Quelles sont les trajectoires professionnelles des salariés à la suite d’une démission, d’une fin de contrat ou d’un licenciement ?


« Mobilité et segmentation du marché du travail : quel parcours professionnel après avoir perdu ou quitté son emploi ? », Insee Economie et Statistiques N° 1 450, lu décembre 2012

 Source : enquête Formation et Qualification Professionnelle (FQP), sous-population composée de personnes salariées en 1998, qui ont connu une rupture de la relation d’emploi, hors départ en retraite, au cours des douze mois qui suivent (9,6 % des salariés public et privé compris), et observées sur une durée de 4 ans ; le nombre de mobilités externes sur la période (changements d’employeur ou passages de l’emploi au non-emploi, que ce soit chômage ou inactivité) est ensuite observé ; la durée moyenne en emploi est de 33 mois sur 48.

 

53% étaient au moment de la rupture en CDI (24% ont démissionné, 29% ont été licencié) et 47% en CDD (33% des salariés ne souhaitaient pas renouveler le CDD, contre 14% pour les employeurs).   Quatre situations ont été définies en combinant la durée en emploi et le nombre de mobilités externes :

– les trajectoires de forte rotation (38%) en moyenne 8 mobilités sur la période, mais 35 mois en emploi en moyenne

-les situations d’emploi durable (26%), définies par au moins 46 mois d’’emploi sur les 48 possibles (moyenne de 47,8 mois), au plus, une mobilité externe

– les situations intermédiaires (20%) associent une ou deux mobilités externes à des durées passées en emploi (en moyenne 33 mois)

– les situations de non-emploi durable (16%), une durée moyenne en emploi de 1,7 mois (soit plus de trois ans de chômage ou d’inactivité)

 

Parmi les personnes qui ont retrouvé un travail, celui-ci s’inscrit dans la stabilité au regard du travail précédent ; toutefois une minorité a connu une amélioration :

Evolution

des salaires

dans la CSP

dans la charge d’encadrement

dans l’intensité du travail

Stabilité

48,5

63,4

80,2

50,2

Hausse, promotion

37,2

23,7

12,2

27,0

Diminution, déclassement

14,3

12,9

7,6

22,8

 La typologie qui résulte des axes factoriels conduit à regrouper en 7 classes la diversité des trajectoires (combinaison de l’évolution de l’emploi d’une part et leur orientation ascendante, stable ou descendante, d’autre part).

Ces 7 classes peuvent se regrouper 3 groupes, celui des carrières ascendantes (promotion et rotation promotion avec 26%), celui des carrières plutôt stables (stabilité en emploi et emploi-chômage long, 39%), et celui des carrières descendantes (rotation déclassement et déclassement avec 35%)

 

1 La classe des promotions (9,6% des salariés concernés) est composée de salariés jeunes (62 % ont moins de 30 ans), masculins (près de 70% sont des hommes) et très diplômés. Ils proviennent davantage de grandes entreprises, notamment de l’industrie, des services financiers et immobiliers ou des services  aux entreprises. Plus qu’ailleurs, des possibilités de promotion sont possibles dans ces entreprises.

A noter la spécificité des ouvriers non qualifiés, qui après un emploi d’insertion accède à un emploi stable et plus qualifié, parfois en compensation d’un déclassement initial.

 

2 La classe des rotations promotion (16%) est également plus souvent le fait de salariés jeunes (62 % ont moins de 30 ans) et masculins, mais contrairement à la classe précédente il n’y a pas de surreprésentation des diplômés. Le fait d’être étranger ressort  comme un handicap pour accéder à ce type de promotion. Il s’agit davantage de salariés d’entreprises de taille moyenne (de 50 à 500 salariés). Ces rotations promotionscorrespondent aux employés du public, aux employés des services aux particuliers et, encore plus fortement, aux ouvriers non qualifiés ; à l’inverse, ce type de trajectoire est particulièrement peu fréquente pour les cadres et professions intermédiaires.

Ces trajectoires font davantage suite à des emplois à temps partiel, qui permettent une possibilité d’augmentation des revenus par un passage à temps plein.

