Comment réussir le partenariat entre grandes et petites entreprises ?


« David et Goliath : l’alliance des grandes entreprises et des jeunes entreprise ; et si on construisait ensemble », Raise et Bain&Company, non daté

Méthodologie :

50 entretiens approfondis auprès d’une quarantaine de grandes entreprises françaises et groupes internationaux implantés en France

Un sondage Opinion Way auprès d’un échantillon de 126 fondateurs ou dirigeants de jeunes entreprises qui ont eu ou qui ont des relations partenariales avec les grandes entreprises

15 entretiens approfondis avec les représentants de l’écosystème : jeunes entreprises, fonds d’investissement, incubateurs et pouvoirs publics

6 ateliers de réflexion sur deux jours réunissant 20 représentants des grandes entreprises et 40 représentants des jeunes entreprises

 

En 2016 toutes les grandes entreprises françaises du CAC 40 ont des partenariats avec les jeunes entreprises,  issues d’un large éventail de secteurs d’activité :

investisseur : 44% des entreprises du CAC 40 dans la prise de participation directe dans le capital,  59% en venture capital (développement d’une branche d’activité dédiée de Venture Capital ou participation à un fonds de Venture Capital),

 – partenaire : 48% en partenariat commerciaux dédiés (Développement d’une relation client-fournisseur, développement et/ou commercialisation d’une offre commune), 48% en incubateurs, accélérateurs ou labs

  parrain : 93% en événements et prix, 44% en transition vers l’entrepreneuriat ou essaimage (Initiatives qui accompagnent les collaborateurs des grandes entreprises dans leur transition vers des projets entrepreneuriaux), 70% en fondations et mécénat, 15% en initiatives RH (créant des liens entre collaborateurs des grandes entreprises et des jeunes entreprises)

 

Ces différents types d’alliances servent des objectifs multiples pour la grande entreprise : développement business, veille technologique, transformation culturelle, communication/ notoriété, investissement ou d’impact sociétal ; la plupart des entreprises testent encore les différents types de partenariats pour trouver ceux qui correspondent au mieux à leurs objectifs.

 

Du côté de la jeune entreprise, ces partenariats ont plusieurs buts comme le financement, l’accès à de nouveaux marchés, le gain de notoriété et/ou l’accès à une expertise.

 

La majorité des initiatives en place aujourd’hui n’existaient pas il y a 3 à 5 ans ;  en 2010, moins d’un tiers des entreprises du CAC 40 avait mis en place des initiatives spécifiquement dédiées aux jeunes entreprises (hors relations classiques de client-fournisseur ou prise de participation) ; elles le font toutes aujourd’hui ;  les grandes entreprises déclarent vouloir augmenter le nombre et l’intensité de ces partenariats.

 

Les grandes entreprises françaises sont devancées par leurs homologues américains dans les démarches de coopération avec les jeunes entreprises :

– Sur les 40 plus grandes capitalisations boursières des deux pays, le nombre d’entreprises qui ont des fonds de Corporate Venture en propre est plus de deux fois supérieur aux Etats-Unis qu’en France (25 contre 55%)

– L’écart est un peu moindre (1,4 fois supérieur aux Etats-Unis) quand on compare le nombre de grandes entreprises ayant lancé des incubateurs ou des accélérateurs en propre (43 contre 60%).

– Plus globalement, les montants d’investissements du Corporate Venture sont 24 fois plus élevés aux Etats-Unis qu’en France (6,9 contre 0,3Md€ en 2015) pour un PIB seulement 7 fois supérieur (0,3 contre 6,9Md€).

 

3 grandes catégories de grandes entreprises en France dans ce champ :

Les attentistes avec une approche opportuniste (35% des grandes entreprises) ; elles testent les différentes possibilités de partenariats  et rejoignent des dispositifs partagés avec d’autres grandes entreprises (incubateurs ou fonds de Venture Capital) afin de mutualiser les ressources et de partager les risques.

Les exploratrices (50%) se sont fixés un cap et commencent à structurer leur approche (évaluation des opportunités et des enjeux que de telles alliances peuvent engendrer) ; elles développent des procédures et des outils pour optimiser ces interactions.

Les expertes (15%) poursuivant une approche structurée et complète qui s’inscrit dans la stratégie d’entreprise, avec des outils définis et un accompagnement durable ; les alliances lancées bénéficient d’un soutien fort du management et d’une visibilité et promotion marquante en interne et en externe :

 

Experte

Exploratrice

Attentiste

Répartition

15%

50%

35%

Investisseur

* * *

**

*

Partenaire

* * *

***

**

Experte

* * *

***

***

 

 

 

 

 

 

 

 

Interrogées pour savoir si les jeunes entreprises recommanderaient à une autre jeune entreprise une alliance avec une grande entreprise, 42% ont une réponse neutre, 27% favorable, et 31% plutôt défavorable (10% défavorable). 10 à 30% selon les seuils retenus ne sont pas satisfaites de leur expérience, en particulier en raison de l’échec du partenariat : déséquilibre perçu dans le partenariat (38%), la lenteur (36%), l’importance de l’investissement requis (32%), la différence de culture (11%) et l’implication trop faible de la grande entreprise (8%).

