Une typologie décomposant la population des seniors selon deux axes : l’état de santé et le niveau de revenus, permettant de distinguer trois grandes catégories de consommateurs, les seniors en bonne santé, les seniors fragiles et les seniors dépendants


« La silver économie, une opportunité de croissance pour la France » rapports et documents du Commissariat général à la stratégie et la prospective, décembre 2013

 Chez les personnes âgées de 60 à 75 ans, l’inactivité prime sur l’activité et le chômage sur l’emploi. Mais les tendances récentes et les politiques en faveur du maintien de l’activité préfigurent un accroissement de l’activité et de l’emploi des seniors qui devrait affecter leurs comportements d’épargne et de consommation. En 2011, le taux d’activité (rapport du nombre d’actifs sur l’ensemble de la classe d’âge) des seniors (au sens de l’Union européenne : 55-65 ans) s’établit à 69% ; il est de 16 points inférieur à celui des 50-55 ans.

Parmi les autres contributions directes des seniors à la croissance, on trouve la création d’entreprise ; la place que les plus de 50 ans occupent dans les créations d’entreprise est bien supérieure à leur participation dans la population active (15% des créations).

En comparaison des autres pays de l’Union européenne, le taux d’emploi des seniors s’établit à 41,5%.

 

Les retraités en 2010 ont un niveau de vie plus élevé en moyenne ou quasiment identique que les actifs, selon que l’on inclut ou non les loyers fictifs et les revenus du patrimoine.

Si les revenus sont proches, les profils d’épargne et de consommation sont en revanche fortement différenciés en fonction de l’âge : les plus de 60 ans consomment moins que le reste de la population en part de revenu disponible, et épargnent davantage, notamment en épargne de précaution, ou pour transmettre à leurs descendants ; de plus l’aversion au risque est bien plus marquée.

 

L’évolution démographique fait apparaître un véritable marché pour la plupart des entreprises. Le revenu disponible des plus de 60 ans représentait en 2010 environ 4 241Mds€, les simples projections par âge laissant attendre une hausse de 150 % de la taille de ce marché via l’augmentation du nombre de seniors d’ici 2050. Pourtant, à ce jour, le marché de la Silver Économie peine à émerger.

 

Ce rapport propose une typologie décomposant la population des seniors selon deux axes : l’état de santé et le niveau de revenus, permettant de distinguer trois grandes catégories de consommateurs, les seniors en bonne santé, les seniors fragiles et les seniors dépendants, tout en prenant en considération les revenus dont ils disposent. Les plus pauvres ne sont pas négligeables en nombre ; quant aux 10 % les plus riches, ils représentent un marché en euros qui va bien au-delà de leur nombre et qui peut justifier à lui seul des stratégies de développement de l’offre.

Il serait ainsi possible de faire émerger une demande pour certains marchés de la Silver Économie sans nécessairement la subventionner de manière trop importante ; en parallèle, les plus vulnérables financièrement doivent être aidés, non seulement pour solvabiliser une demande qui justifierait des investissements importants du côté de l’offre, mais surtout pour lutter contre l’accroissement des inégalités, en particulier face à la dépendance.

 

Nombre en million et  % pop totale

Niveau de revenu en 2006

 

2007

2013

2020

pauvres

Médium

Riches

Nbre total

12,5

14,6

16,6

     

60-75 ans

13

14

17

18

73

9

75-85 ans

6

6

6

22

68

9

Plus de 85 ans

2

2

3

25

61

15

             

 Les seniors constituent 22% de la population totale en 2013, 26% en 2020 pour atteindre 32% en 2060 ; à lui seul, le segment des plus riches en 2013 représentent autour de 40Md€ de dépenses annuelles, concentrée parmi les 60-75 ans.

