Qui sont les entreprises de croissance dans le champ des PME/ETI ?


«Rapport sur le financement des PME et ETI en croissance», Observatoire du financement des entreprises, octobre 2015

« Il n’existe pas de définition unique des entreprises de forte croissance, ou « gazelles », la notion même de « forte croissance » étant subjective, ce qui rend délicat la définition de critères d’identification a priori. Selon les critères utilisés (relatifs ou absolus), les entreprises recensées comme étant de « forte croissance » peuvent en pratique représenter jusqu’à 5% d’entreprises les plus performantes, voire dans certains cas jusqu’à 10%. Un examen de la littérature sur les entreprises en forte croissance permet d’exhiber certains faits stylisés qui semblent robustes aux différentes définitions choisies :

– les entreprises pérennes affichant la plus forte croissance sont majoritairement de jeunes entreprises;

– leur phase de croissance n’est généralement soutenue que sur quelques années et plus éphémère ensuite ;

– la forte croissance des entreprises repose souvent sur l’innovation.

 

Les ETI et la croissance

Selon l’Insee, la France compte environ 4 800 entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont 35% dans l’industrie ; selon les douanes, elles réalisent 33% des exportations françaises de biens (dont 78% sont réalisées par des ETI industrielles).

 

La notion d’ETI recouvre deux types d’entreprises :

-Des ETI très proches du seuil des PME (250 salariés ou 50 M€ de chiffre d’affaires) : plus des deux tiers des 3 200 ETI dites « nationales » (à capitaux français) emploieraient entre 250 et 500 salariés, et seulement 12% emploieraient plus de 1 000 salariés ; elles sont plus souvent familiales et/ou patrimoniales.

Des ETI plus grandes et internationalisées, plus souvent industrielles et/ou détenues par des capitaux étrangers.

 

Une analyse en comparaison internationale s’avère difficile

Les comparaisons internationales se fondent sur des statistiques au niveau des unités légales, et non au niveau des groupes (ce qui réduit sensiblement le nombre d’ETI). Les ordres de grandeur régulièrement cités dans le débat public (deux fois moins d’ETI en France qu’en France ou au France) proviennent d’une étude d’Ernst & Young, qui souffre de cette lacune méthodologique. Par ailleurs, les comparaisons internationales ne tiennent pas compte des différences de spécialisation sectorielle des pays. Une étude du Crédit agricole essaie de contourner ce biais, en mobilisant la base de données européenne d’informations financières (Amadeus), une source nettement moins exhaustive que l’ensemble des statistiques publiées par l’Insee.

Une étude publiée par Bpifrance en juin 2014 « ETI 2020, trajectoires de croissance » permet de mieux caractériser les ETI françaises. Par analogie avec le Mittelstand allemand, il s’agirait essentiellement d’entreprises « transgénérationnelles inscrites dans la durée, marquant leur attachement à une activité spécialisée, soucieuses du lien entre savoir-faire et expertise, attentives à préserver l’ancrage dans leur territoire d’origine ». Elles démontreraient également une plus grande capacité à s’adapter à la conjoncture que les PME, grâce à l’interpénétration des différentes fonctions de l’entreprise (conception, fabrication, marketing). L’étude insiste encore sur le faible nombre d’ETI ou de champions cachés en France par rapport à l’Allemagne (il y aurait en France environ 1 300 « champions cachés », contre 75 en France). 

 

L’étude de Bpifrance  identifie cinq segments d’ETI selon leur potentiel de croissance : les « hexagonales optimistes », les « résistantes en sursaut », les « leaders mondialisés », les « serial innovantes », et les « routinières à l’heure du choix ». L’étude conclue :

les ETI ne contribuent pas de façon disproportionnée aux créations d’emplois, les créations nettes d’emplois sont surtout le fait des unités légales indépendantes jeunes et/ou sans salariés.

– Si les performances des ETI en matière d’innovation, d’exportation et de productivité sont supérieures à celles des PME, le sens de la causalité entre taille et performance des entreprises n’est pas établi.

 

Principaux faits stylisés présentés dans la littérature :

Dans son étude sur les gazelles (5 % de sociétés connaissant la croissance des effectifs la plus élevée et employant initialement entre 20 et 250 salariés), Picart (2006) parvient aux résultats suivants :

La croissance des gazelles sur dix ans est le plus souvent concentrée sur quelques années : pour 55% des gazelles identifiées sur la période 1993-2003, les deux « pics » de croissance sont consécutifs ou séparés d’une seule année.

