« Quels sont les obstacles au développement des jeunes PME à fort potentiel de croissance ? Quelles sont les barrières aux réallocations de facteurs de production et comment les lever ?
Il nous paraît préférable d’éviter de calibrer des dispositifs d’aide sur les PME selon un critère de taille. Cela risque de renforcer des effets de seuils et de freiner in fine leur croissance.
L’âge de l’entreprise peut, en revanche, être un critère pertinent : ce sont les jeunes entreprises qui sont plus productives et plus créatrices d’emplois….Ce qui est particulier à la France, c’est la difficulté d’entreprises jeunes et innovantes à grandir et à concurrencer des entreprises plus anciennes, à les pousser à innover elles aussi ou à disparaître du marché.
Or ce phénomène est la clé de la croissance de la productivité à l’échelle d’un pays : il ne faut pas attendre que toutes les entreprises fassent des gains de productivité ; la recherche a montré que la productivité d’un pays augmente principalement par un effet de réallocation des facteurs de production (capital et travail) au profit des entreprises les plus productives….c’est en aidant les jeunes PME à grandir (ou, plus modestement, en éliminant les obstacles à leur croissance) que l’on créera richesse et emploi ; non en protégeant les entreprises en place pour éviter qu’elles ne disparaissent sous l’effet des nouvelles concurrences. »
Par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni, la France compte une plus grande proportion de TPE et une plus faible proportion de grandes PME ; la question se pose de savoir si les TPE françaises souffrent d’un problème spécifique de croissance.
Source : OCDE |
Part dans nombre total PME |
Part dans effectif total PME |
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1-9 sal |
10-19 |
20-49 |
50-249 |
Total |
1-9 sal |
10-19 |
20-49 |
50-249 |
Total |
|
France |
95 |
3 |
2 |
1 |
100 |
46 |
13 |
17 |
24 |
100 |
Allemagne |
83 |
10 |
5 |
3 |
100 |
30 |
18 |
19 |
33 |
100 |
Royaume-Uni |
89 |
6 |
3 |
2 |
100 |
33 |
16 |
21 |
31 |
100 |
En France, les TPE sont surreprésentées par rapport à ce que l’on observe en Allemagne ou au Royaume-Uni. Cette surreprésentation des petites unités révèle un problème de capacité à croître.
Aux États-Unis, la surperformance des PME en termes d’emploi s’explique entièrement par leur âge moyen plus faible, ce que l’INSEE semblent confirmer pour la France : entre 1995 et 2009, les entreprises de moins de 5 ans ont créé 173 000 emplois par an en moyenne, contre une destruction moyenne annuelle de 129 000 pour les entreprises de plus de 5 ans. Par ailleurs, les PME de plus de 5 ans sont moins productives que celles de moins de 5 ans, sauf lorsqu’elles ont atteint 50 salariés ou plus ; toutefois, la population des jeunes entreprises de 10 à 49 salariés est particulièrement hétérogène, un grand nombre d’entre elles étant en réalité moins productives que la majorité des plus de 5 ans. Il faut donc s’intéresser non pas au nombre (et au renouvellement) des jeunes entreprises, mais à leur devenir.
« Il convient de se garder de mettre en place des dispositifs ciblés sur les PME qui seront autant de nouveaux seuils à franchir lorsque l’entreprise souhaitera se développer, tels préserver une proportion des marchés publics aux PME, ou créer un taux d’imposition spécifique au titre de l’impôt sur les sociétés (taux réduit de 15% au lieu de 33%…). S’ils partent de bonnes intentions, de tels dispositifs peuvent s’avérer de redoutables « pièges » pour les entreprises qui préféreront se découper en morceaux plutôt que de franchir les seuils. Quitte à retenir des dispositifs dérogatoires, mieux vaut les cibler sur les jeunes entreprises que sur un critère de taille. »
3 leviers sont proposés : les conditions d’embauche et de séparation, les marges de manœuvre en matière de politique salariale et la formation initiale et continue.
