7,5%.

Quant aux centres commerciaux de périphérie, leur nombre passe de 448 à 1150, celui des points de ventes de 20 424 à 40 886, le taux de vacance passant de 4,8%  à 11,6% (multiplication par 2,4) .

 

♦ Les commerces discount se développent.

 

♦ Une autre évolution majeure réside dans le développement de l’e-commerce. 

⇒ 3 autres évolutions spécifiques

♦ La  financiarisation de l’immobilier : alors qu’initialement  bien des acteurs du commerce possédaient leur immobilier, la création de foncières puissantes dans les années 2000 a favorisé les investissements fonciers mais aussi une augmentation des coûts locatifs.

 

♦ La mutation du modèle d’affaires de la grande distribution : historiquement, l’essor de la  grande distribution s’est fondé sur une croissance forte qui lui permettait d’amortir des coûts fixes, sur des coûts du foncier peu élevés (implantation en périphérie des villes), sur des délais de paiement élevés supportés par les fournisseurs, alors que les clients paient au moment de l’achat, permettant des produits financiers.  Or, ces éléments ont largement disparu : la croissance est devenue quasi nulle voire négative, les grandes et moyennes surfaces sont de plus en plus implantées en centre-ville, les délais de paiement sont régulés par la loi LME.

 

♦ Les taux de vacances

Si le taux de vacances s’est de manière générale beaucoup accru, le phénomène joue de manière différente selon le type d’espaces et le type de  commerces :

-Dans les rues des villes et bourgs, il est d’autant plus important que la ville est petite; en centre-ville, il est passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 11,9% en 2018 (étude sur 200 centres-villes appartenant à des unités urbaines de plus de 50 000 habitants). Ce phénomène concernerait selon l’Institut pour la ville et le commerce, non seulement les villes moyennes (moins de 50 000 habitants) mais aussi celles de 50 000 à 100 000 habitants, et dans une  moindre mesure celles de 100 000 à 250 000 habitants, seules les agglomérations de plus de 500 00 habitants étant en 2016 relativement épargnées.

-Dans les centres commerciaux de périphérie, ce taux est passé entre 2001 et 2018 de 4,8% à 11,6%, l’étalement vers la périphérie se poursuivant plus vite que l’accroissement de la population et le niveau des dépenses de la population augmentant moins vite que les surfaces autorisées.

⇒ Des atouts pour le commerce de proximité

Les commerces indépendants de proximité, notamment alimentaires, bénéficient auprès des consommateurs d’une image très favorable. D’ailleurs 1/4 des Français déclare se rendre plus souvent qu’au cours des cinq années précédentes dans ce type de commerces.

 

♦ Ce regain d’attractivité s’explique aussi par un souci accru des consommateurs de réduire leurs impacts environnementaux, en limitant l’usage de leur véhicule, mais aussi en privilégiant l’achat de produits issus de productions françaises voire locales qui sont un des facteurs de différenciation des commerces alimentaires indépendants. Avec la crise de la Covid-19, le critère d’achat “produit régional” reste au plus haut avec 75% des consommateurs déclarant être fortement incités par ce critère contre 54% en 2008. Le fait que le produit soit issu de circuits courts reste lui aussi élevé avec 76% de consommateurs déclarant être incités “beaucoup ou assez ” par ce critère.

 

♦ Les produits « Bio » concernent 6,1% des achats des ménages français en 2019 ; selon « Agence Bio », , la progression du marché alimentaire « Bio » a été de 13,5% pour atteindre 11,9 Md€ entre 2015 et 2019. 55% de ces produits sont distribués par la grande distribution, 28% par les magasins spécialistes « Bio », 11% par la vente directe et 8% par les artisans-commerçants.

 

♦ Selon le CREDOC, “le critère qui a le plus progressé entre 1993 et 2019 est celui du respect du droit des salariés de la part du fabricant (+ 14 points en 20 ans).

 

♦ Les emballages, un enjeu essentiel de réglementation :  sur certains produits, il est estimé que la suppression des emballages pourrait générer jusqu’à 50% d’économies.

