L’industrie Française investit dans l’immatériel mais ne semble pas en tirer profit


"L’investissement des entreprises françaises est-il efficace ?" France Stratégie, la Fabrique de l'Industrie N°22, octobre 2018

Le secteur manufacturier français a mobilisé en faveur de l’investissement l’équivalent de 25,7% de sa valeur ajoutée en 2016, contre 24,1% en Italie, 21% en Espagne, 20,5% aux Pays-Bas, 19% en Allemagne et 17,6% au Royaume-Uni.

 

Les grandes entreprises et les ETI, qui représentent moins de 1% du nombre total des entreprises mais 57% de la valeur ajoutée et 51% de l’effectif salarié en 2017, ont ainsi été à l’origine en moyenne de 70% de l’investissement des entreprises en France.

 

Les entreprises industrielles françaises investissent beaucoup plus dans les actifs immatériels (logiciels, bases de données, R&D…) que leurs homologues européennes, relativement à leur valeur ajoutée.

Ainsi, le taux d’investissement en logiciels et bases de données des industriels français est compris entre 4,5 et 6% de la valeur ajoutée alors que celui des autres pays ne dépasse pas 3%.

Le taux d’investissement en R&D y est en France de 10,7% en 2016, plus élevé que celui de l’Allemagne (8,4%) et des autres pays européens considérés (Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) à l’exception de la Suède.

Les dépenses en publicité, marketing, capital organisationnel et formation (qui ne sont pas comptabilisées comme des investissements en comptabilité nationale, mais qui sont prises en compte dans certaines études) sont aussi plus élevées en France depuis 2005.

L’effort d’investissement important dans l’immatériel semble cohérent avec l’image d’une « industrie du futur »; pourtant il ne se traduit pas par des gains plus nets en matière de productivité et de compétitivité.

 

Une des hypothèses avancées pour expliquer un tel écart, est l’existence de pratiques de comptabilisation différentes selon les pays.

Ce niveau d’investissement plus élevé dans l’immatériel – avec un écart de presque 8 points de valeur ajoutée en 2015 par rapport à l’Allemagne – pourrait aussi refléter un choix des entreprises de concevoir en France et de fabriquer préférentiellement dans d’autres pays.

 

En revanche, l’investissement dans les machines et équipements est un peu plus faible que chez nos voisins, ce qui pourrait expliquer en partie certaines performances économiques décevantes de l’industrie française.

Le taux d’investissement des industriels dans les machines et équipements est plus faible en France qu’en Italie, en Allemagne et en Suède sur la période 1995-2015.

Notons que l’industrie allemande présente un nombre de robots installés pour 10 000 employés 2,3 fois supérieur à celui de la France en 2016; mais cela reflète surtout le poids plus important des industries automobile et électrique en Allemagne, puisque le taux de robotisation dans l’automobile est similaire en Allemagne et en France en 2016 (1 150 robots pour 10 000 salariés en France et 1 131 en Allemagne).

Le renouvellement des machines et équipements serait la première motivation d’investissement des chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière française selon l’Insee : 29% des investissements sont destinés au renouvellement, contre 23% pour la modernisation et 16% pour l’extension de capacité en 2017. C’est une motivation davantage mise en avant en France qu’en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et l’Allemagne

 

L’investissement dit « productif », incluant les machines, équipements et les actifs immatériels, représente 91,5% des dépenses d’investissement du secteur manufacturier français en 2015.

 

Les investissements parfois appelés « non productifs » (construction et mise en conformité réglementaire) ne semblent pas freiner les investissements productifs :

-L’investissement en construction ne représente qu’une faible part des dépenses d’investissement de l’industrie manufacturière française. Cette part est comparable à celle réalisée en Italie et aux Pays-Bas et est moins élevée qu’en Espagne et au Royaume-Uni.

-La mise en conformité réglementaire implique des coûts supplémentaires qui peuvent être élevés mais qui, pour la plupart, ne sont pas propres à la France.