Une tentative d’analyse des structures d’accompagnement (hors financement des entreprises) : typologie, politique RH et performance


« Livre blanc sur les structures d’accompagnement à la création d’entreprises en France : panorama des structures d’accompagnement en termes de management et de performance », Labex Entreprise, université de Montpellier, mars 2014

Le travail s’appuie notamment sur une thèse soutenu en décembre 2013 et le recours à 135 responsables de structure d’accompagnement interrogés en ligne ; son objectif est de mieux comprendre les déterminants de la performance des structures d’accompagnement (hors celles apporteurs de financement). 

L’échantillon est constitué des principales structures d’accompagnement, avec une surreprésentation des pépinières-technopoles-incubateurs académiques, de la région Languedoc-Roussillon ; 24% des structures ont été crées dans les années 80, 30% dans les années 90 et 45% depuis 2000.

Ce travail important ne nous apporte toutefois pas un éclairage réellement nouveau, hors le corpus théorique déployé.

 

Une définition des auteurs de « l’accompagnement entrepreneurial » : c’est un processus organisé par une tierce partie, s’inscrivant dans la durée et permettant à un ou des porteurs de projet ou un ou des entrepreneurs, de bénéficier d’une dynamique d’apprentissage ( formation, conseil…), d’un accès à des ressources (financières, informationnelles…), d’une mise en réseau, de services (administratifs, hébergement…) et d’une aide à la décision (coaching, mentorat …).

 

4 grandes étapes de l’accompagnement entrepreneurial en 30 ans :

1979-1987 (voire avant)

1988-1988

Développement des réseaux

Financiers d’accompagnement

1999-2008

2008…..

Ouverture à une culture entrepreneuriale

ACCRE et PRCE

Création de l’APCE

CFE au sein des CCI et CMA

Boutiques de gestion

Pépinières

Plateformes d’initiative locales

Développement de France Initiative

Création de Réseau-Entreprendre, de France Active, de l’ADIE

Technopole et CEEI

Incubateurs d’insertion

Loi Allègre 1999, dont incubateurs

Académiques

Union des couveuses

Coopératives d’Activité et d’Emploi

Business angel (incitation fiscale)

Société de capital risque

Auto-entrepreneur

Statut entrepreneur-étudiant

Assises de l’entrepreneuriat

L’innovation et l’ESS sont plutôt absentes de ce tableau

 

L’étude estime à 1 458 le nombre d’implantations locales des structures d’accompagnement (hors réseaux financiers) et donne une brève description des différents réseaux, sans chercher à être exhaustif et comparable :

Type de réseau

BGE

Pépinière

CCI

CMA

CAE

Technopole/CEEI

Couveuses

Incubateur académique

Total

Nombre

450

400

234

111

111

87

55

55

1 458

Nombre de

Projets accompagnés*

51 320

8 000

80 600

68 000

?

?

4 600

302

 

* Le fait qu’il n’y ait aucune définition de référence du projet accompagné demande à utiliser avec prudence ces résultats

 

Trois profils-types de structures d’accompagnement :

– les «structures généralistes » telles les CCI, CMA et pépinières (39% des répondants) ayant pour principal objectif le développement économique d’un très grand nombre d’entreprises

– les «structures technologiques», telles les incubateurs et les technopoles/CEEI (35% des répondants) visant l’accompagnement de quelques entrepreneurs désirant créer des entreprises innovantes

– les « structures de l’Economie sociale », telles les BG, les couveuses et les CAE (25% des répondants), axées sur la création de nombreuses entreprises de petite taille et ayant pour objectif l’insertion des demandeurs d’emploi sur le marché du travail et le développement social et économique d’un territoire.

 

Afin de répondre à la variété des profils des porteurs de projet, les pratiques et les outils d’accompagnement s’adaptent et se diversifient ; il n’existe donc pas un mais des accompagnements à la création d’entreprises.

Les caractéristiques moyennes des actions conduites par les structures répondantes :

Caractéristiques

Moyenne

Commentaires

Nombre de projets accompagnés par an

293

CMA : 704, intégrant les formations obligatoires, BGE 669, CCI 467, couveuses 248, CAE 232, et incubateurs-pépinières entre 46 et 57

Nombre d’entreprises crées par an

130

CMA 667, CCI 336, BGE 177, couveuses 147, CAE 50, incubateurs-pépinières 13

Nombre de chargé d’affaires

5

CMA 8,4 CCI 7,9 BGE 7,3 couveuses 6,8 CAE 3,1 incubateurs-pépinières de 2,3 à 4,3

Nombre d’entreprises crées par accompagnant

22

CMA 105,5 CCI 35,5 BGE 23,6 CAE 25,6 couveuses 13,6 incubateurs-pépinières de 3,9 à 8,5

% budget consacré à l’accompagnement

53,4

 

% du temps consacré à l’accompagnement

66,1

 

% des création par des chômeurs

58,5

Couveuses 92 BGE 85 CAE 81 CCI 54 CMA 52 incubateurs-pépinières de 43 à 50 technopole-CEEI 38

Nombre moyen d’emploi par entreprise crée

2,9

Incubateur 4,7 technopole-CEEI 4,6 pépinières 2,8 CCI 2,6 BGE 1,8

CMA 1,5 couveuses 1,3 CAE 1,2

 C’est sur l’adaptation aux demandes des porteurs de projet et aux contraintes juridiques et fiscales, que les dirigeants de structures ressentent un très fort besoin de s’adapter, l’impact de la compétition entre structures apparaît limité ; toutefois les couveuses, les chambres consulaires et les BGE ressentent davantage la concurrence.

