Le système de formation français fait état d’un déficit des compétences de base


"élaborer une stratégie nationale de compétences", France Stratégie, février 2017

Méthodologie : 3 paramètres sont à prendre en compte : la maîtrise des compétences de base, l’insertion sur le marché du travail et la capacité des entreprises à mettre en place une démarche de développement des compétences.

 

La problématique : “La France souffre d’un déficit de compétences de base, que confirment notamment les enquêtes menées sur la population active. Il explique pour partie la difficile insertion dans l’emploi de certains jeunes et demandeurs d’emploi. Par ailleurs, dans un contexte de fortes mutations du travail, les individus doivent être en capacité d’adapter leurs compétences tout au long de leur parcours professionnel.”

 

Depuis 30 ans, le niveau moyen de qualification en France s’est nettement accru (en 1982, 56% de la population active était sans diplôme, contre 20% en 2013), mais 100 000 jeunes sortis en 2016 du système de formation initiale sont sans qualification et 10% des 16-29 ans ne maîtrisent pas les compétences de base; par ailleurs, presque 1/3 des 16-65 ans); ils disposent de faibles compétences de base (informations écrites et/ou chiffrées), soit soit 5 points de plus que la moyenne de l’OCDE.

 

Au niveau de la formation initiale, 30% des lycéens sont dans des filières professionnelles. Le nombre d’apprentis – en forte augmentation entre 2003 et 2007, tiré par l’apprentissage dans le supérieur – plafonne depuis quelques années autour de 400 000.
Du côté de la formation continue, dont les partenaires sociaux sont des acteurs centraux, l’offre au niveau des branches professionnelles s’est enrichie, mais l’insertion dans l’emploi des jeunes et des chômeurs reste problématique, surtout pour les moins qualifiés, et nombre d’entreprises éprouvent des difficultés à trouver les compétences dont elles ont besoin.

 

La mise en place d’une démarche centrée sur les compétences (compétences génériques, disciplinaires et professionnelle) fait consensus depuis les années 1990, mais peine à se traduire de façon concrète.

Du point de vue des entreprises, la compétence renvoie d’abord aux aptitudes techniques et comportementales des individus à occuper effectivement un emploi , plus qu’à la définition formelle d’un métier type; en pratique, seule une petite partie des entreprises paraît capable de mettre en œuvre une telle démarche. La difficulté pour les employeurs à préciser leurs besoins de compétences professionnelles les conduit souvent à exprimer ceux-ci en termes génériques : motivation, autonomie, capacité d’initiative…peu objectivables, et s’appuient alors sur d’autres critères supposés les capter de façon indirecte : diplôme, traits de personnalité, caractéristiques socio démographiques… Cette pratique expose une partie de la population à un risque de chômage élevé, voire à des discriminations.

Du côté des politiques publiques et des partenaires sociaux, de nombreuses lois ou accords nationaux visent, depuis le début des années 2000, à faire évoluer le système de formation vers une logique de compétences (notamment la loi du 5 mars 2014 instaurant un droit à la formation attaché à l’individu et la modularisation des formations);  mais sans clarifier, d’un point de vue opérationnel, les rôles respectifs de l’entreprise, de la branche et des pouvoirs publics dans la définition des besoins de compétences, et sans développer des politiques adaptées pour en permettre la reconnaissance.

 

Les difficultés inhérentes au système français de formation tiennent moins à l’insuffisance des offres de formation qu’à la structuration globale d’un système où les objectifs, les rôles et les responsabilités ne sont pas suffisamment identifiés par les différentes parties prenantes : pouvoirs publics (Éducation nationale, Pôle Emploi et régions), partenaires sociaux, entreprises et individus. L’enjeu est de clarifier, voire de redéfinir les niveaux d’intervention et la responsabilité de chacun de ces acteurs, tant au regard des différents types de compétences envisagés que des publics ciblés.

Une première option consiste à ce que la formation initiale délivre les savoirs de base nécessaires à l’exercice d’une profession (place centrale aux différentes formes d’alternance), alors que la formation continue vise l’approfondissement ou la mise à niveau des compétences acquises en formation initiale (proche du modèle allemand). La responsabilité des différentes phases d’acquisition des compétences se trouve partagée entre le système éducatif, les partenaires sociaux et les entreprises (rôle renforcé qui exige une démarche d’anticipation et de description de leurs besoins).
Pour assurer une véritable continuité et cohérence entre formation initiale et continue, et ainsi réduire l’influence du diplôme initial, les certifications professionnelles doivent être articulées aux différents types de formation; l’acquisition des compétences de base et génériques est confiée au système éducatif public; à l’âge adulte, leur prise en charge ne relève pas de la responsabilité des employeurs.

 

Une seconde option, plus proche du modèle britannique, met l’accent sur l’adaptabilité et la mobilité des personnes entre métiers via le marché externe du travail tout au long de leur vie active. Elle est donc axée sur l’acquisition de compétences de base et génériques dès le plus jeune âge, mais aussi de compétences disciplinaires non professionnelles permettant aux individus de faire face aux évolutions incertaines de l’emploi. Dans ce système, les responsabilités entre acteurs publics et entreprises sont réparties en fonction de la nature des compétences en jeu. Le système éducatif est ici beaucoup moins professionnalisant.

La professionnalisation passe par la formation continue et relève de la seule responsabilité des entreprises,. Ce schéma implique le transfert d’une partie de l’enseignement professionnel initial vers des acteurs du monde professionnel. Le rôle des partenaires sociaux se recentre alors sur l’accompagnement des mobilités (reconnaissance entre entreprises de compétences professionnelles transversales). Dans un tel système, les adultes, qu’ils soient salariés, non-salariés ou demandeurs d’emploi, disposent d’un « droit au retour » vers le système éducatif dès lors qu’il s’agit de mettre à niveau leurs compétences génériques ou socle, qu’ils n’ont pu correctement acquérir lors de leur formation initiale.