L’impact du microcrédit sur l’emploi, une recherche en cours encore embryonnaire


« Le microcrédit professionnel en France : quels effets sur l’emploi » document de travail N° 2013-7, Centre d’analyse stratégique, avril 2013

Le microcrédit n’a pas de définition légale en Europe ; selon la Commission européenne, il s’agit d’un crédit inférieur à 25 000 euros accordé à des personnes exclues du système financier traditionnel ou dépourvues d’accès aux banques, en vue de les aider à créer ou développer leur entreprise (Commission européenne, 2012) ; depuis 2007, le soutien au microcrédit est inscrit dans la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance économique et de l’emploi.

 

Une récente étude du Réseau européen de la micro finance (REM) distingue deux modèles de micro finance en Europe : un modèle reposant sur une approche inclusive (62% des IMF européennes) qui met l’accent sur l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires, et un modèle s’appuyant sur une approche entrepreneuriale (38%) qui insiste sur les perspectives de développement des entreprises et de l’emploi.

 

Depuis 2005, la Social Performance Task Force (SPTF), qui réunit plus de 1 000 professionnels de la micro finance, a cherché à établir des normes et des critères consensuels pour évaluer la performance sociale et harmoniser les approches des différentes agences de notation (publication en 2012, de standards universel de mesure de la performance sociale) ; dans ce contexte, une grande partie des opérateurs dans les pays du Nord cherchent en outre à mesurer l’impact social de leurs programmes, c’est-à-dire leurs effets sur les bénéficiaires.

 

Les évaluations sont souvent menées en interne, rarement rendues publiques et restent souvent fragmentaires. Par ailleurs, chaque opérateur utilisant ses propres indicateurs, les résultats obtenus sont difficiles à comparer d’une institution à une autre et les échantillons retenus sont généralement trop faibles pour être soumis à une analyse robuste. Enfin, un même bénéficiaire peut bénéficier de plusieurs dispositifs simultanément, ce qui rend difficile l’attribution des résultats.

 

Le nombre d’emplois créés : cette donnée est collectée par la très grande majorité des opérateurs et tend à indiquer un impact largement positif ; mais La notion « d’emploi créé » peut recouvrir autant la création nette d’emplois que les emplois maintenus ou encore les emplois induits, mais aussi des emplois à temps plein ou bien à temps partiel ; les mesures reportées tiennent le plus souvent imparfaitement compte d’éventuels effets d’aubaine, c’est-à-dire des entreprises soutenues qui auraient pu voir le jour sans l’aide de la micro finance.

 

Le coût par emploi créé : Les études disponibles montrent des coûts s’échelonnant de 700 euros à près de 10 000 euros par emploi créé. Ces résultats disparates s’expliquent par le fait que les calculs présentés ne tiennent pas systématiquement compte des effets dits indirects du microcrédit (les économies réalisées grâce aux aides sociales non versées par exemple), de l’implication des bénévoles dans l’instruction des dossiers et l’accompagnement des créateurs, de la génération de recettes fiscales induites par la création ou encore de l’interdépendance entre les dispositifs.

 

La mesure de l’impact du microcrédit sur l’emploi en France pourrait être améliorée en s’appuyant sur deux axes : d’une part l’adoption par tous les opérateurs français de microcrédit, de méthodes et d’indicateurs harmonisés pour mesurer l’impact du microcrédit, d’autre part une harmonisation des définitions retenues pour la mesure des volumes et des effets du microcrédit.

 

Par ailleurs, la réflexion sur l’impact du microcrédit devrait s’inscrire dans une concertation plus large avec les parties prenantes (opérateurs et financeurs) sur l’avenir de la micro-finance en France à horizon 2030 pour :

– estimer les besoins en microcrédit et identifier d’éventuelles insuffisances des ressources disponibles,

– dégager des scenarii d’évolutions possibles pour la structure du marché du microcrédit et le rôle des acteurs dans chaque scenario,

– évaluer l’opportunité d’encourager le développement d’instruments de financements innovants en faveur de la création d’entreprises, de type financements participatifs,

– discuter l’intérêt et les modalités d’une éventuelle transposition en France d’une régulation sur le modèle du Community Reinvestment Act (CRA) aux États-Unis.