La reprise par des salariés dans les entreprises du BTP.


"LA REPRISE PAR LES SALARIÉS D’ENTREPRISES VIABLES ÉCONOMIQUEMENT", Observatoire des métiers du BTP, Katalyse, janvier 2021

MÉTHODOLOGIE : 49 projets de cession d’entreprises par un ou plusieurs salariés observés : entretiens avec les cédants et les repreneurs (19  longs et 30 dits courts), et avec des experts du secteur.

Échantillon toutes tailles (de 1 à 199 salariés), tout milieu d’implantation territoriale (urbain comme rural), tout statut juridique, et différents motifs de cession (28 cas suite au départ à la retraite du dirigeant, 12 cas pour raisons économiques, et 9 cas pour raisons personnelles).
Sur les 49 cas étudiés, 39 entreprises étaient  en bonne santé économique et financière et 10 en difficulté.

 

Une étude rare sur les salariés repreneurs qui malheureusement n’est qu’exploratoire compte-tenu du petit nombre et de la grande diversité du profil des reprises.

 

Ce sont plutôt des entreprises de 5 à 15 salariés, reprises sous forme de sociétés et de SCOP et accompagnées qui font l’objet de cette étude.

 

Selon le Tableau économique de l’artisanat de l’ISM, paru en 2019, 33% des entreprises artisanales du BTP sont reprises par un membre de la famille, par les enfants essentiellement, la présence du conjoint en tant que collaborateur ou salarié restant souvent marginale. nombre d’entre eux sont déjà salariés de l’entreprise (l’étude ne précise pas leur importance au sein des salariés repreneurs.

⇒ Quelques grandes caractéristiques des entreprises reprises

♦ De façon générale et selon la taille des entreprises reprises :

-Dans les TPE, le repreneur est généralement ouvrier, ou un ex-ouvrier ayant évolué vers un poste technique allié à une responsabilitété commerciale, avec une ancienneté de 8 à 10 ans minimum dans l’entreprise.
-Dans les PME (entreprises d’une vingtaine à une centaine de salariés), le repreneur est en général un cadre ou un manager déjà en responsabilité dans l’entreprise (responsable administratif et financier par exemple). Il peut aussi exercer dans la partie commerciale
(métreur qui réalise les propositions commerciales et les chiffres) ou opérationnelle (chef de projet, conducteur de travaux). Cette personne n’a pas nécessairement fait tout son parcours dans l’entreprise, mais elle est en position de second au moment de la reprise.
-Dans les entreprises les plus importantes enfin (à partir d’une centaine de salariés), la reprise est quasi systématiquement opérée par un membre de l’équipe de direction

 

♦ Parmi les 49 cas analysés dans la présente étude, la reprise concerne plus précisément les entreprises de 5 à 15 salariés. Le projet généralement prévu de longue date, permet une transmission progressive, impliquant par ailleurs un moindre besoin d’intervenants extérieurs dans le processus de transmission.

 90% des reprises ont été des réussites.

 

37% ont choisi le statut SCOP, et 57% celui de société (29% SARL, 20% SAS et 8% SA).

Parmi les 19 cas longs, 50% ont opté pour le maintien du statut existant, 25% le statut de SCOP et 25% une autre forme sociétale. Noter que la SCOP est particulièrement adapté pour des reprises collectives, donnant aux salariés-repreneurs des avantages tels que le partage de l’investissement personnel ou l’accompagnement par une organisation professionnelle, avant la reprise et pendant toute la durée de vie de l’entreprise.

⇒ L’accompagnement

La quasi-totalité des reprises ont été effectuées avec l’appui d’un expert-comptable externe, 65% ont fait appel à un avocat, 60% à des organisations professionnelles représentatives des employeurs et 20% a des accompagnements (organisations consulaires et/ou conseils régionaux) ; 5% des cédants ou repreneurs ont fait appel à un médiateur et 5% des repreneurs à un courtier en prêt.  40% des repreneurs ont également fait appel au cédant.

⇒ La durée de la transmission

-Une transmission courte (2 à 3 mois de préparation) : soit le cédant fait preuve d’une faible volonté de transmettre du fait d’une recherche de rentabilité en priorité, soit l’entreprise est en faillite et reprise à la barre du tribunal par les salariés. Les étapes de préparation doivent alors être accélérées. 

-Une transmission classique (de 4 à 6 mois) : elle est souvent liée au départ à la retraite du cédant, qui juge une reprise par un ou des salariés, compatible avec ses attentes ; le cédant fait ainsi preuve de bienveillance durant la transmission et reste un appui-conseil, même après la vente. 

