41% sont satisfaits de leur travail; 36% par ailleurs pourraient être davantage mobilisés.


"Travail et bien-être psychologique : l'apport de l'enquête CT-RPS ", Dares, document d'étude N°217, mars 2018

“L’enquête CT-RPS 2016 comporte un grand nombre de questions sur les différentes dimensions des situations de travail : plutôt que d’utiliser plusieurs dizaines de questions élémentaires dans la modélisation, on a choisi, par souci de parcimonie et de facilité d’interprétation, de construire neuf indicateurs synthétiques à partir de 34 variables. Ces 34 variables ont été choisies à partir des 170 questions de l’enquête CT-RPS pour leur représentativité (chacune ressort sans ambiguïté de l’une des neuf dimensions analysées), leur importance (chacune influe significativement sur au moins une des dimensions de la santé mesurées dans l’enquête) et leur cohérence (les réponses aux questions retenues pour chaque dimension sont significativement et positivement corrélées entre elles).”

 

2 typologies sont proposées : entre 1/3 et 41% des actifs en emploi sont satisfaits de leur travail et des perspectives qu’il offre de développement des capacités. Les satisfaits se trouvent plutôt du côté des plus diplômés et qualifiés. A l’autre extrême, 8 à 13% se trouvent dans une situation de travail très délétère pour leur santé, avec un cumul d’expositions de tous ordres, physiques, organisationnelles et psychosociales, et un bien-être psychologique fortement dégradé. 

 

2 typologies proches ont été élaborées pour situer le bien-être des salariés au travail

 

Une 1ére typologie en 5 classes :

 

– les « satisfaits » (41%) : ce sont plus souvent des cadres, des hommes, des fonctionnaires ; les métiers les plus typiques sont les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie, les médecins, les cadres commerciaux, les cadres de la Fonction publique.

Leur travail leur permet d’apprendre des choses nouvelles; ils ont des perspectives de promotion et de bons rapports avec leurs supérieurs, et quand ils ont vécu des changements dans leur travail au cours des 12 derniers mois, ils ont plus souvent le sentiment d’avoir exercé une influence sur la mise en œuvre de ces changements.

Ils signalent souvent avoir une vie privée satisfaisante.

 

Les « invisibles » (19%) : Ils ont le sentiment d’un travail bien fait et utile, mais manquent de reconnaissance et n’ont que rarement la possibilité de développer leurs compétences. Ce sont plus souvent des femmes, des seniors, des personnes qui travaillent dans de petits établissements, ou qui occupent des fonctions de nettoyage ou de soins. Les métiers les plus concernés sont les assistantes maternelles, les coiffeurs, les employés de maison, les aides à domicile, les ouvriers de l’artisanat, mais aussi des artisans indépendants (bouchers-charcutiers, patrons de restaurants, agriculteurs…). Du côté des conditions de travail, ils connaissent plus souvent la pénibilité physique et manquent de soutien des chefs et des collègues. 

 

-Les « empêchés » (17%) : ces travailleurs n’éprouvent pas de fierté du travail bien fait, et ressentent rarement un sentiment d’utilité de leur travail et de plaisir au travail. Ils sont souvent en conflit avec le management sur les critères de qualité du travail. Ils ont plus souvent des fonctions de gestion et comptabilité, d’études et recherches, de soins des personnes, ce sont plus souvent des fonctionnaires ou des salariés appartenant à de grands établissements. Leurs conditions de travail sont contrastées : ils vivent des tensions avec le public et ne peuvent pas toujours donner leur avis sur leur travail, mais connaissent peu de pénibilités physiques et bénéficient d’un bon soutien de leurs supérieurs et de leurs collègues. Ce sont particulièrement des cadres de la Fonction publique, des professionnels de l’action sociale, des enseignants, des cadres des banques, des policiers, des infirmières.

 

 – Les « insécurisés » (15%) : ils sont inquiets pour leur emploi dans l’année qui vient, et ceci bien qu’ils se sentent reconnus dans leur travail. Ce sont plus souvent des femmes, d’âge moyen, en CDD-intérim, qui vivent des changements imprévisibles. Leur travail est souvent répétitif et ils connaissent des tensions avec leurs supérieurs. Les métiers typiques de cette classe sont des métiers ouvriers, les professionnels des arts et spectacles, les patrons et cadres d’hôtels et restaurants.

 

– Les « mécontents » (8%) : ils cumulent les sentiments négatifs dans tous les domaines. Ils occupent plus souvent des fonctions de production, maintenance, gestion, commercial, études. Leurs conditions de travail sont mauvaises dans toutes les dimensions (physiques, organisationnelles et psychosociales). Les métiers les plus touchés sont des métiers ouvriers, les caissières et employés de libre-service, les employés administratifs d’entreprise, les agents de gardiennage. Ces personnes font état également un peu plus souvent d’une vie privée insatisfaisante.

 

Bien-être et mal-être au travail : une 2éme typologie en groupes, fondée sur les indicateurs synthétiques d’exposition

 

Les « confortables » (33%) :  Ils sont épargnés par la plupart des risques professionnels, sauf les difficultés dans le collectif de travail et la demande émotionnelle où ils se situent dans la moyenne. Sont plutôt surreprésentés dans cette classe les salariés qualifiés et les auto-entrepreneurs, les seniors et les fonctions de secrétariat-saisie accueil et d’enseignement. Les métiers les plus concernés sont souvent très qualifiés (dirigeants d’entreprise, cadres administratifs ou commerciaux d’entreprise, professionnels des arts et spectacles, formateurs) mais cela concerne aussi les assistantes maternelles, les coiffeurs, les secrétaires… Ils sont plutôt satisfaits de leur vie privée, à nouveau sans qu’on puisse dire si c’est cela qui leur fait voir leur travail positivement ou si leurs bonnes conditions de travail ont un impact positif sur leur vie hors travail.