La croissance des petites sociétés a un caractère plus éphémère : alors que les moins de 50 salariés ont le taux de croissance le plus élevé à court terme (1 ou 2 ans), les PME de taille intermédiaire (50 à 99 salariés) affichent les meilleures performances à moyen terme (4 à 8 ans). Mais selon l’auteur, ce constat peut à la fois découler d’erreurs de mesure des effectifs pour les unités légales les plus petites ou de la plus grande fragilité des emplois créés par les petites sociétés.

La France compte peu de gazelles avec une croissance régulière et soutenue des effectifs sur longue période (dites gazelles au sens de « Birch »).

Près d’un tiers des entreprises définies comme « gazelles » sur la période 1998-2003 n’existaient pas en 1993. Les entreprises à forte croissance sont relativement jeunes.

 

D’après une étude de KPMG (2009), les PME en forte croissance sont nettement plus jeunes que les PME familiales (29 ans contre 47 ans) ; 46% avaient moins de 15 ans en 2006.

Ce résultat trouve également confirmation dans l’étude de Picart (2006), où elles sont essentiellement des PME de taille moyenne liées à des groupes, surtout présentes dans le commerce et les services aux entreprises

– L’innovation et l’attention aux ressources humaines jouent un rôle clef dans le processus de forte croissance : selon l’étude KPMG (2009), 71% des dirigeants des PME en croissance accordent une place importante à l’innovation et donnent une place primordiale aux ressources humaines (93%) et aux systèmes d’information.

 

L’étude de l’observatoire du financement des entreprises fait le choix d’une définition plus large des entreprises de croissance, bien qu’éliminant les TPE

« Pour ne pas se focaliser sur un petit nombre d’entreprises jeunes, dont la croissance explosive repose sur un procédé innovant et est concentrée sur un laps de temps très court, ce rapport reposera sur un champ plus large que celui de gazelles, en analysant les 25% d’entreprises qui surperforment dans leur secteur d’activité…Le groupe entreprises en croissance sera défini comme l’ensemble des entreprises dont le taux de croissance moyen de la valeur ajoutée sur la période 2010-2013 se trouve dans le dernier quartile de la distribution des taux de croissance moyens de son secteur…Elles sont donc sélectionnées en fonction du rythme de croissance qu’elles ont connu sur la période 2010-2013.

Ne sont retenues que les PME et ETI (groupes d’entreprises) non financières dont le bilan est collecté dans Fiben (donc présentant un chiffre d’affaires de plus de 750 000€) pour chacune des quatre années ; elles sont réparties en quatre secteurs : industrie, construction, commerce, services.

 

Ci-dessous le nombre d’entreprises de croissance observé (25% des PME/ETI du secteur) entre 2010 et 2013 :

Commerce

Services

Construction

Industrie

Ensemble

Croissance

Autres

Croissance

Autres

Croissance

Autres

Croissance

Autres

Croissance

Autres

3 396

10 186

2 623

7 854

2 079

6 234

1 707

5 116

9 805

29 390

Les évolutions sont ensuite retracées sur les années antérieures dans le but de disposer d’un recul suffisant (observations pour les années 2004-2009), pour les entreprises de croissance et les autres quand les informations sont disponibles.

 

Résultats

– En 2012 et 2013, alors qu’on observe un ralentissement puis un recul de la valeur ajoutée pour les autres entreprises, la croissance des entreprises en croissance résiste mieux ; elles avaient également une croissance plus forte dès 2004 (+2,5 points sur le taux de croissance moyen dans le secteur de l’industrie avant 2011, +3,2 points sur le secteur du commerce et des services).

Taux de marge : dans tous les secteurs, le taux de marge des entreprises en croissance est plus élevé que celui des autres entreprises ; elles échappent à la nette dégradation due à l’évolution des charges du personnel (et notamment des salaires) plus rapide que la productivité ; sur la période précédente, (2004-2011), le taux de marge des entreprises en croissance est également plus élevé que celui des autres entreprises (écart d’environ un point dans l’industrie et les services, et de plus de 2 points dans le commerce et la construction).

Taux d’investissement : la meilleure tenue des marges pour les entreprises en croissance leur permet d’investir de manière plus importante que les autres entreprises ; dès 2010, le taux d’investissement apparaît supérieur pour les entreprises en croissance, mais avec ralentissement en 2012 et surtout en 2013.

Un effort d’innovation plus important : la durabilité de la croissance de l’entreprise est liée à la capacité de l’entreprise d’enclencher rapidement une spirale d’innovation ascendante.

– Comportement d’exportation : chaque année, la part des entreprises qui se met à exporter est plus importante chez les entreprises en croissance ; durant les années qui suivent leur entrée à l’international, les entreprises en croissance augmentent plus vite le nombre de produits exportés et affichent une croissance du chiffre d’affaires à l’exportation nettement plus importante que les autres entreprises nouvellement exportatrices.