 

Les clés de la réussite sont fondées sur

Une approche « gagnant-gagnant » dès le début ce qui implique une communication transparente des attentes de chacun et des modalités envisagées.

le respect du partenaire (ne pas profiter du rapport de force pour la grande entreprise) et une attitude réaliste (le petite entreprise ne doit pas être naïve : il n’y a pas de cadeaux à espérer). Certains aspects du partenariat, comme la propriété intellectuelle, méritent d’être considérés en profondeur (avec la nécessité pour les deux partenaires de protéger leurs actifs intellectuels), tout en gardant agilité et rapidité.

S’adapter aux contraintes de l’autre, et donc les comprendre (notamment les « vitesses » différentes)

Du côté des grandes entreprises, il est nécessaire d’adapter les processus aux spécificités des jeunes entreprises. La grande entreprise pourrait envisager la création d’une « zone franche », une période pendant laquelle les jeunes entreprises bénéficieraient de procédures plus légères, de contrats plus simples ou de délais de réponse et de paiement plus courts. Il est aussi souhaitable de favoriser l’autonomie de la jeune entreprise, notamment via des relations client-fournisseur sans exclusivité et des prises de participation minoritaires (quand cela est possible).

 

S’il n’y a pas de « recette magique », quelques facteurs clés de succès pour les grandes entreprises  autour de 4 grands axes :

– Adopter une approche stratégique avec une vision long terme (10 ans, voire plus), parce que les partenariats avec les jeunes entreprises sont clés (fort potentiel d’innovation et d’évolution culturelle, nécessaires pour faire face à la transformation de l’économie, niveau de risque élevé)

Définir des objectifs précis et mettre en place les outils de suivi ; la contribution attendue des initiatives doit être explicite et cohérente avec de la stratégie de l‘entreprise (identifier et définir les défis concrets auxquels la grande entreprise cherche des solutions). etdonc des partenaires adaptés et des indicateurs de succès pertinents.

Etablir une gouvernance lisible et efficace : s’appuyer sur des équipes disposant d’un fort niveau d’indépendance, d’autorité ou même d’une responsabilité sur le compte de résultat ; proximité avec les opérationnels, primordiale ; le rôle de ces équipes est d’être le point de contact en interne et en externe pour toutes les interactions avec les jeunes entreprises et d’accompagner leur parcours, un  interface qui peut également favoriser l’état d’esprit start-up tant recherché par les grandes entreprises

Et créer une communauté de « start-up champions » avec un leadership impliqué, dans la durée, où la « contagion positive »

Mettre en place des structures dédiées et une approche adaptée de gestion du risque et de l’innovation : encouragement de la prise de risque par les équipes, multiplication des expérimentations pour assurer un impact positif significatif, externalisation éventuelle des équipes internes travaillant sur de l’innovation de rupture afin de protéger leur indépendance et de créer une concurrence avec l’entreprise « mère », prise en compte de son propre niveau de maturité (démarrer par les activités connexes plutôt que sur le cœur de métier peut faciliter l’adoption par les équipes opérationnelles).

 

Pour les jeunes entreprises, les meilleures pratiques identifiées sont :

La réflexion amont : la clarification des objectifs poursuivis dans les alliances avec les grandes entreprises est souvent menée de façon imparfaite ou trop opportuniste ; la jeune entreprise doit déterminer le type de partenaire recherché et le mode de partenariat à privilégier

La bonne préparation : clarifier en amont un certain nombre de dimensions permet de maximiser les chances d’un premier contact et d’un partenariat réussis

Le réalisme des attentes : estimation réaliste des ressources nécessaires pour mener à bien le partenariat d’un côté et des gains potentiels de l’autre.

Les partenariats les plus réussis sont ceux où la jeune entreprise apporte une brique indispensable à la grande entreprise.

 

Une implication nécessaire des pouvoirs Publics et de l’écosystème pour développer ces alliances et garantir des règles du jeu simples et équitable ;  4 pistes de réflexion :

– La mise en relation : la facilitation de la mise en relation des jeunes et grandes entreprises ainsi que l’accès aux acteurs de l’enseignement, de la recherche et du financement ; si les pôles de compétitivité ont été une bonne réponse, leur visibilité et leur efficacité pourraient être améliorées ; organiser des « Startup Tours » pour faire connaître la richesse des jeunes entreprises françaises aux grandes entreprises françaises et étrangères (à l’instar des « learning expeditions » organisées dans la Silicon Valley)

Accompagnement des jeunes entreprises dans leurs relations avec les grandes entreprises, notamment dans les délais de paiement et une expertise adaptée (création d’une plate-forme agrégeant cette expertise).

Incitations fiscales aux grandes entreprises : amortissement des investissements en Corporate Venture, élargissement des avantages du mécénat de compétences, aménagement du CIR (élargissement du périmètre pour y inclure certains partenariats avec les jeunes entreprises)

Stabilisation et garantie du cadre légal et fiscal

– Une charte pour le bon fonctionnement de cet écosystème.

 

Suivent dans le rapport des propositions issues des 6 ateliers (30 dirigeants de grandes entreprises et 40 jeunes entreprises).