La difficile reconversion des travailleurs licenciés de l’industrie manufacturiére


"Que deviennent les salariés qui perdent leur emploi ?" Les synthèses de La Fabrique Numéro 16 - Décembre 2017

Méthodologie : suivi d’une cohorte de plusieurs centaines de milliers de travailleurs du secteur industrie manufacturière sur la période 1998-2010 dont sont connues les caractéristiques des individus (âge, sexe, profession, contrat de travail, rémunération, lieu de résidence, nombre de jours travaillés dans l’année, etc.) et de l’entreprise employeuse (secteur d’activité, effectif, localisation, etc.). 
L’échantillon se divise en 2 groupes : un groupe de salariés des secteurs exposés à la concurrence internationale (22% des effectifs) et un groupe de salariés du secteur abrité (78%).

 

Les salariés de l’industrie manufacturière ont une probabilité plus faible de retrouver un emploi que les salariés des secteurs abrités, du fait de leurs caractéristiques socio démographiques et d’un effet spécifique au secteur manufacturier, du fait encore de la concentration géographique de la production. Il leur faut choisir entre changer de région et changer d’activité, d’où une recherche d’emploi de proximité et une difficulté à trouver ce type d’emploi.

 

Le taux de licenciement pour motif économique est plus élevé dans le secteur abrité que dans le secteur exposé (3,3% contre 2,8% en moyenne entre 1999 et 2009). Mais seuls 53% des travailleurs licenciés suite à la fermeture d’un site de production ont retrouvé un emploi dans les trois années suivant leur licenciement, contre 54% dans le secteur abrité, et 62% dans les services exposés.

 

Les activités exposées produisent des biens et services qui voyagent facilement : les entreprises ont donc intérêt à se concentrer pour réduire leurs coûts de production, accéder plus facilement aux infrastructures de transport, aux ressources naturelles, à une main d’œuvre qualifiée ou bon marché, à un environnement réglementaire ou fiscal attractif.

“Or lorsqu’un site industriel disparaît d’un bassin d’emploi donné, et qu’il n’y a plus la possibilité pour les travailleurs licenciés de retrouver un emploi dans la même activité au sein de ce même bassin d’emploi, un dilemme s’impose à eux. Ils peuvent migrer dans un autre bassin d’emploi pour trouver du travail dans la même activité, et ainsi valoriser leurs compétences. Mais certains ne peuvent ou ne souhaitent pas faire ce choix, par exemple parce que cela implique la vente de leur logement, un changement d’école pour les enfants et de travail pour le conjoint et que tout cela représente un coût, alors même que la pérennité du nouvel emploi reste souvent incertaine.”

 

Les travailleurs licenciés de l’industrie manufacturière sont très souvent amenés à changer d’activité pour retrouver un emploi ; seuls 43% d’entre eux restent dans la même activité, loin devant les travailleurs licenciés du secteur abrité (64% restent dans la même activité). On constate une plus forte mobilité d’une catégorie socioprofessionnelle à une autre de la part des anciens salariés du secteur manufacturier (49% d’entre eux changent de catégorie socioprofessionnelle vs 37%).

Ils changent plus souvent de région que les travailleurs du secteur abrité, même si la mobilité inter-régionale est plutôt faible : 14% des travailleurs en moyenne changent de région pour retrouver un emploi.

 

Parmi les travailleurs licenciés du secteur manufacturier qui retrouvent un emploi, 54% sont réembauchés dans le secteur manufacturier lui-même (mais pas forcément dans la même activité). Sur les 46% restants, les emplois trouvés sont dans l’industrie des biens intermédiaires, et dans celui des services aux entreprises, ce dernier recrutant davantage de salariés licenciés du secteur manufacturier que d’autres segments de l’industrie (63% dans des services opérationnels tels que la sécurité, le nettoyage, ou encore la gestion des déchets).

On observe ainsi un déversement, partiel mais réel, dans l’économie dite « de proximité », vers des emplois souvent peu qualifiés et plus souvent à temps partiel (plus de 20% occupent un emploi à temps partiel, vs 6% pour ceux qui retrouvent un emploi dans le secteur manufacturier et 9% pour l’ensemble des licenciés d’un temps complet).

 

Le retour à l’emploi s’accompagne souvent d’une évolution des compétences ou d’un changement de métier.

Les perspectives pour les travailleurs licenciés du secteur manufacturier qui conservent un emploi dans l’industrie sont plutôt favorables : plus de 25% des ouvriers anciennement non qualifiés deviennent ouvriers qualifiés, tandis que 15% des anciens ouvriers qualifiés retrouvent un emploi non qualifié. L’image courante d’un déclassement massif des travailleurs industriels licenciés est donc fausse.