La forte mortalité des entreprises nouvelles intervient dans la phase de développement (entre 2 et 4 ans après la création) ; les entreprises à forte croissance estiment avoir grandement sous-estimé leur vision stratégique et disposer d’un accompagnement très lié au démarrage, hors l’appui très apprécié des grandes entreprises


« Accompagner les jeunes entreprises de croissance », Raise et Bain&Company, mars 2015

Methodologie : sondage auprès de 507 entrepreneurs, pour comprendre la nature des difficultés rencontrées par les entrepreneurs dans cette phase de développement et de croissance.

Quelques constats généraux sur la création d’entreprise:

– La création d’entreprise reste peu coûteuse en France : les frais induits n’y représentent que 0,9% du revenu brut moyen par habitant contre environ 5% en Allemagne et en Espagne, la moyenne de l’OCDE se situant à 4,5%.

– Par ailleurs, le processus de création ne comprend que cinq procédures administratives, ce qui reste dans la moyenne des pays de l’OCDE ; ce nombre peut être deux fois plus important chez nos voisins allemands ou espagnols.

– Au-delà de la facilité à créer une entreprise, la pérennité des structures créées demeure un défi important : ainsi 50% des entreprises créées disparaissent avant d’atteindre leur sixième année d’existence (alors que le taux est de 25% à 2 ans) ; cette forte mortalité intervient en général dans les « années charnières » de l’entreprise, entre 2 et 5 ans où la probabilité de défaillance annuelle augmente de 50% par rapport aux premières années. La première phase dure en général de 1 à 2 ans (développement du produit, choix du marché, où se positionner, une phase de recherches et d’itérations, lancement des premiers produits/services) ; intervient ensuite la phase de développement, années charnières (entre 2 à 4 ans après la création).

– Après 5 ans d’existence, l’effectif moyen d’une entreprise française est seulement de 3 emplois, dont 2 salariés ; elles sont plus petites que dans d’autres pays (en France 5% des entreprises ont plus de 10 employés, moitié moins qu’au Royaume Uni et 4 fois moins qu’aux Etats-Unis).

 

Les sart up

Une fois créées, les start-ups  peuvent faire appel au capital-risque, qui a retrouvé en 2013 des niveaux supérieurs à l’avant-crise (640M€ investis dans 469 jeunes entreprises) ; cette dynamique découle à la fois d’un soutien des pouvoirs publics par des dispositifs fiscaux (notamment par la loi TEPA), des mécanismes institutionnels (la BPI est aujourd’hui le premier investisseur en capital-risque en termes de nombre d’opérations), ainsi que d’un changement de mentalité qui voit le développement de nouveaux modes de financement d’amorçage (réseaux de Business Angels, développement de plateformes de financement participatif comme KissKissBankBank ou Ulule)

Parmi les 271 000 entreprises enregistrées au Registre du Commerce en 2005 et toujours actives aujourd’hui, 50 Jeunes Entreprises de Croissance les plus performantes ont été identifiées.

Souvent leaders sur leurs marchés, elles affichent un chiffre d’affaires moyen de 36M€ et un effectif moyen de 159 employés ; en dix ans, ces entreprises ont réussi à construire une croissance durable dans des secteurs innovants et porteurs comme dans des secteurs plus matures, même si ces derniers ont une intensité concurrentielle plus forte et une croissance plus faible ; elles ont su se révéler par exemple grâce à une vision stratégique disruptive, une gestion fine de la rentabilité lors des phases de transformation, la signature de contrats d’exclusivité avec les fournisseurs ou encore l’expérience technique d’un accompagnateur de grande qualité.

 

Les demandes des start up : ce qui leur aurait permis d’atteindre un taux de croissance plus élevé, en décalage avec l’ensemble des PME

–  43% une meilleure stratégie (contre seulement 12% pour l’ensemble des PME) : la définition précise de leur positionnement stratégique sur leur marché, sans doute la conséquence d’un manque de vision stratégique claire au moment de la création de l’entreprise ; trouver un positionnement solide sur un marché à potentiel, avec un business model valide et une attitude positive face à la prise de risque sont des éléments incontournables et pas toujours présents ; globalement les PME dans leur ensemble y sont moins sensibles

 

– 20% un meilleur accès au financement.

 13% de l’ensemble des PME estiment ce point essentiel ; rappelons plus globalement que près de la moitié des PME recherchent chaque année des financements pour soutenir leur développement, le prêt bancaire demeurant le premier moyen de financement (37% des entrepreneurs) ; toutefois, en 2013, 40% des demandes de crédit de trésorerie et 17% des crédits d’investissement formulés par les PME ont été refusés en partie ou en totalité. La raison la plus souvent avancée par les banques pour justifier ce refus est un niveau insuffisant d’activité, ce qui pénalise particulièrement les entrepreneurs en début de phase de croissance. Cette difficulté se double d’une autocensure des entrepreneurs : en 2013, ils étaient 9% à ne pas avoir sollicité un prêt par peur du refus de leur banque. Le recours à des investisseurs professionnels reste encore marginal, avec seulement 15% des jeunes entreprises qui y ont fait appel.

