La transmission familiale d’entreprise vue par leurs cédants et leurs repreneurs.


"Baromètre de la transmission des entreprises familiales", EY, Opinion Way, octobre 2025

Méthodologie : sondage Opinion Way pour EY auprès de 183 dirigeants d’entreprises familiales dont 126 transmetteurs et 57 receveurs. interrogés par questionnaire auto administré en ligne sur système CAWI du 5 juin au 15 juillet 2025. En complément, 11 entretiens ont été conduits en visio-conférence auprès de dirigeants d’entreprises familiales dont 6 transmetteurs et 5 receveurs, du 15 au 31 juillet 2025.

Noter que le terme « transmission » désigne autant les titres de l’entreprise, le pouvoir opérationnel, que la culture, les rituels, le nom.

L’étude ne précise pas comment a été constitué l’échantillon (activité, taille de l’entreprise, structure juridique, composition du capital…), et d’où provient l’échantillon (sans doute d’EY), ce qui interroge sur la possibilité de généraliser les résultats.

 

La transmission familiale de l’entreprise se traduit pour les cédants par un impact émotionnel fort (préoccupation du bon successeur, souci d’équité entre héritiers), alors que chez les repreneurs familiaux le souci est la transformation de l’entreprise et de sa gouvernance pour la développer.

 

Les entreprises familiales françaises représentent 71% des entreprises en France soit 68% des PME, 73% des ETI et 60% des grands groupes selon la chaire Dauphine « Entreprises familiales et investissement de long terme” qui conclue qu’elles sont ancrées dans les territoires, portent l’innovation, soutiennent l’emploi et résistent mieux que d’autres aux crises. Selon Bpifrance la moitié des ETI familiales sont appelées à se transmettre dans les 10 prochaines années.

Les secteurs industriels et agroalimentaires affichent un taux de transmission intrafamiliale plus élevé que les services (94% contre 69).

⇒ Les cédants

Les dirigeants transmettent en moyenne autour de 63-64 ans. Noter que 22% des plus de 60 ans sont encore au stade de la réflexion et n’ont pas encore enclenché de démarche de transmission ; 40% n’ont pas encore entamé de démarche opérationnelle de transfert du capital ou du pouvoir. 

 

♦ 92% des répondants ont transmis ou envisagent de transmettre leur entreprise ; ce choix devient quasi-systématique à la 3éme génération (96%), un choix qui consolide l’entreprise et renforce son ancrage territorial. Parmi eux, 83% privilégient l’option intrafamiliale, le plus souvent à l’un de leurs enfants (77%), lesquels prennent la direction générale dans 47% des cas ; 27% envisagent une transmission intrafamiliale, mais en confiant la fonction de Direction générale à un membre externe, 14% une cession externe et 9% une ouverture du capital à un tiers.

 

65% des fondateurs en âge de transmettre envisagent une transmission mais 53% d’entre eux sont ouverts à d’autres options que la voie intrafamiliale : cession externe ou mixte, transmission à une fondation ou aux salariés.

 

♦  Les motivations. 3 principales raisons conduisent les dirigeants à transmettre : pérenniser l’entreprise et ses valeurs (80%), transmettre un patrimoine familial (46%), l’envie de passer la main à la génération suivante pour mieux être connecté aux enjeux du marché (34%).

 

♦ Les difficultés. La charge émotionnelle est centrale : 54% craignent de léguer un fardeau ou de lourdes responsabilités, 32% une fiscalité ou des charges trop lourdes alors que 31% redoutent des tensions familiales.

 

♦ Les modalités de transmission : le pacte Dutreil est largement utilisé (par 85%), notamment dans les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 200M€, pour assurer la répartition égalitaire des titres de l’entreprise familiale entre leurs enfants (un des enjeux les plus sensibles). Dans ce cadre, la donation, souvent sous forme de donation-partage, est la voie de transmission la plus courante (71%).

Pourtant, ce schéma traditionnel peut ne pas être le plus opportun pour la pérennité de l’entreprise, car il est susceptible d’engendrer certains écueils : si un seul des enfants est réellement opérationnel, il peut se sentir lésé par cette répartition égalitaire ; blocage dans la prise de décision du fait de membres de la famille porteurs de titres ;  si le dirigeant souhaite désintéresser ultérieurement ses frères et sÅ“urs lors d’un rachat de titres, il risque de les payer plus cher, ou d’être confronté à un refus de vente de leur part. 

76% des transmetteurs prennent en charge les droits dans le cadre d’une transmission (dividendes ou trésorerie personnelle), un investissement qui se fait possiblement au détriment d’autres actions pour l’entreprise (investissement de modernisation ou capacitaire, croissance externe).

⇒ Les repreneurs, essentiellement familiaux.

Les repreneurs prennent les rênes autour de la quarantaine. 

La grande majorité des repreneurs familiaux, qui ont reçu le flambeau, s’appuient sur une expérience professionnelle externe (70%).

 

♦ Les motivations : les 3 raisons principales sont la pérennité de l’entreprise et de ses valeurs (88%), le souci de faire évoluer l’entreprise (68%) et celui de relever un défi entrepreneurial (52). Noter que 90% ont l’intention de transmettre à leur tour.

 

♦ La vision des repreneurs pour l’avenir de l’entreprise se résume en 4 points : le développement de l’innovation et de la digitalisation (60%), l’accélération de l’internationalisation (44), la prise en compte des enjeux de la transition écologique et de la  RSE (44), et la conduite de la croissance externe (44).