De nouvelles prestations devant répondre à des typologies de profils d’entrepreneurs de plus en plus hétérogènes, les structures doivent par exemple par exemple faire évoluer leurs messages marketing pour répondre à cette demande et attirer de nouveaux porteurs de projet, proposer une certification professionnelle du parcours d’accompagnement, mettre en ligne des outils de gestion, proposer un hébergement de très court terme et des espaces de co-working…

Enfin, les structures se doivent d’être très réactives vis-à-vis notamment des lois qui impactent l’investissement (dispositif fiscal et d’aide) ou le niveau des subventions disponibles pour financer leur fonctionnement et donc accommoder sans cesse leurs processus de décision et d’évaluation aux exigences nombreuses d’acteurs clés au sein de l’écosystème entrepreneurial.

 

Ces structures, très majoritairement à but non lucratif, dépendant de subventions instables, ont peu de marge de manœuvre sur leur politique RH ; celle-ci s’illustre ainsi :

– La rémunération des chargés d’affaires au sein des structures d’accompagnement est basée sur leurs compétences, la rémunération étant conditionnée par l’implication des salariés dans leur travail.

– Les formations sont généralement organisées en fonction des besoins spécifiques de chaque poste et non en fonction de programmes généraux ou de l’évolution des carrières ; elles sont de plus en plus proposées par les têtes de réseau.

– Les outils formalisés de recrutement sont assez peu utilisés  tels des tests ; ce sont les entretiens d’embauche qui sont déterminants. 

– L’évaluation des salariés, notamment au regrd de l’évolution de leurs compétences, est une pratique assez peu effectuée au sein des structures de l’Economie sociale ; elle l’est davantage au sein du profil technologique. 

– La participation des salariés à la prise de décision et à l’élaboration des plans stratégiques et opérationnels est plus fréquente dans les structures de l’économie sociale ; par contre, le pouvoir de décision sur la stratégie générale de la mission d’accompagnement des structures plus classiques (les systèmes d’élus notamment) y est plus faible que dans les autres structures

 

En fait, les dimensions rémunération, formation et recrutement sont assez similaires quelle que soit la structure d’accompagnement concernée ; plus précisément :

– au sein des structures de l’Economie sociale, les valeurs du projet commun, construit par les membres d’une organisation, sont centrales ; les dirigeants emploient des personnes partageant ces valeurs et pratiquent un management participatif qui fédère et implique les salariés.

– au sein des structures technologiques, la politique RH est fondée sur la personnalisation du lien salarial, permettant de stimuler l’innovation ; la structure doit mobiliser des compétences transversales et pluridisciplinaires de ses employés (technologique et économique) en évaluant ses salariés et en organisant des formations sur mesure.

– la diversité des structures généralistes conduisent à moins de spécificités que dans les deux premiers cas ; dans les plus grandes structures, on y applique des critères impersonnels et uniformes pour l’ensemble des salariés de l’organisation, alors que dans les structures de plus petite taille, les pratiques de GRH sont peu développées, le dirigeant assumant essentiellement la gestion de son personnel ; l’évaluation du petit nombre de salariés se réalise alors de manière intuitive et la participation de ces derniers à la prise de décision est plutôt faible.

– les responsabilités de chaque employé et les procédures de fonctionnement de l’organisation sont généralement écrites ; les informations sont facilement accessibles (manuel, fiches de postes, notes de services…).

– En termes de spécialisation du travail, l’ensemble des structures disposent d’un nombre important d’employés spécialistes de l’accompagnement, considérant leurs salariés comme des experts dans leurs domaines de responsabilités ; plus les structures sont grandes, plus elles auront la possibilité d’employer des chargés aux compétences transversales (levée de fonds, accès au marché international…) ou spécialisés sur une filière d’activité particulière (la biotechnologie) ; par contre, le niveau de centralisation de la prise de décision semble peu élevé pour l’ensemble des structures.

 

En résumé, le cadre de travail, influencé par la nature publique du financement, est assez similaire quel que soit le profil des structures. Si le niveau de standardisation des règles et le degré de spécialisation des salariés sont élevés, les dirigeants laissent une marge de manœuvre large à leurs salariés pour s’adapter plus facilement aux multiples profils des porteurs de projet.

 

L’analyse de la performance

Les résultats de l’étude encouragent les dirigeants à adopter une approche globale de la performance en observant plus spécifiquement l’apprentissage organisationnel, le processus de gestion interne et la satisfaction des clients.

 

Par contre, les indicateurs de la performance économique demandent à être adaptés aux spécificités et objectifs de chaque profil-type de structure :

* la formation des agents, leur évaluation améliorent la capacité d’apprentissage.

* une politique de rétribution attrayante joue directement sur le niveau de performance économique, la capacité d’apprentissage et d’innovation de la structure.

* la participation visant l’émergence de propositions d’ordre stratégique et opérationnel des chargés d’affaires contribue grandement à la performance

*enfin la formalisation des règles et la spécialisation des chargés d’affaires impactent positivement la performance