6 000 entreprises bénéficiaires de procédures de prévention des défaillances.


"RAPPORT DE LA MISSION « JUSTICE ÉCONOMIQUE », SOUS LA DIRECTION DE GEORGES RICHELME, février 2021

Méthodologie : la mission mise en place par le ministre de la justice a commencé ses travaux au début du mois d’octobre 2020 et les a poursuivis jusqu’au mois de janvier 2021. 80 personnes ont été entendues et d’abondantes contributions ont été reçues.

La base de l’étude est constituée par les chiffres des années 2018 et 2019 qui sont assez cohérents entre eux.

 

Le rapport rappelle les procédures collectives de défaillance mais développe surtout les procédures de prévention fort peu connues des TPE, les plus concernées par les procédures collectives de défaillances.

⇒ Les défaillances d’entreprises

Au regard de la moyenne des deux années, on peut estimer que le nombre d’ouvertures de procédures collectives se situe aux alentours de 51 000 dossiers par an (procédures ouvertures par les tribunaux de commerce, les chambres commerciales des tribunaux judiciaires d’Alsace -Moselle, les tribunaux mixtes d’outre-mer et les tribunaux judiciaires).

Les juridictions consulaires traitent à peu près 45.000 dossiers contre 6.000 par les juridictions judiciaires.

 

Entre 65 et 70% des ouvertures de procédures collectives concernent des liquidations judiciaires directes ; 15% des ouvertures aboutissent à un plan de cession et 15% font l’objet d’un plan de continuation dont 70% aboutissent à une liquidation judiciaire dans les 5 premières années.

La moyenne du nombre d’emplois concernés par une procédure collective est de 2, 8. 

Plus de 90% des procédures collectives concernent des entreprises de moins de 10 salariés et 65% de ces entreprises emploient moins de 5 salariés.

⇒Les procédures de prévention

De quoi parle-t-on ?

Le mandat ad hoc n’a pas de limite de durée légale ; celle-ci est fixée dans l’ordonnance d’ouverture mais elle est renouvelable.

En revanche la conciliation a une durée qui ne peut excéder 5 mois (depuis l’ordonnance du 20 mai 2020 cette durée a été doublée et ce jusqu’à la fin de l’année 2021). Le but de cette procédure est de régler des difficultés non structurelles ; pour autant les négociations avec les créanciers principalement peuvent prendre un certain temps.

Aussi voit-on fréquemment ces procédures débuter par l’ouverture d’un mandat ad hoc et, lorsque la négociation est bien avancée, faire l’objet de l’ouverture de la procédure de conciliation qui va permettre l’homologation de l’accord par le tribunal sans que l’entreprise ait pris le risque de ne pas avoir assez de temps pour mener à bien les négociations.

 

♦ Le nombre total de procédures de prévention est quant à lui de l’ordre de 6.000 et la répartition entre tribunaux de commerce et tribunaux judiciaires se situe aux alentours de 4.000 pour les tribunaux de commerce contre un peu plus de 2.000 pour les tribunaux judiciaires. Cette procédure est menée par le président du tribunal de commerce ou un juge délégué, avec le dirigeant d’entreprise. Il semblerait que cette pratique ne soit pas exercée dans les tribunaux judiciaires.

 

La moyenne du nombre de procédures de prévention qui se concluent positivement par un accord entre les créanciers et les débiteurs est comprise entre 70 et 75%.

Sur la base des statistiques, on l’établit à peu près à 18 salariés par dossier mais en réalité il doit être bien supérieur, ce qui démontre que les TPE sont largement absentes des procédures de prévention

 

♦ Plusieurs freins ont été identifiés pour accéder à ces procédures :

– le défaut de compréhension de la situation réelle de l’entreprise,

– le déni de la situation lié à la crainte de l’échec et de ses conséquences éventuelles,

– la difficulté à trouver les dispositifs d’aides adaptés,

– le coût des mesures (réel ou supposé),

– la difficulté à aller vers le tribunal (dans le cas des dispositifs judiciaires de prévention) qui est aussi le lieu de la procédure collective.