58% des repreneurs formalisent un projet stratégique ; 67% estiment qu’il diffère de celui de leurs prédécesseurs. “Il a fallu que je fasse un énorme travail sur moi-même de libération pour me permettre de donner ma patte, ma vision, mon empreinte “

 

♦ Les difficultés : 32% évoquent des charges fiscales trop lourdes, 22% la complexité juridique ou fiscale, 22% le risque économique. Noter que 2 receveurs sur 3 estiment que le processus de transmission aurait pu être mieux anticipé ou mieux communiqué.

En termes de craintes, 50% évoquent les éventuelles tensions et les conflits familiaux, et 40% la difficulté du cédant à lâcher les rênes (9% seulement des dirigeants de plus de 65 ans affirment avoir transmis ou voulant transmettre, sont totalement en retrait des fonctions opérationnelles et du capital) ; par ailleurs les repreneurs expriment aussi la crainte de ne pas être à la hauteur (50%) et s’inquiète du contexte conjoncturel (44).

 

♦ La préparation de la transmission : pour 50% la transmission était prévue et préparée depuis longtemps et pour 50% prévue mais sans processus structuré ou formalisé. Ils se font alors accompagner davantage dans les dimensions juridique, de gouvernance, de réseaux, de mentorat, et plus particulièrement sur la gouvernance familiale conscients de l’enjeu de cohésion familiale pour la stabilité de l’actionnariat.

⇒ La gouvernance

La gouvernance conditionne la réussite du passage de flambeau : si dans plus de 9 cas sur 10, les transmetteurs déclarent qu’ils ont mis en place une gouvernance sous forme de conseil d’administration et/ ou de comité de direction, les repreneurs décrivent une réalité moins systématique. Pour les générations fondatrices, la gouvernance restait tacite, informelle, fondée sur la confiance. 

 

59% des cédants qualifient ainsi la gouvernance familiale en place : 39% une holding, 27% un conseil de famille, 24 une charte familiale, 15 une assemblée familiale. Noter aussi que 61% des conseils intégraient des administrateurs indépendants. 

 

L’accompagnement externe est quasi systématique lors de la transmission (95%) :  80% des cédants s’entourent au minimum d’un conseil juridique ou fiscal (en moyenne appel à plus de 2 experts externes).

Les repreneurs se font accompagner davantage dans les dimensions juridique, de gouvernance, de réseaux, de mentorat, et plus particulièrement sur la gouvernance familiale conscients de l’enjeu de cohésion familiale pour la stabilité de l’actionnariat. Ils font par ailleurs appel aux réseaux d’entrepreneurs familiaux (46%), à des réseaux de dirigeants (42), ou au coaching individuel ou mentorat (38), voire à d’autres accompagnements (10).

 

♦ L’impact principal de la gouvernance d’entreprise porte sur l’amélioration des décisions stratégiques (pour 44% des transmetteurs et 25% des repreneurs) ; s’ils sont plutôt d’accord sur la nécessaire fluidité du processus de transmission (28 vs 25), les cédants accordent bien plus d’importance au choix du successeur (30 vs 6) et à la réduction des tensions familiales (22 vs 12). Je n’ai pris en compte que les réponses dites trés importantes.

 

♦ Chez les repreneurs familiaux, dans 68% des cas, la reprise est collective, impliquant plusieurs membres de la famille ou un binôme entre un dirigeant familial et un dirigeant externe. La féminisation y progresse avec 23% de femmes vs 10% des cédants.

75% ont mis en place une gouvernance familiale structurée. On passe d’un modèle informel (hérité des fondateurs) à un modèle formalisé : chartes, conseils de famille, séparation des rôles, au bénéfice de la cohésion.

Cette gouvernance a permis selon eux une fluidité du processus de transmission (42% vs 40 pour les cédants), la qualité des décisions stratégiques (21 vs 36 pour les cédants), le choix du successeur (21 vs 34 pour les cédants), la réduction des tensions familiales (21 vs 28 pour les cédants).

⇒ Quels résultats et quels changements envisagés ?

♦ 65% des ayant repris déclarent qu’ils modifieraient au moins un aspect de la transmission réalisée : un ajustement du timing (moment et durée du processus) pour 21%, une meilleure communication (17%), le besoin d’une meilleure anticipation et préparation en amont (15%), un schéma juridique et fiscal (15%), un accompagnement et une expertise externe (10%)

Pour les cédants, 42% souhaiteraient un changement : une nécessaire anticipation et préparation en amont (25%), un accompagnement et expertise externe (9), une meilleure communication et préparation avec les parties prenantes (4), et peu l’aspect juridique et fiscal (2).

 

♦ Depuis la transmission qu’ont-ils constaté ? Un renforcement de l’image et de la gouvernance (70% les cédants, 73 les repreneurs), une modernisation et transformation (57 et 49), et un développement économique et stratégique (48 et 63) ; 88% des repreneurs ont constaté que  la pérennité de l’entreprise s’est renforcée depuis la transmission

 

♦ Les transmissions, lorsqu’elles aboutissent, sont porteuses de continuité et de liens familiaux renforcés en plus de la poursuite du développement de l’entreprise.

50% des cédants sont très satisfaits de la transmission (satisfaits 97) vs 36% des repreneurs (trés 84). ceux-ci estiment en grande majorité que leurs relations ne se sont pas dégradées pendant la transmission, elles se sont mêmes renforcées depuis. 

A la fin du processus, pour 74% des cédants la relation avec le repreneur est trés bonne (bonne pour 98), alors que pour 58% des repreneurs, la relation avec le cédant est trés bonne (bonne 95).

La pérennité de l’entreprise est trés renforcée (61 les cédants et 48 les repreneurs), tout comme l’unité familiale (46 vs 22).

63% constatent par ailleurs un développement économique et stratégique depuis leur reprise.

 

Pour en savoir davantage : https://www.ey.com/fr_fr/insights/entrepreneurship/barometre-de-la-transmission-des-entreprises-familiales