-Une transmission longue (de 6 mois à plusieurs années) : le cédant, centralisant les compétences de gestion et de direction, doit nécessairement former le ou les repreneurs à moyen ou long terme, afin de garantir une transmission progressive des compétences et des responsabilités.

⇒ Un recours peu fréquent à la formation par les salariés repreneurs

Sur l’ensemble des 49 cas, seuls 20% des repreneurs ont suivi une formation : 4 ont eu recours à de la formation sur un rythme d’1 à 2 jours par semaine (principalement la formation Responsable de l’entreprise artisanale du Bâtiment REAB), 6 ont suivi des formations diverses, spécifiques ou non aux secteurs du BTP, parfois longues et en alternance.

 

Trois profils ressortent des 19 cas longs  :

-Les repreneurs reposent essentiellement sur les compétences des accompagnateurs à la reprise, tablant sur l’acquisition de compétences par l’expérience ; seuls quelques-uns ont finalement suivi une formation après la reprise (8 cas),

-Au moins un des salariés d’une équipe de reprise de profil plutôt technique, a ressenti le besoin de se former a minima pour être à même de participer aux décisions, même lorsque l’équipe a été accompagnée de façon performante en externe (6 cas),
-Le ou les salariés repreneurs et leurs associés possédaient les compétences nécessaires et n’ont pas suivi de formation (5 cas).

L’ensemble des salariés repreneurs ayant suivi une formation en comptabilité et en ressources humaines considèrent qu’elle est un levier de réussite supplémentaire de la reprise et qu’elle est une opportunité de se constituer un réseau et de bénéficier de partage d’expériences entre entrepreneurs.

⇒ La situation de l’entreprise post reprise

Dans la majorité des cas longs, les entreprises se sont inscrites dans la continuité. Elles ont réussi à stabiliser l’activité et à maintenir le même mode de fonctionnement, s’expliquant, soit par la bonne situation de l’entreprise au moment de la reprise, soit par le fait que le repreneur exerçait déjà des responsabilités fortes dans la gestion de l’entreprise.

 

Quelques reprises ont connu une réorganisation :

-Quand la reprise a été le fait d’un nombre important de salariés, elle s’est accompagnée du départ de ceux qui n’étaient pas intéressés par ce projet collectif,

-suite à un changement de stratégie.

⇒ Quid des cédants ?

♦ Leurs motivations vis-à-vis d’une reprise par un salarié :

-Leur connaissance de l’entreprise, de ses activités et de ses métiers, -ce qui peut rassurer sur la pérennité de l’activité,
-Le souci de préserver, l’identité, la culture, la vocation et les valeurs de l’entreprise et de les inscrire dans la continuité,
-La confiance mutuelle existant entre le cédant et le(s) repreneur(s),
-La conviction du dirigeant-cédant de transmettre son entreprise et de faire monter un ou plusieurs salariés en compétences et en responsabilités,
De façon générale, le facteur déclenchant de la reprise d’une entreprise par les salariés est le plus souvent la volonté du dirigeant de précisément la leur céder.

 

♦ Les freins

-Le frein psychologique : le  lien fort entre le cédant et son entreprise dont il est le fondateur,
-Le manque de connaissance des dispositifs de transmission à un salarié (les informations ont été obtenues uniquement lorsque le dirigeant a de lui-même pris l’initiative de se renseigner, auprès de son réseau ou de ses partenaires. )

-ou leur non prise en considération

-La peur d’une perte de valeur financière de l’entreprise (revente à moindre cout à un salarié plutôt qu’à un acheteur externe),

-La peur de l’annonce et de ses effets : certains salariés inquiets pourraient quitter l’entreprise,

-Le souhait d’une transmission intrafamiliale

⇒ Du coté des salariés éventuels repreneurs

Pour certains salariés, la reprise constitue une évolution professionnelle attendue. Pour d’autres, le processus est plus long et plusieurs types de craintes peuvent les empêcher de passer le cap.

-La crainte d’un manque de compétences (gestion d’entreprise, financière, RH, management, etc.,),
-La crainte du changement de posture, une situation qu’il n’est pas toujours évident d’assumer vis-à-vis de ses collègues,
-L’investissement financier : Il y a ainsi un avantage certain à opérer une reprise collective, aidée dans la cadre d’une reprise en SCOP,
-L’investissement personnel requis.

Pour en savoir davantage ; La reprise par les salariés d’entreprises viables économiquement – Observatoire des métiers du BTP (metiers-btp.fr)