 

3 La troisième classe, stabilité en emploi(s) avec 25,7 % des salariés, la plus importante en nombre ; en moyenne, ils ont connu 4 mobilités externes ; ces trajectoires correspondent à une « carrière » horizontale pour des salariés en CDD ou en intérim, malgré la précarité de leurs conditions d’emploi et d’éventuels longs épisodes de chômage. Ces trajectoires correspondent moins que les précédentes à des profils bien identifiés d’emploi et de salariés.

Ce sont plutôt des ouvriers qualifiés, du bâtiment ou des travaux publics.

 

4 La classe emploi-chômage long (13,5%) correspond à des trajectoires où le retour en emploi ne s’effectue qu’accompagné d’une (ou deux) période(s) de chômage longues (14 mois en moyenne). Elle est davantage composée de femmes (54 %, contre 46 % en moyenne), de salariés de 40 à 50 ans, plutôt peu diplômés (CEP-BEP), et concerne des emplois situés dans le secteur du commerce ; mais également de l’éducation, santé, et action sociale ou du travail à domicile, dans des entreprises de moins de 10 salariés, avec des postes plus souvent  à temps partiel.

Pour les femmes d’âge moyen, nombreuses dans cette trajectoire, cela peut traduire des comportements de retrait temporaire de l’activité (en lien avec la présence d’enfants en bas âge)

 

5 Les trajectoires de rotation  déclassement, 7 changements d’emploi en moyenne (8,3% des salariés) sont typiques des jeunes salariés : 57,5 % ont moins de 30 ans, contre 47 % en moyenne. Elles concernent également davantage les salariés ayant au plus un BEPC, les femmes, avec une surreprésentation des emplois en petites entreprises. Les professions intermédiaires du privé et employés de commerce connaissent également plus souvent que d’autres, ce type de trajectoire où les changements d’emploi répétés s’accompagnent d’un déclassement socioprofessionnel ou d’une diminution des revenus du travail.

 

6 Le déclassement (11,4%) est typique de salariés âgés de 30 à 40 ans ; ce sont davantage le fait des plus diplômés (cadres et, plus encore, les professions intermédiaires suite à la rupture initiale de leur contrat de travail) ; ils sont plus nombreux dans les services. Les déclassements sont plus fréquents après avoir occupé un emploi dans une entreprise de taille moyenne ou grande.

Les anciennetés passées sont importantes (davantage de plus de cinq ans qu’en moyenne) ;  ce sont des situations d’emploi initiales stables et plutôt favorisées dans lesquelles les mobilités sont relativement rares et où les ruptures s’accompagnent d’un rebond difficile pour peu que l’on n’ait pas de ressources personnelles conséquentes.

 

7 Les retraits exclusions du marché du travail (15,4%),  avec moins de 12 mois de travail au cours des 4 dernières années, concernent davantage les salariés les plus âgés (1/4 ont 50 ans ou plus, contre 8 % en moyenne). Il s’agit aussi nettement plus de personnes pas ou peu diplômées, d’étrangers et de femmes (55 % contre 46 %) ; on observe davantage de travail à domicile, d’emplois de l’industrie ou des services peu qualifiés aux entreprises en grande entreprise.

L’ancienneté dans le poste occupé au moment de la rupture est élevée pour une part importante des salariés (37 % ont cinq ans ou plus d’ancienneté, contre 18 % en moyenne).

Ce sont des salariés avec peu de ressources à faire valoir pour retrouver un emploi (diplôme, expérience passée difficile à valoriser), pouvant parfois souffrir de discrimination sur le marché du travail (en raison de leur sexe ou de leur origine) et, pour certains, dont les emplois se situaient à la périphérie du monde salarié (travail à domicile, à temps partiel).

