Quelques données méthodologiques pour approcher l’immigration.


"Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques" Insee sur son site web, 31 07 2020

La statistique publique produit, depuis déjà longtemps, un large spectre de données qui servent à connaître la diversité de la population, à mesurer les inégalités, parfois les discriminations, etc.

⇒ Qu’entend-on par statistiques “ethniques” ?

Le terme « statistiques ethniques » est miné. Beaucoup le comprennent au premier degré, comme des statistiques portant sur les ethnies (au sens anthropologique du terme, ou dans une acception plus sociale d’une communauté de personnes partageant une langue, un territoire, des coutumes, des valeurs…), voire comme des statistiques raciales ou sur la couleur de peau. 

 

À la différence des recensements américain, canadien, brésilien, irlandais et britannique, et conformément au cadre juridique en vigueur en France, le recensement français ne comporte aucune auto-déclaration d’appartenance à un groupe « ethno-racial »

 

Les statistiques actuelles sont surtout basées sur la nationalité à la naissance et sur le pays de naissance des personnes, de leurs parents, voire, plus exceptionnellement, de leurs grands-parents. De nombreuses enquêtes de la statistique publique se réfèrent à ces deux notions. Des données et des études d’une grande richesse sont ainsi disponibles sur les immigrés et leurs descendants, couvrant des domaines variés de la vie sociale.

⇒ L’évolution de ce champ statistique

Pour aller au-delà de ces critères objectifs, depuis quelques années, les statisticiens peuvent interroger sur le « ressenti d’appartenance ». Ils s’intéressent aussi aux sentiments d’injustice ou de discrimination éprouvés par les personnes. Les enquêtés précisent les dimensions qui les définissent ou pour lesquelles ils s’estiment injustement traités : par exemple l’âge, le niveau d’études mais aussi les origines ou la couleur de peau. Le législateur encadre bien sûr de près de telles enquêtes.

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer ces dernières années sur les limites qu’il entend faire respecter aux aspects « ethniques » des questionnaires. Le service statistique public, via le conseil national de l’information statistique (Cnis), reste ainsi très attentif à proposer des enquêtes adaptées à l’évolution de la société et à se garder de tout référentiel « ethno-racial ».

⇒ Quelles enquêtes permettent d’explorer ce type de statistique ?

♦ Le recensement de la population recueille la nationalité des personnes (nationalité française de naissance ou par acquisition) et donc, implicitement, distingue deux catégories de Français. Puis, en 1962, sont introduites : une question sur le lieu de résidence au précédent recensement, permettant d’analyser les migrations des personnes ; et une question sur la nationalité antérieure des Français naturalisés a été introduite en 1962. Elle reste présente jusqu’en 1999, puis à partir de 2004, change de forme et porte désormais sur la « nationalité à la naissance ». Le lieu, et donc le pays, de naissance est lui aussi connu de longue date (1901).

 

Ces informations permettent de dénombrer et caractériser les personnes selon leur origine depuis longtemps. On peut ainsi étudier la population des immigrés selon la définition, particulière à la France, adoptée en 1991 par le Haut Conseil à l’Intégration, et mesurer les flux d’immigration en France. On y apprend notamment que 40% des immigrés ont la nationalité française.

 

♦ De nombreuses enquêtes de la statistique publique comprennent des questions sur le pays de naissance et la nationalité (à la naissance et au moment de l’enquête) des personnes interrogées ; mais également des personnes qui vivent sous le même toit et des parents des enquêtés. Ces questions sont notamment posées dans l’enquête Emploi, la plus importante en nombre de personnes interrogées, plus de 100 000 chaque trimestre.

L’enquête Formation, Qualification professionnelle de 2003, et les enquêtes Générations du Céreq depuis 2001,

Les enquêtes Logement en 2006

La grande enquête de l’Ined et de l’Insee sur la diversité des populations en France, l’enquête Trajectoires et Origines (TeO).

Elles permettent d’apporter des éléments de connaissance sur les descendants d’immigrés (personnes nées en France et ayant au moins un parent immigré). C’est là une évolution majeure de la statistique publique dans le domaine des statistiques ethniques, ici fondées sur des données objectives, sans biais de perception.

 

Grâce à elles, on connaît l’importance des descendants d’immigrés en France relativement à d’autres pays européens, la France étant un vieux pays d’immigration (cf. l’ouvrage de référence Immigrés et descendants d’immigrés, collection Insee Références, 2012) et la dernière actualisation des principales données). Ces informations permettent aussi d’étudier les inégalités ou la « discrimination statistique » sur le marché du travail des immigrés et de leurs descendants selon les différentes origines (cf. par exemple une étude sur les écarts de taux d’emploi de 2010 ou une plus récente de 2019 sur les inégalités d’emploi et de salaire, ou encore une autre étude sur l’insertion à la sortie du système scolaire à partir des enquêtes Générations du Cereq).

 

Les couples mixtes sont nombreux. L’origine des descendants est généralement appréhendée en France via le pays de naissance du père, ou, si le père n’est pas immigré, via celui de la mère. En pratique, quand on raisonne par pays détaillés de naissance, ou même par grands groupes de pays, retenir le pays de naissance de la mère, plutôt que celui du père, ne modifie pas l’ascendance migratoire des personnes dans plus de 9 cas sur 10.