Prés de 200 000 répondants à l’enquête de la CFDT sur la vie au travail


"Parlons travail, la grande enquête nationale sur le travail", CFDT, mars 2017

méthodologie ; une enquête en ligne de 200 questions avec 196 925 réponses au 31 décembre 2016. Les répondants :  43% membres de la CFDT, 63% issus d’études supérieures, 59% de femmes, 53% de 30-49 ans et 33% de 50 ans et plus, 29% agents de la fonction publique et par ailleurs 65% en CDI, un échantillon qui sera redressé ensuite.

 

“Les  travailleurs  et  leur  travail ” : 77%  aiment  leur  travail; 59% y éprouvent plaisir et 57% de la fierté, mais 25% y viennent “la boule au ventre”; 27% y “font des choses qu’ils désapprouvent”.

La  fierté est  inégalement répartie socialement : plus on est diplômé, plus on est gradé et plus on gagne d’argent, plus on se dit fier ; ceux qui gagnent plus de 4000€ sont 42% à se déclarer fiers, là où les travailleurs qui gagnent 1000 à 1500€ ne sont que 28%; le grade intervient également (les cadres sont les plus fiers, surtout dans la fonction publique); ce que l’on produit, l’utilité sociale de ce que l’on fait interviennent aussi.

La  perception du vécu du travail diffère en fonction de la place occupée par chaque individu au sein des collectifs de travail : les cadres et les plus diplômés sont nettement plus nombreux que les ouvriers et les sans-­diplômes, à dire qu’ils prennent du plaisir au travail; au-­‐delà de la catégorie socio-­professionnelle, ce sont le sens du travail, la reconnaissance, l’autonomie et les marges de manœuvre, le pouvoir de s’exprimer et d’agir sur son travail qui sont questionnés, sans oublier les conditions de travail physiques parfois difficiles.

 

De fait le choix de son activité croît avec le niveau de diplôme et de grade (les cadres du public comme du privé sont 90% à dire qu’ils ont plutôt choisi leur parcours). les CDD ne font pas de réponse significativement différente des CDI, à la différence des intérimaires.

L’idée de réussite est d’abord due à un mérite personnel, qui a permis de faire aboutir des « choix » individuels. Ceci étant, 71% considèrent que les chômeurs ne sont pas des assistés.  «Travailler moins pour travailler tous » est une acceptation partagée par les salariés et les chômeurs.

 

58% disent avoir le temps de faire correctement leur travail; mais 21% affirment avoir des objectifs “intenables”.  1/3 travaillent en dehors des horaires de travail ou pendant leur jours de repos (et 46% “ça arrive”). Pour la moitié, il arrive que leur entourage estime qu”‘il travaille trop”. 28% affirment que “par rapport à leurs collègues, on m’en fait faire beaucoup plus”

 

La charge de travail est tolérable : les  2/3 déclarent ne pas avoir le sentiment « d’être une machine », mais la moitié dit ne disposer que d’une faible autonomie dans l’organisation de son planning et la moitié encore, ne pas pouvoir mettre ses idées en pratique au travail

Autonomes au travail : 42% des répondants disent qu’un retard de 10 minutes « n’est pas un problème tant que le boulot est fait »;  les autres items étant «c’est pas grave mais c’est mal vu» (12%), «c’est pas grave mais je devrais le compenser» (18%), «c’est toléré de temps en temps, mais il faut une vraie raison” (17%),  «c’est sanctionné» (4%) et «c’est  juste  impossible» (7%). Toutefois, 60% de ceux qui travaillent moins de 39 heures déclarent qu’un retard est un problème, voire peut être sanctionné. Par contre, 85% des cadres du privé peuvent, sans problème ni sanction, arriver en retard.

 

Le soutien du chef et des collègues : de nombreuses études sur le stress démontrent que celui-­‐ci est lié au niveau de demande psychologique, au degré d’autonomie dans le travail, mais aussi au soutien social que l’on peut obtenir dans son environnement proche.

40% disent pouvoir compter à la fois sur le soutien de leur chef et de leurs collègues, 68% bénéficier d’entraide avec leurs collègues (pour 63% les relations sont cordiales et pour 12% formidables).  

 

Pour 1/3, leur hiérarchie les considèrent comme des gens précieux, responsables; pour 41% la hiérarchie est soucieuse de leur bien-être; 48% sont d’accord ou plutôt d’accord avec l’idée que leur chef les aide à accomplir leur tâche; mais les moins gradés disent ne pas pouvoir compter sur eux; 45% disent avoir subi du harcèlement moral. Pour les 2/3 les compétences de leur chef sont normales, respectables et pour 5% exceptionnelles.

Mais 62% affirment que s’ils devaient faire leur travail sans chef, cela ne changerait pas grand chose et même 25% “je travaillerais mieux”. 83% affirment même que les salariés sont plus lucides que la plupart des dirigeants.

La majorité dit aussi pouvoir s’exprimer librement et contester son chef (écart de 10 % points, quel que soit l’âge entre hommes et femmes). Ceci étant les promotions sont plutôt le fait de ceux qui se font mousser, ou sont proches de la direction.

Mais le management de proximité est en difficulté pour assurer ce rôle de  soutien, les  cadres étant souvent cantonnés au suivi de la réalisation des objectifs, et ont peu de marges de manœuvre pour répondre aux attentes ou inquiétudes des salariés en difficulté. De plus, pour 64% le supérieur se protège avant de protéger ses collaborateurs. Si l’entraide, le soutien, la  solidarité et la bienveillance entre travailleurs sont bien présents dans le  monde du travail, pour  autant,  la situation personnelle, notamment les difficultés relationnelles (pour 87% un collègue pénible rend le travail invivable) ou la peur de perdre son emploi impactent fortement. Si 48% n’ont jamais  été traités de façon injuste ou hostile, 17% disent l’avoir été pour leur physique ou handicap, 15% pour leur âge, 13% pour leur sexe ou leur orientation sexuelle, 5% pour leur couleur de peau ou leur nationalité, et 22% pour d’autres raisons. Mais 71% disent aussi avoir des amis parmi leurs collègues ou anciens collègues.

