« La transformation globale de notre économie est au cÅ“ur du rapport du Comité de prospective du Comité 21. Celui-ci, composé d’une trentaine de chercheurs, d’experts et d’administrateurs et présidé par l’économiste Philippe Dessertine, a travaillé depuis deux ans sur la nécessaire resocialisation d’une économie planétaire devenue hors sol, sous l’effet notamment d’une financiarisation excessive…. Le Comité a souhaité que soient analysées les raisons pour lesquelles cet objectif de transformation ne se concrétise pas, ou pas encore suffisamment, et que soient étudiés les freins qui ont amené à la situation actuelle. »
4 principaux leviers de transformation : les mutations technologiques et techniques, les mutations économiques, le changement des modes de vie, une meilleure gouvernance de nos « biens communs ».
La crise systémique actuelle résulte de réponses insuffisantes aux effets cumulés de différentes ruptures :
technologiques (révolution numérique), socio-économiques (globalisation financière et inégalités), écosystémiques (changement climatique et érosion de la biodiversité), spatiotemporelles (rétrécissement relationnel planétaire et accélération) et même éthologiques (évolution des valeurs et des comportements, quête de sens).
Les technologies, à l’origine d’immenses progrès sont aussi sources d’incertitudes et de questionnements, liés à leur utilisation : au niveau de la science elle-même, au niveau des freins techniques à lever, au niveau de l’impact de ces technologies sur les ressources, au niveau des effets pervers de l’intelligence artificielle.
Sur le plan économique, deux catégories de freins, l’une quantitative (l’inadéquation des moyens budgétaires et financiers actuels), et l’autre qualitative (l’imaginaire de la croissance).
Sur le plan sociétal, trois freins principaux : la difficulté à changer de comportements, les freins psychiques, la pauvreté et les inégalités.
Enfin, dans le champ politique, trois facteurs principaux rendent difficile la gouvernance de nos sociétés, surtout dans une perspective radicale de « changement de méthode » : l’instabilité politique externe et interne, le doute et la défiance, la question du « récit ».
4 principaux leviers de transformation :
-Les mutations technologiques et techniques, qui doivent impérativement être mises au service de l’amélioration environnementale et climatique, particulièrement pour la transformation numérique, l’intelligence artificielle et l’énergie,
– les mutations économiques, en émergence ou se manifestant déjà depuis de nombreuses années, dans les domaines suivants : les nouveaux modèles économiques, la transformation de l’entreprise, l’investissement pour la transition climatique et écologique, la taxation du carbone, la finance durable, la comptabilité publique,
– le changement des modes de vie, à travers la citoyenneté écologique, la sobriété, la réduction des inégalités,
– une meilleure gouvernance de nos « biens communs », grâce aux objectifs de développement durable.
Les territoires constituent eux-mêmes un levier essentiel. Leur force transformatrice se manifeste, en tant que lieux d’expérimentation et de matérialisation des leviers de transformation, mais, plus encore, comme en étant les agents, sinon les conditions, de leur mise en Å“uvre.
L’analyse des freins détermine plusieurs enjeux à creuser, par rapport à la situation actuelle :
la science et la recherche-développement à soutenir ; le type de croissance à privilégier ; les investissements à consentir ; les inégalités à lever ; les comportements à orienter ; la défiance à apaiser et les relationnels partenariaux à intensifier, particulièrement dans les territoires. S’ils sont donc nombreux, ils tiennent moins à des questions techniques et budgétaires, susceptibles d’être résolues avec le temps, qu’à des raisons beaucoup plus incertaines dans leur issue comme la géopolitique mondiale, la gouvernance collective et les comportements individuels.
La question du « récit » à construire : « le grand défi de ce siècle, c’est d’imaginer des institutions rendant possible la vie commune entre des collectifs territorialisés relativement autonomes, mais qui respectent tous des devoirs vis-à -vis du système Terre. Nos instruments internationaux ne permettent pas cela, ce sont des systèmes entièrement inter-étatiques. Un gigantesque travail conceptuel et philosophique reste à accomplir, analogue à celui réalisé par les philosophes du XVIIIème siècle et les penseurs socialistes du XIXème siècle. Face à une situation très dégradée et injuste, de nouvelles formes politiques sont à inventer ».
De fait citons Einstein, “« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui les ont engendré »Â
Ce qui change ou ne change pas
Tous les rapports tombent d’accord sur le fait que les transformations se font un peu malgré nous, assez bien par secteurs, mais n’entraînent pas un changement civilisationnel, alors que nous savons que le système Terre est atteint par un système économique, à la fois trop consommateur de ressources et inégalitaire.
Toutefois des transformations sont déjà à l’œuvre : révolution numérique, évolution de l’entreprise, mutation de la finance, nouvelles citoyennetés, irruptions de nouvelles gouvernances ; les éléments d’un nouveau modèle sont en place.
Le Comité de prospective du Comité 21 considère que ce sont en priorité la science, l’éducation, la prise en compte du long terme, des biens communs et de la fonctionnalité, la lutte contre les inégalités, la finance et la gouvernance qui constituent les fondements de la « Grande Transformation ».
La transformation appelle une vision globale, transversale et planificatrice, s’appuyant sur la déconcentration, la décentralisation, l’expérimentation et l’appropriation culturelle.
Ces moyens seront mis en œuvre par les territoires, les villes et les régions, les mieux placés pour s’organiser face aux chocs socio-économiques et environnementaux, notamment en faveur des jeunes, des populations défavorisées, des PME et des chercheurs. Ils sont également les plus pertinents pour repositionner les politiques publiques locales et régionales en donnant plus de pouvoir aux individus ou aux groupes et pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu’ils subissent.
Au-delà de l’analyse, le rapport doit aider les décideurs politiques à passer à l’action. Il fait 10 propositions pour amorcer dès maintenant la transformation économique, sociale et écologique. Parmi ces propositions, trois semblent particulièrement transformatrices :
- Regrouper les aides publiques pour les plus pauvres dans un esprit d’accès à un « Revenu Vital Minimum », qui viserait la réduction des inégalités dans le contexte de la crise planétaire.
- Créer des « sociétés de bien commun », qui permettraient d’associer des collectivités et des entrepreneurs autour de projets environnementaux, sociaux, numériques, de façon à permettre de justes rémunérations de deux parties, les unes destinées à pousser les collectivités à l’innovation sans risques sur les budgets publics, les autres à travailler de façon rémunératrice.
- Donner à la notion « d’usage » la même force juridique que celui de la propriété pour promouvoir l’économie de fonctionnalité.
Pour en savoir davantage : http://www.comite21.org/ressources/ouvrages/index.html?id=13516