Le vrac avec un chiffre d’affaires, d’à peine 100M€ en 2013, atteint 1,2Md€ en 2019. Cette croissance va perdurer puisque la vente en vrac permet de répondre à une préoccupation grandissante des consommateurs d’éviter le gaspillage et de n’acheter que la quantité dont ils ont besoin.

 

♦ De nouvelles tendances du commerce durable se développement : occasion, location, lutte contre l’obsolescence programmée et “réparabilité” des biens.

⇒ L’e-commerce

♦ 20 ans après son entrée en France en 2000, Amazon compte 30 millions de visiteurs mensuels uniques ; Cdiscount, créée en 1998, filiale du groupe Casino, revendique 22 millions de visiteurs uniques par mois. Facebook, créé en 2004, compte 39 millions d’utilisateurs actifs par mois en    France en 2020 ; progressivement les réseaux sociaux sont devenus des acteurs structurant pour le commerce.

Selon la FEVAD (chiffres clés 2019), 38,8 millions de Français et de Françaises achètent sur Internet, soit 87% des internautes. La vente par mobile poursuit sa progression et représente 22% du chiffre d’affaires des sites d’e-commerce.

 

♦ Le chiffre d’affaires de l’e-commerce atteint 10% des ventes totales du commerce de  détail, soit 100 Md€ selon la FEVAD, dont 50 Md€ pour les produits et 50 Md€ pour les services. Toutefois, si 80% des PME/TPE du commerce ont un site Internet, seules 30% ont des activités de vente en ligne selon la FEVAD, alors que c’est le cas de 30% des PME du commerce de proximité en Allemagne et de 60% en Italie.

Pendant le premier confinement, la part de l’e-commerce atteint 36% dans l’hébergement restauration (repas à emporter et room service) et 26% dans le commerce de détail.

 

♦ Atouts et contraintes générés par la pratique de l’e-commerce :

-Les pratiques de visualisation préalable des produits sur Internet, qui concerne la plupart des domaines du commerce, tend à réduire la fréquentation de nombre de magasins mais à augmenter la part des visites qui se concrétisent par un achat.

-L’instantanéité de l’information et son caractère global accentuent les exigences des consommateurs en termes de disponibilité des produits et d’immédiateté de la réponse.

-L’adaptation des commerçants impose en effet d’aller au-delà du digital : 69% des consommateurs souhaitent que les marques présentes sur Internet le soient aussi dans des “magasins physiques”. Le commerce digital ne peut pas contribuer à la redynamisation des centres-villes sans le maintien ou le retour de commerces physiques notamment pour les  achats du quotidien, en plus de services marchands et non marchands et de services publics de proximité.

 

♦ Le développement du format retrait en magasin et du Drive permet aux commerçants de compléter leur offre de vente. Le développement de places de marchés locales est facilité par la  multiplication des solutions offertes par des opérateurs nationaux, de la start-up à la  filiale de grands groupes.

⇒ “Pour le CESE, le commerce de proximité peut et doit tirer parti des transitions numérique et écologique dont l’ampleur ne cesse de croître et d’accélérer.”

Si le commerce et l’artisanat commercial de proximité ont beaucoup à gagner à ces transitions, ils n’y parviendront qu’à la condition d’une mobilisation de grande ampleur de tous les acteurs à leur côté (Etat, collectivités, consulaires, filières, partenaires sociaux…). Des actions en termes de formation, d’accompagnement, d’acculturation, d’évolution des règlementations et de recherche d’une plus grande équité fiscale doivent être engagées pour accompagner le devenir de ce secteur essentiel.”

Le rapport propose 5 axes de recommandations :

Le traitement des vacances et friches commerciales, la conciliation entre les différentes formes de commerce, le renforcement de l’équité concurrentielle, l’accompagnement de la transition écologique, l’accompagnement et la formation des salariés et des acteurs indépendants du commerce.

 

Pour en savoir davantage : Mission commerce saisine gouvernementale | Travaux Publiés | Travaux du CESE (lecese.fr)