 

“Avons-­‐nous  un  rapport  utilitariste  au  travail  ?” L’enquête montre que l’engagement au travail ne tient pas uniquement à la rémunération du travailleur, même si 81% travaillent pour faire face à leurs besoins.

Ceux qui affirment travailler pour autre chose que l’argent, sont d’abord les jeunes; en  vieillissant cette croyance se tasse.  

Ceux qui disent travailler d’abord pour l’argent sont surtout les catégories C du public et les ouvriers du privé (moins d’autonomie, de soutien social, de choix de carrière); ceux qui revendiquent avoir un rapport non utilitariste au travail, sont plus nombreux chez les cadres;  la bonne volonté au travail serait d’abord indexée  aux diverses satisfactions matérielles mais aussi sociales, psychiques et morales, qu’il procure. Les 3/4 disent faire un travail utile et 48% se sentent utiles à leur société et à leur entreprise. 54% se disent investis au travail; mais moins la satisfaction est importante, plus ils estiment que leur travail dégrade leur santé.

 

Le rapport au bien commun : « dans n’importe quelle entreprise ou administration, l’intérêt général devrait passer avant tout ? »  

86% se disent d’accord, quelque soit l’âge, le sexe ou la situation de travail. À la question « Au boulot, soit tu marches sur les autres, soit tu te fais marcher dessus », 69% disent ne pas être d’accord; ce point de vue croît avec le niveau d’études et le grade»; en désaccord ceux qui connaissent des situations de violence ou d’isolement au  travail, ou ceux qui ont peur de perdre leur emploi ou de subir des changements désavantageux pour eux. Quelle opinion ont les travailleurs du rôle des syndicats dans la solidarité nationale aujourd’hui ?  «  Un monde du travail sans syndicat serait…  » : 56% répondent : «l’exploitation pour tous ».  Notons que les autres réponses possibles étaient : « ça ne changerait rien » (36%) ou « enfin  le  progrès » (6%).

 

Les  atteintes à la santé, corollaire des travailleurs malmenés Pour 39% “mon  travail  est  physiquement  exigeant  (charges  lourdes, postures  pénibles,  bruit,  températures  excessives, vibrations…)”; 25% ont déjà été blessés et 10% hospitalisés à cause de leur travail. 28% “ne se voient pas faire ce travail encore longtemps”. 39% disent y côtoyer la souffrance humaine. 37% disent avoir fait un burn out. Les travailleurs  peu  qualifiés, ou  gagnant  moins  de  2000€,  sont 40% à dire  que  leur travail  les  « délabre »; par contre, les  plus  diplômés,  gradés  et  rémunérés, plus  que  les  autres,  disent que  le travail  a  sur  leur  santé  des  effets  positifs; notons toutefois  qu’être éduqué,  riche et dominant n’est pas la panacée puisque 20 à 30% pensent tout de même que le travail  joue contre leur  santé.

 

L’appréciation des conséquences du travail sur leur santé trouve son origine dans la qualité des situations de travail : relations avec les collègues, avec la hiérarchie, articulation vie professionnelle-vie personnelle, parcours professionnel, exigences du travail, crainte de perdre son emploi, sens et reconnaissance du travail. Par ailleurs l’enquête révèle que seuls 72% arrivent à prendre tous leurs congés et RTT; de même, lorsque la durée du travail dépasse la quotité «35-­39 heures»,  l’articulation vie professionnelle-­vie personnelle devient difficile pour une majorité.

 

  ” L’approche  du  temps  de  travail  hebdomadaire  est  devenue  obsolète,  même  si  la  durée  légale  du travail,  reste  nécessaire,  car  étant  un  outil  de  mesure  indispensable  pour  garantir  les  droits  des travailleurs  dans  l’entreprise  ou  la  branche  professionnelle.

La  CFDT  propose  de  réfléchir  à  une  autre  approche  qui  articule  une  répartition  équitable  du  travail entre  les  individus…en  tenant  compte  de  la  pénibilité  de  certains  emplois  et d’apprécier  la  durée  du  travail  sur  l’ensemble  de  la  carrière”.

Ces dernières  années,  la  tendance  a  été  à  l’intensification  et  à  une  densification  du  travail,  à  une augmentation de  la  charge  de  travail  ainsi  qu’à  l’introduction  de  nouvelles  formes  d’organisation  du travail  induisant  des  pratiques  de  management  davantage  coercitives.  Les  repères  des  travailleurs ont  ainsi  été  bousculés,  le  contenu  et  les  conditions  de  réalisation  du  travail  ayant  été  fortement modifiés,  et  les  exigences  pesant  sur  les  travailleurs,  qu’ils  soient  cadres  ou  non,  ont  été  multipliées. Les  mutations  du  travail  vont  perdurer…Il  est  de  la  responsabilité  des  entreprises  et  des  pouvoirs  publics  de  mettre  en œuvre  les  mesures  garantissant  des  conditions  de  travail  de  qualité  aux  travailleurs.  Cela  passe  par un  dialogue  social  de  qualité  à  tous  les  niveaux  faisant  notamment  de  l’organisation  du  travail  un objet  de  négociation.

 

La  CFDT,  propose  de  développer  une  économie  de  la  qualité,  qui  intègre  la  qualité  de  vie  au  travail  et fait  en  sorte  que  chacun  trouve  sa  place  dans  le  monde  du  travail  et  dans  la  société”