30% des indépendants s’inscrivent dans une relation ou le client ou l’amont est dominant.


"Un travailleur indépendant sur cinq dépend économiquement d’une autre entité " Insee Première N°1748, avril 2019

Source : Le module complémentaire de l’enquête Emploi 2017 sur les formes de travail indépendant a été mené tout au long de l’année 2017 par l’Insee auprès des personnes en emploi, vivant en logement ordinaire en France hors Mayotte. Coordonné au niveau européen, le questionnaire comporte, en France, quelques questions additionnelles. Au total, 3 679 indépendants ont répondu au module. Les écarts commentés dans cette étude sont significatifs dans le cadre d’analyses toutes choses égales par ailleurs incluant notamment le secteur d’activité, la forme légale et le fait d’être employeur. 

En 2017, les indépendants représentent 11,5% des personnes en emploi en France, contre 14,5% dans l’Union européenne, mais 20% en Grèce et en Italie.

Au-delà de ces chiffres sur les clients dominants, les comparaisons européennes sont plus délicates. En effet, le questionnaire européen, moins riche que l’édition française, ne permet pas de mesurer la dépendance comme définie dans cette étude.

 

La dépendance économique à un client exclusivement concerne 10% des indépendants ; c’est la forme de dépendance la plus fréquente. 7% des indépendants dépendent d’une relation amont et 4% dépendent d’un intermédiaire.

 

Parmi elles les 3,1 millions d’indépendants (dont les salariés-chefs d’entreprise, et les gérants mandataires), 920 000 personnes, soit 30% des indépendants, exercent leur activité en étant soumis à une relation dominante avec une autre entité économique, qu’il s’agisse d’un client, d’une relation amont ou d’un intermédiaire. Un client ou une relation amont (groupement, centrale d’achat ou coopérative, franchise, licence de marque, location-gérance, etc.) est dit dominant s’il représente au moins 75% des revenus sur les 12 derniers mois. Un intermédiaire (par exemple une plateforme numérique) est dit dominant s’il est cité parmi les principaux modes d’entrée en contact avec la clientèle.

 

En moyenne dans l’UE, 18% des indépendants ont un client dominant (un seul client ou un client représentant au moins les trois quarts de leurs revenus). La proportion est la même en France ; elle est un peu moins élevée en Allemagne (15%) ou en Espagne (13%), mais est bien plus élevée au Royaume-Uni (29%) ou en Suède (25%). Parmi ces indépendants ayant un client dominant, 22% déclarent qu’il détermine leurs horaires en moyenne dans l’UE, contre 15% en France.

 

Parmi ces indépendants avec une relation dominante, 620 000 (20% des indépendants) sont dépendants économiquement. La dépendance économique à un client exclusivement concerne 10% des indépendants ; c’est la forme de dépendance la plus fréquente. 7% des indépendants dépendent d’une relation amont et 4% dépendent d’un intermédiaire.

 

Plus le client principal pèse dans leurs revenus, plus les indépendants anticipent des difficultés importantes s’ils venaient à le perdre; c’est le cas de plus des 2/3 dont le poids du client principal dépasse 75% de leur revenu, contre moins de la moitié de ceux dont il représente entre 50% et 75% du revenu.

 

Plus le client principal pèse dans l’activité, plus il exerce de contraintes sur l’organisation du travail : 19% de ceux qui ont travaillé pour un unique client au cours des 12 derniers mois déclarent que le client détermine leurs heures de début et de fin de travail, contre 8% des indépendants dont le client principal représente moins de la moitié des revenus.

 

La dépendance économique va aussi de pair avec la dépendance organisationnelle dans le cas des relations amont; les obligations concernent les contraintes sur les prix ou les tarifs (76%), le choix des fournisseurs, le choix des produits ou services.

68% des indépendants ayant une relation amont dominante anticipent des difficultés importantes en cas de rupture de cette relation; 75% lorsque la relation amont impose des obligations sur les prix; 85% lorsque se cumulent une obligation sur les prix et une obligation sur le choix des fournisseurs, le choix des produits ou la détermination des horaires.

 

Les indépendants économiquement dépendants ont plus souvent des entreprises comme clientèle  (48% contre 32 pour l’ensemble des indépendants) et deux fois plus souvent des administrations (11% contre 6). Ils vendent moins souvent leurs biens ou services à des particuliers (41% contre 61).

 

En revanche, la dépendance économique dans son ensemble apparaît peu liée au statut de l’entreprise (en société, entreprise individuelle ou micro-entreprise) ou au fait d’être employeur. Pour autant, les indépendants dépendant d’un client ou d’un intermédiaire ont plus souvent le statut de micro-entrepreneur (respectivement 28% et 36%, contre 23% pour l’ensemble des indépendants) et sont moins souvent employeurs.