 

Les formes de rupture selon la trajectoire :

 

CDI

CDD (souhait non renouvellement)

En % de chaque classe

Démission

Licenciement

Du salarié

De l’employeur

Promotion

15,6

4,3

12,9

6,9

9,6

Rotation promotion

11,1

8,5

22,3

23,0

16,0

Stabilité emploi

34,0

16,1

28,1

24,3

25,7

emploi-chômage long

9,9

17,8

12,6

13,9

13,5

rotation  déclassement

6,6

4,5

8,3

12,6

8,3

déclassement

14,5

13,3

6,9

9,3

11,4

retraits exclusions

8,3

35,5

8,9

10,0

15,4

Ensemble

100

100

100

100

100

% des ruptures

29,4

24,5

13,8

32,3

100

           

Les salariés ne sont pas à égalité dans l’évolution de leur parcours professionnel ; le diplôme apparaît comme une ressource majeure. Les inégalités sont fortes entre des hommes auxquels les carrières sont ouvertes et des femmes pour lesquelles elles paraissent limitées ; les jeunes se divisent entre ceux qui parviennent à accéder à l’emploi (cadres, professions intermédiaires, ouvriers qualifiés) et ceux qui enchaînent des emplois instables. Les salariés plus âgés se répartissent entre ceux, minoritaires, qui parviennent à maintenir leur position professionnelle après la perte ou le départ de leur emploi, et ceux qui se trouvent de fait exclus du marché.

Les plus grandes entreprises offrent des ressources inégales à leurs anciens salariés : expérience acquise, mais aussi difficulté à rebondir après en être sorti ; à l’inverse, les petites ou moyennes entreprises conduisent plus souvent à des trajectoires heurtées, dont certaines permettent d’accéder à des emplois de qualification ou de salaire plus élevés.

 

  En résumé :

Salariés concerné Age Diplôme Femmes Etranger
>30 ans 30-50 ans <50 ans Au plus CEP/BEPC CAP-BEP Bac Au-delà
carrières ascendantes 62 34 à 37 1 à 3 20 à 35 24 à 29 18 à 22 17 à 34 32 à 43 4 à 5
Dont promotion 62 37 1 20 24 22 34 32 5
carrières plutôt stables 45 à 57 37 à 48 5 à 8 35 à 41 25 à 28 16 17 à 21 45 à 54 4 à 9
Dont stables en emploi 46 48 6 37 28 16 21 45 9
carrières descendantes 25 à 45 50 à 51 5 à 24 28 à 48 25 à 27 13 à 21 12 à 24 42 à 55 7 à 11
Dont retrait exclusion 25 50 24 48 27 13 12 55 11
Ensemble 47,5 42 8 36 27 17 20 46 7
                   

 

Salariés concerné CSP Champ Ancienneté
Cadre Profes interm Employé Ouv Qualif Ouv N Q Privé Public >6mois 6-18 mois 18 mois à 5 ans <5ans
carrières ascendantes 4 à 15 11 à 22 23 à 36 13 à 17 23 à 36 82 18 30 à 54 25 à 28 17 à 34 5 à 15
Dont promotion 15 22 23 17 23 82 18 30 25 34 15
carrières plutôt stables 7 à 13 15 à 21 29 à 41 18 à 25 17 à 19 81 à 83 17 à 19 36 à 56 23 à 25 19 à 27 9 à 19
Dont stables en emploi 13 15 29 25 17 83 17 38 23 23 19
carrières descendantes 12 à 20 17 à 40 19 à 38 17 3 à 16 82 à 85 15 à 18 29 à 35 16 à 22 16 à 22 23 à 37
Dont retrait exclusion 20 17 38 17 16 82 18 29 16 16 37
Ensemble 11 19 32 19 19 83 17 39 23 24 18
                       

 

Entreprise Taille Activité
0 à 9 sal 10 à 49 sal <50 sal Industrie Construction Commerce Serv aux entrep Serv personnes
carrières ascendantes 25 15 à 17 27 à 34 27 7 à 9 12 à 14 10 à 12 18 à 22
Dont promotion 25 17 34 27 9 14 12 18
carrières plutôt stables 26 à 28 20 à 27 43 à 47 19 à 27 5 à 11 12 à 17 8 à 10 22 à 25
Dont stables en emploi 26 23 47 22 8 12 10 23
carrières descendantes 21 à 22 17 à 22 54 à 55 15 à 24 6 à 7 14 à 15 12 à 14 19 à 27
Dont retrait exclusion 21 17 54 24 7 14 14 19
Ensemble 25 20 50 23 8 14 11 22