 

– Les « stressés et empêchés » (15%). Leur travail est très intense et ils sont soumis à des conflits éthiques ; en revanche, ils disposent de ressources en matière d’autonomie, de soutien social et de reconnaissance. On les trouve plutôt dans de grands établissements, dans les fonctions de soin ou de commerce, ils sont plutôt jeunes et qualifiés. Les métiers les plus typiques sont les ingénieurs et cadres de l’industrie et de l’informatique, les cadres de la Fonction publique, les infirmières, les professionnels de l’action sociale, les divers métiers des banques.

 

– Les « précaires laborieux » (15%) : Ils sont soumis à de nombreuses contraintes physiques, ils craignent pour leur emploi et/ ou vivent des changements importants. Ce sont plutôt des hommes, ou des femmes de ménage, en CDD ou intérim ou bien des non-salariés et des ouvriers qualifiés (du BTP, de la maintenance, de la réparation automobile, de la métallurgie…) .

 

Les « accablés » (14%) :  Ils cumulent l’ensemble des risques organisationnels et psychosociaux, sauf les pénibilités physiques pour lesquelles ils se situent dans la moyenne. Ils travaillent plutôt dans de grands établissements. Leurs réponses concernant leur vie privée sont assez négatives. Les métiers les plus typiques sont ceux de caissières, d’aides-soignantes, d’ouvriers non qualifiés, d’infirmières, d’employés de banque.

 

– Les « isolés » (11%)Ils manquent de soutien social et de reconnaissance, soit parce que leur collectif de travail est dégradé, soit parce qu’ils travaillent le plus souvent seuls ; en revanche, ils ne manquent pas d’autonomie ni de sécurité socio-économique. Ils sont plus nombreux chez les seniors, dans les petits établissements, parmi les non-salariés ou dans les fonctions d’étude et d’enseignement. Ce sont aussi plus souvent des agriculteurs, des ouvriers du BTP ou de la métallurgie.

 

– Les « passifs » (11%) : Ils manquent d’autonomie mais ont un travail peu intense, mais ne manquent pas de soutien social ni de reconnaissance. Ce sont plutôt des femmes, seniors, ouvrières, dans une fonction de manutention ou de nettoyage-gardiennage. On trouve des conducteurs de véhicules, des ouvriers de la manutention, des agents d’exploitation des transports, des agents d’entretien, des cuisiniers, des agents administratifs d’entreprise.

 

Dans les deux typologies, un gros tiers des actifs en emploi sont satisfaits de leur travail et des perspectives qu’il offre de développement des capacités. Les satisfaits se trouvent plutôt du côté des plus diplômés et qualifiés. Toutefois, des professions relativement peu qualifiées et à grande majorité féminine, telles les assistantes maternelles, les coiffeurs ou les employés de maison, figurent parmi les métiers pour lesquels la contribution du travail au bien-être est forte, et sont surreprésentés parmi les « confortables ».

 

A l’autre extrême, un actif sur dix environ (8% pour les « mécontents » de la première typologie et 13% pour les « accablés » de la seconde) se trouve dans une situation de travail très délétère pour sa santé, avec un cumul d’expositions de tous ordres, physiques, organisationnelles et psychosociales, et un bien-être psychologique fortement dégradé. Des professions comme celles de caissières, de cuisiniers, d’infirmières, d’aides-soignantes, d’ouvriers des industries graphiques ou de la métallurgie, d’employés de banques, sont surreprésentées dans ces situations préoccupantes qui appellent sans doute un effort particulier pour les politiques de prévention.

 

Deux dimensions du travail structurent des positions intermédiaires : les conflits éthiques et l’insécurité socio-économique. Les « empêchés » de la première typologie et les « stressés-empêchés » de la seconde se distinguent par leur exposition aux conflits de valeur, portant en particulier sur la conception de ce qu’est un travail de qualité (« ne pas éprouver la fierté du travail bien fait »). Les professions typiques de cette situation sont celles du secteur de la santé, où l’on observe également une forte demande émotionnelle ; mais on trouve aussi, parmi les métiers concernés par ces conflits éthiques, les cadres de la Fonction publique, des banques ou de l’industrie, chargés de mettre en œuvre des innovations organisationnelles ou des politiques commerciales ou de gestions des ressources humaines pas toujours compatibles avec leur éthique personnelle ou professionnelle.

 

Quant à l’insécurité socio-économique, elle détermine à elle seule la classe des « insécurisés » dans la première typologie et se combine avec la pénibilité physique pour former la classe des « précaires laborieux » dans la seconde. Les ouvriers sont de loin les plus concernés par ces situations, même si on trouve aussi parmi les « insécurisés » des professionnels des arts et spectacles ou des patrons de cafés-restaurants. 

 

Il est intéressant de rapprocher le bien-être des salariés au travail de celui des dirigeants (voir le mot-clé conditions de vie des dirigeants).