 

Les entreprises d’une taille suffisante abordent le traitement de leurs difficultés comme un acte de gestion ; elles disposent en général dans leur organisation d’une expertise dédiée et elles ont la pratique des conseils du chiffre et du droit qui vont leur apporter l’information adéquate. Le « petit entrepreneur » en revanche est beaucoup plus démuni en ce qui concerne les capacités d’analyse de la situation économique (prévisions d’exploitation et suivi des besoins financiers). La mission relève qu’il en est généralement de même pour les agriculteurs, les professionnels libéraux et les responsables d’association.

 

Les informations dont ont besoin les entrepreneurs sont de deux types, les unes permettant de comprendre la situation de l’entreprise, les autres permettant d’avoir accès aux mesures d’aide économique et d’accompagnement du dirigeant.

 

♦ des outils à disposition

Rappelons avant d’aborder les outils que 4 types d’interlocuteurs sont en mesure d’être informés sur les difficultés des entreprises : l’expert-comptable, le commissaire aux comptes, les créanciers institutionnels (organismes sociaux et fiscaux), les banquiers.

 

Il existe de nombreuses formes d’accompagnement des entreprises et des entrepreneurs proposées par les services de l’État, les collectivités territoriales, les chambres consulaires et les ordres professionnels, ou par des associations (les Centres d’Information sur la Prévention des entreprises en difficulté). Ce qui pourrait se traduire par trop de dispositifs, trop d’acteurs, pas assez de coordination, et un manque de simplicité pour une utilisation pratique.

 

2 types d’outils :

-Les dispositifs d’auto-diagnostic principalement développés par les greffes des tribunaux de commerce et par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) permettent à l’entrepreneur, via des sites dédiés, d’avoir très rapidement un aperçu de sa situation. Il est à souligner que les greffiers des tribunaux de commerce ont également développé des outils comme MONIDENUM ainsi qu’un indicateur de performance individuelle qui permettent dans le prolongement de leur consultation la saisine du juge de la prévention via le tribunal digital. D’autres organismes proposent des outils similaires (CIP, BPI France…). Les groupements de prévention agréés (créés par l’article L. 611-1 du Code de commerce) fournissent, semble-t-il, des prestations d’auto-diagnostic.

Les membres de la mission se sont cependant posés la question d’une nécessaire coordination car l’offre concurrente n’est pas de nature à simplifier l’approche pour l’entrepreneur.

 

-La détection provoquée repose quant à elle sur la transmission au tribunal d’informations alertant sur la santé économique de l’entreprise pour lui proposer un accompagnement et essayer de solutionner les difficultés recensées. Ce sont les tribunaux de commerce et tribunaux judiciaires qui peuvent utiliser les dispositifs de détection des entreprises en difficulté car seuls leurs greffes disposent des outils de recensement des  informations internes au tribunal (injonctions de payer, référés-provision, non dépôt des comptes annuels-ce point étant particulièrement à surveiller car très souvent révélateur de difficultés sérieuses (inscriptions de privilèges, nantissements ou autres garanties, perte de plus de la moitié du capital…) recoupées avec les informations externes (alerte des CAC, plainte des salariés pour salaires impayés, alertes de la Banque de France …) ; la synthèse de ces informations étant transmise au président de la juridiction qui décide alors de convoquer l’entreprise pour envisager les mesures propres à redresser la situation.

 

Un dispositif de détection des difficultés des entreprises « Signaux Faibles » a été mis en place en commun ; cet outil de détection et d’accompagnement utilise l’intelligence artificielle au service de l’action publique déconcentrée à destination des entreprises fragilisées. Il s’agit d’un modèle élaboré pour prédire les défaillances d’entreprises à moyen terme.

 

Suivent des recommandations :

-Promouvoir la formation des entrepreneurs le plus en amont possible,

-Favoriser l’accompagnement comptable, et étendre le rôle des commissaires aux comptes,

-Affirmer la mission d’information des créanciers institutionnels, et des banques,

-Développer un partenariat « Signaux Faibles » ,

-Flécher vers les dispositifs judiciaires lorsque les difficultés sont avérées,

-Développemer des procédures de prévention au sein des tribunaux judiciaires,

-Renforcer l’attractivité des procédures amiables et agir sur leur charge financiére,

-Accompagner.

 

Pour en savoir davantage : Rapport de la mission “justice économique” | Vie publique.fr (u-pec.fr)