Au sein des TPE, le maintien en emploi importe plus que la santé.


"Santé au travail, maintien en emploi et genre dans les très petites entreprises", Dares, Revue Travail et Emploi N°164-165, lu octobre 2022

Méthodologie : 32 monographies pour interroger la manière dont les travailleur·ses (salariés ou dirigeants) de TPE, en exercice dans 3 secteurs d’activité (le bâtiment, la restauration et la coiffure) abordent la survenue d’un événement de santé (qu’il s’agisse d’une maladie chronique, d’un accident du travail ou d’une grossesse).

 

Qu’il s’agisse des salariés des TPE, mais plus encore chez leurs dirigeants, le maintien au travail compte beaucoup plus que leur santé.

⇒ Regards de salarié·es de TPE sur les liens santé-travail

♦ Le maintien dans l’emploi au prix d’un oubli de la santé : des contraintes financières aux contraintes familiales

Si le fait de travailler en quasi-famille est généralement jugé comme « très adapté » au fonctionnement des TPE, il peut avoir un impact économique non négligeable, générant des conflits de loyauté au fort coût moral.

Du fait de sa trajectoire de formation et du discours du chef d’entreprise, la salarié intègre par exemple les fréquentes douleurs de dos et d’articulations comme « normales ». Une fois dans le métier, on est tenu de les accepter, de ne pas s’en plaindre, de « ne pas s’écouter ». D’ailleurs, rien n’est mis en place pour prévenir ses douleurs ou pour les diminuer, dans le travail ou en dehors.

la résistance au mal constituant une composante centrale de leur ethos professionnel.

 

À l’intersection du genre et de la situation familiale, c’est la présence d’au moins un enfant à charge qui semble favoriser le maintien en emploi, en particulier chez les salariées qui sont mères de famille monoparentale.

 

♦ La « bonne ambiance » au travail comme régulateur des aléas de santé du personnel;

“La « bonne ambiance », adossée à la qualité des relations interpersonnelles au travail, limiterait les déséquilibres induits par les aléas de santé du personnel. Le bénéfice moral ainsi obtenu, qui permet de « tenir au travail », s’accompagne d’une acceptation de conditions de travail susceptibles d’être néfastes pour la santé. L’état du collectif, qui se mesure à la qualité relationnelle et à la solidarité entre collègues, l’homogénéité de leur profil sociodémographique ainsi que la vitalité économique de l’entreprise en viennent à passer avant la santé de chaque  salarié.”

 

Quand la sortie de l’emploi signifie la mise au chômage, les dirigeants – et notamment les hommes – ont recours aux ruptures conventionnelles et ce, quelles que soient les raisons motivant le départ des salarié·es de l’entreprise, en lien ou non avec des problèmes de santé.

⇒ Les dirigeants de TPE face à la maladie

♦ « Tenir au travail » coûte que coûte ?

L’endurance et l’abnégation face aux risques du métier sont des qualités attendues. Les dirigeant·es de TPE seraient réticent·es à se mettre en arrêt maladie de peur de compromettre l’avenir de leur entreprise. : la nature des postes qu’ils et elles occupent pèserait plus dans leurs décisions que l’appartenance de genre.

 

Pour faire face à leurs problèmes de santé, des patrons demandent l’aide de leurs enfants et du personnel, sans pour autant renoncer à la rémunération d’une activité à temps plein.

 

♦ Les dirigeants des TPE face à la sortie du métier : inaptitude, chômage et reconversion
Alors que les plus âgés des dirigeants interviewés préfèrent être placés en situation d’inactivité pour invalidité en attendant l’âge légal de départ à la retraite, les plus jeunes envisagent une réorientation professionnelle sous réserve que leur état de santé le leur permette.

 

En conclusion :

Plus concrètement, si l’étendue des problèmes de santé rencontrés par les travailleurs de TPE est largement invisibilisée par ces derniers – ne serait-ce que pour éviter les institutions médicales et les arrêts de travail –, cette invisibilisation est plus prégnante chez les dirigeants que chez les salariés.

Toutefois,  des femmes s’autorisent à mettre à distance le travail afin de préserver leur santé, à condition qu’elles n’élèvent pas seules leur(s) enfant(s). En effet, c’est la présence d’au moins un enfant à charge qui semble favoriser le maintien en emploi des femmes – et ce, en dépit de leur état de santé et de leur âge.

Pour en savoir davantage : Revue Travail et Emploi – Varia – N°164-165 (2021) | Dares (travail-emploi.gouv.fr)