 

Au contraire, les relations de dépendance amont concernent des indépendants plus insérés : ils sont plus souvent employeurs (40% contre 35 pour l’ensemble des indépendants), plus souvent en société (52% contre 42), ont plus souvent des associés (40% contre 25) et travaillent plus souvent en réseau (38% contre 27).

 

La dépendance économique des indépendants est relativement rare dans le commerce,
la construction, les services aux ménages, l’enseignement et la santé (moins de 15%). Elle est en revanche plus fréquente dans l’agriculture (41% des indépendants).

La dépendance à un intermédiaire est inexistante dans le commerce, où la dépendance à une relation amont est surreprésentée. La dépendance à une relation amont est plus importante encore dans l’agriculture (26%, via notamment les coopératives) et les services financiers (17%).

Le recours exclusif à un intermédiaire pour accéder aux clients (ce qui inclut les plateformes numériques) est plus répandu dans les transports (16%), l’immobilier (10%) et l’information-communication (9%).

La dépendance à un client est quant à elle plus fréquente dans l’information-communication (24%), les transports (17%) et les services aux entreprises (15%).

 

Dans leur ensemble, s’agissant de leurs caractéristiques socio-démographiques, les indépendants économiquement dépendants ressemblent aux autres indépendants et diffèrent des salariés : ils sont plus âgés que ces derniers, plus diplômés, plus souvent des hommes et habitent plus souvent dans des communes rurales .

 

Les dépendants d’un client habitent plus souvent dans l’agglomération parisienne (20% contre 14 pour l’ensemble des indépendants), sont plus souvent immigrés ou descendants d’immigrés (23% contre 18) et ont créé ou repris leur entreprise plus récemment (21% ont moins de 5 ans d’ancienneté contre 17). Cette situation de dépendance peut ainsi dans certains cas traduire un manque de clients lié à un début d’activité.

Les caractéristiques des dépendants d’un intermédiaire sont encore plus marquées : 22% habitent l’agglomération parisienne, 30% sont immigrés ou descendants d’immigrés et 26% ont moins de 5 ans d’ancienneté. Ils sont aussi plus diplômés (39% possèdent un diplôme supérieur à Bac+2, contre 29).

 

Les indépendants économiquement dépendants sont nettement plus autonomes que les salariés, mais un peu moins que les autres indépendants. De fait, pour 19% des dépendants d’un client, les horaires sont déterminés par le client, contre 9% pour l’ensemble des indépendants. Les dépendants d’une relation amont souffrent davantage du manque d’influence sur les prix et tarifs (27% le citent comme principale difficulté de l’année écoulée, contre 8% pour l’ensemble des indépendants), conséquence directe des obligations sur les prix imposés par leur relation amont pour 83%.

 

Les indépendants annoncent une durée de travail hebdomadaire habituelle s’élevant à 45 heures. Cette durée est plus élevée encore pour les dépendants d’une relation amont (54 heures), notamment parce qu’ils sont plus souvent agriculteurs et employeurs. Elle est bien moindre pour les dépendants d’un client (39 heures) et les dépendants d’un intermédiaire (38 heures), qui se rapprochent des salariés (36 heures en moyenne, temps plein et temps partiels confondus).

Ces horaires plus réduits sont en partie subis : 15% des dépendants d’un client et 24% des dépendants d’un intermédiaire souhaitent davantage travailler, contre 13% de l’ensemble des indépendants. Quand ils n’ont pas de salarié, 39% des dépendants d’un client citent comme raison principale le manque de travail pour expliquer qu’ils n’embauchent pas, contre 32% pour l’ensemble des indépendants.

Les indépendants ont plus souvent des horaires de travail atypiques : 75% ont travaillé le soir, la nuit ou le week-end au cours des trois derniers mois, contre 42% des salariés. Cette part est moins élevée pour les dépendants d’un client (68%) et les dépendants d’un intermédiaire (61%).

 

Interrogés sur leur principale difficulté, 7% des dépendants d’un intermédiaire citent le manque de revenu en cas de maladie (contre 4% pour les indépendants en général) et 18% des périodes de difficultés financières (contre 9%).

42% gagnent moins de 10 000 euros sur l’année, contre 31% en moyenne parmi les indépendants, différence qui tient au moins en partie au petit nombre d’heures travaillées. Cumulant plus souvent un second emploi en plus de leur activité principale d’indépendant, 14% d’entre eux souhaitent un autre emploi, en plus ou à la place de l’actuel (contre 7% des indépendants); 20% se déclarent inscrits à Pôle emploi (contre 6% des indépendants). Cette proportion traduit un lien plus distendu avec l’emploi : 12% disent qu’ils étaient au chômage un an auparavant, contre seulement 3% des indépendants en général. 

 

pour en savoir davantage : https://insee.fr/fr/statistiques/3974828