La deuxième levée de fonds est souvent plus difficile à réussir compte tenu des attentes élevées des investisseurs en termes de performance et exige souvent l’ouverture du capital

 

– 14% une meilleure gestion des RH, alors que c’est la première problématique opérationnelle citée par 28% des PME : difficultés à attirer des talents lorsque l’entreprise est peu connue, à s’entourer de profils plus seniors pouvant aider l’entreprise à se structurer, capacité à motiver et à fidéliser les employés pour diminuer le turnover et donc capacité à offrir des perspectives de carrière à long terme, gestion administrative des ressources humaines au quotidien en période de croissance.

 

L’accompagnement

A l’étranger, à l’instar de l’Allemagne ou d’Israël, certains pays démontrent également qu’il est possible d’accompagner la croissance de ces entreprises (par exemple sur des logiques de réseau local ou d’écosystème), jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille critique.

– L’Allemagne affiche une forte volonté des pouvoirs publics pour aider les PME locales à grandir, via  une forte logique de réseau, fédérant acteurs publics et privés au sein de filières dirigées vers l’exportation,  et un environnement réglementaire qui facilite le développement de l’entreprise (lois favorisant la flexibilité du travail, fiscalité attractive pour les ETI avec des cotisations sociales inférieures à la France de 21 points et un impôt sur les sociétés inférieur de 17 points).

– En Israël l’accompagnement des jeunes entreprises est très développé, à tel point que cet état possède la plus forte densité de start-ups au monde (une pour 1200 habitants) ; le financement abondant permet à 60% d’entre elles de lever des fonds dans leurs 2 premières années grâce à une aide de l’Etat – jusqu’à 200 000€ par entreprise, et une forte présence de fonds de Corporate Venture Capital qui investissent à 85% dans le « early stage » contre 80% en Europe en « late stage» ; par ailleurs, Israël a su créer un véritable écosystème où tous les acteurs peuvent échanger et s’aider : incubateurs, universités, grandes entreprises, autorités publiques et start-ups concentrées dans les mêmes endroits.

 

En 2014, dans le sondage réalisé, 40% des entrepreneurs déclarent avoir été accompagnés lors de la création ou du développement de leur entreprise ; cet accompagnement a été réalisé en majorité par des organismes publics (51%), 29% par des associations et réseaux, 17% par des proches, 15% par des investisseurs, 12% par des grandes entreprises et 8% par des incubateurs ou pépinières.

35% l’ont été dans le cadre de leur financement, 16% pour des conseils stratégiques ou pour le développement, 7% pour une mise en relation avec des contacts et 7% pour une aide matérielle ; 30% disent ne pas avoir été accompagnés.

70% l’ont été lors de la première année d’existence, pour chuter considérablement les années suivantes (l’aide est divisé par 2 dès la deuxième année).

 

Les structures d’accompagnement sont nombreuses sur les phases de création et d’amorçage des entreprises : les incubateurs et accélérateurs (Le Camping, Les Pionnières, des incubateurs publics comme Paris Région Lab, ou encore des incubateurs académiques comme à Sciences Po ou HEC ; certaines structures comme l’Accélérateur ou The Family se présentent plutôt comme des investisseurs, prenant des participations minoritaires au capital des entreprises qu’ils accompagnent.

L’accompagnement concerne souvent la mise en place d’une bonne définition du couple produit / marché, le mentoring personnalisé, la mise en relation avec des contacts clés ou encore le financement.

Lorsque l’entreprise entre alors dans une phase de développement (au bout de 2 à 4 ans d’existence), les structures d’accompagnement se font plus rares.

 

Le rôle clé des grandes entreprises dans l’écosystème

29% des entrepreneurs interrogés entretiennent des relations avec une ou plusieurs grandes entreprises dans le cadre de leurs activités : Il est de 38% pour les entreprises de plus de 10 salariés et 52% pour celles qui réalisent plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires ; cette relation prend le plus souvent la forme d’une relation client-fournisseur (88%), certaines sous la forme de partenariats commerciaux de longue durée (40%), sous forme d’une grande entreprise servant d’incubateur (10% des répondants ; noter que 43% des entreprises du CV proposent ce type de structure), d’autres avec une grande entreprise actionnaire à leur capital (6%).

 

Pour 93%, ces relations ont eu un impact positif sur leur activité ; réciproquement, ces interactions apportent de nombreux avantages pour les grandes entreprises (conduire une veille pour avoir une longueur d’avance sur des technologies disruptives sur leur marché, maintenir une vision d’ensemble sur une chaîne de valeur, dynamiser leur culture interne en s’inspirant de l’agilité des start-ups, investissement dans des projets rentables) 

 

Les grandes entreprises s’impliquent dans l’entreprenariat à travers trois activités principales :

• Des relations commerciales responsables entre grands groupes et PME.

• Une activité d’investissement : Fonds de Corporate Venture Capital (Orange, Publicis, Merieux,

SchneiderElectric, Total…), Incubateurs (Le Village de Crédit Agricole, Microsoft Ventures, Orange Fab, Mobile Technologies Incubator d’Alcatel…) et Investissement fusions acquisitions direct.

• Une activité philanthropique : Fondations, mécénat pour l’entreprenariat (le plus souvent social, comme la Fondation Kering ou Total).