Le marché du travail français se caractérise par une majorité de travailleurs sur des emplois stables en CDI et une minorité de travailleurs (12%) en CDD ou en contrat d’intérim de plus en plus court ; les travailleurs en CDI ne sont pas incités à prendre des risques, tandis que ceux en CDD n’ont pas accès à la formation professionnelle .
Les PME souffrent davantage que les grandes de cette situation :
– Plus de difficultés de recrutement (plus de la moitié des emplois vacants se situent dans les entreprises de 1 à 9 salariés),
– Pour faire face à l’instabilité des carnets de commandes, les petites entreprises utilisent moins que les grandes les leviers de flexibilité externe comme le recours à la sous-traitance ou l’intérim
– La complexité du Code du travail pèse davantage parce qu’elles sont moins armées pour maîtriser les procédures et faire face à un conflit prud’homal, et plus fragiles financièrement suite à des condamnations prononcées.
Réduire l’insécurité juridique, le plafonnement des sanctions concernant les licenciements jugés sans cause « réelle et sérieuse » serait un pas. Rendre la cause économique du licenciement plus objective et vérifiable sans faire appel à un jugement sur la performance de l’entreprise, un autre pas ; enfin, maîtriser la politique salariale serait un 3éme pas (le rôle des accords de branche dans la formation des salaires est pris en compte par la moitié des TPE, ne tenant pas compte des évolutions de productivité des jeunes entreprises, et sont donc préjudiciables à leur développement pendant les toutes premières années).
-Ajouter la fiscalité de la transmission favorable à la famille mais pas à des extérieurs à l’entreprise (notamment les salariés repreneurs)
Autre question difficile, le fait que les PME financent de facto les grandes entreprises au travers des délais de paiement ; les délais de paiement des fournisseurs sont inversement proportionnels à la taille des entreprises :
* près de quatre microentreprises sur dix payent leur fournisseur à la date prévue, elles sont moins d’une sur dix au-delà de 250 salariés
* Certains grands donneurs d’ordre réduisent leur besoin de fonds de roulement aux dépens de leurs petits fournisseurs ; Les retards de paiements seraient à l’origine d’un quart des faillites de PME.
Il est également nécessaire de s’attaquer à des distorsions de concurrence qui peuvent jouer au détriment des petites entreprises :
* la fiscalité : les plus petites entreprises sont plus souvent sujettes au taux réduit d’IS de 15% alors que les PME dépassant ces seuils sont imposées au taux implicite de 32% de l’excédent brut d’exploitation, contre de facto 26% pour les ETI et 22% pour les grandes entreprises (du fait du statut de multinationale et des possibilités d’optimisation fiscale)
Par ailleurs, les impôts sur la production sont les plus pénalisants, particulièrement pour les entreprises avec de faibles bénéfices relativement à leurs investissements ou leur chiffre d’affaires, en particulier les entreprises en fort investissement ou croissance
* les règles administratives, et la poursuite de la simplification administrative ; au Royaume-Uni, des dizaines de réglementations et de normes ont été supprimées depuis 2010 selon la règle du « one in, one out » du fait que toute nouvelle réglementation qui concerne une entreprise de moins de dix salariés ne doit pas avoir une durée de vie de plus de trois ans et toutes les nouvelles lois qui concernent le monde de l’entreprise doivent contenir une clause d’extinction ou de révision après cinq ans en moyenne.
*Les marchés publics : La mise en place en France de l’équivalent du Small Business Act américain, qui consiste à réserver une partie de la commande publique aux PME, est rendue impossible par la législation européenne. Les performances des PME françaises en matière d’accès à la commande publique se situent au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne : elles représentent 59% de la commande en nombre de contrats et 31% de la commande en valeur, contre respectivement 55 et 29% pour l’ensemble des vingt-sept États membres