Montant des patrimoines en K€

Pauvres

Médium

Riches

Total dont

immobilier

Financier

Total dont

immobilier

Financier

Total dont

immobilier

Financier

60-75 ans

119,2

93,3

10,3

189,9

148,7

28,9

769,5

414,4

227,0

75-85 ans

102,4

83,1

9,2

169,5

121,5

32,7

749,6

347,2

323,0

Plus de 85 ans

63,8

50,0

8,2

149,0

92,0

41,3

872,3

407,4

354,8

                   

 Lorsqu’on s’intéresse à la propension moyenne à consommer, c’est-à-dire à la part des dépenses dans le revenu disponible du ménage, il apparaît des différences marquées entre les catégories. Les 60-75 ans, la catégorie « seniors en bonne santé », consomment en moyenne plus que les autres tranches d’âge, à chaque niveau de richesse ; à noter que les ménages les plus pauvres consomment plus que leur revenu disponible (tableau ci-dessous décrivant la part du revenu disponible dépensé  selon le niveau de revenu et l’âge)

En %

Pauvres

Médium

Riches

60-75 ans

121

70

49

75-85 ans

118

65

37

Plus de  85 ans

93

55

31

 La structure de consommation se modifie avec l’âge : la forte proportion des dépenses d’énergie s’explique par leur présence importante au domicile au cours de la journée ; les dépenses de santé augmentent avec l’âge (3 % du revenu disponible pour la tranche des 25-40 ans, contre 5 % chez les plus de 75 ans) ; le troisième poste est celui des services bancaires ou assurantiels. En revanche, les dépenses en biens de consommation courante – objets de la vie quotidienne, restauration ou hôtellerie, etc. – sont moindres. Les dépenses de loisirs augmentent passé 60 ans. Loisirs et santé apparaissent donc clés pour la Silver Économie.

 

En 2008, 35% des personnes ayant plus de 65 ans sont créditées par un indicateur d’au moins une limitation fonctionnelle très sévère, 57% à partir de 75 ans, près des trois quarts au-delà de 85 ans.

La catégorie des « seniors actifs et retraités en bonne santé » (surtout des 65-75 ans) constitue aujourd’hui le segment le plus important de la Silver Économie en taille de marché, avec un mode de consommation relativement proche des 25-60 ans ; ils sont la cible principale pour des produits et services permettant d’anticiper les risques en termes d’état de santé (aménagement, équipement, adaptation de l’habitat, apprentissage des outils numériques) ; pourtant, rares sont ceux qui dès 60 ans investissent dans la prévention et l’adaptation des conditions de vie au risque de perte d’autonomie (se sentant plus jeunes qu’ils ne le sont, les 60- 75 ans sous-estiment les risques)

 

La fragilité n’empêche pas de consommer mais nécessite un accès à une offre de biens et services adaptée aux limitations physiques ou cognitives ; seuls 21% des 80 ans et plus ont bénéficié au moins d’un aménagement du logement ; deuxième vecteur important pour le maintien à domicile, l’accès aux lieux stratégiques et aux services de proximité ; enfin, la composition domestique renforce elle aussi les inégalités, les personnes seules étant plus exposées.  Ces trois vecteurs sont déterminants pour permettre le maintien à domicile. Ils supposent le développement d’infrastructures publiques pour tous.

 

La catégorie socioprofessionnelle – très liée au revenu disponible – semble elle aussi jouer un rôle important. En 2003, les cadres ont une espérance de vie à 65 ans plus longue que toutes les autres catégories socioprofessionnelles (19 ans en moyenne, 22 ans si c’est une femme), 3 ans de plus qu’un ouvrier ; un homme cadre vit en moyenne 4 ans de plus en bonne santé qu’un ouvrier ; à partir de 65 ans, un cadre peut espérer vivre la moitié du reste de sa vie sans limitations fonctionnelles (1/3 pour les ouvriers).

Les agriculteurs ont une espérance de vie après 65 ans relativement élevée (17,8 ans) mais dès qu’un indicateur de bonne santé est introduit, ils se trouvent rapidement déclassés : ils peuvent espérer vivre 38% du reste de leur vie sans limitations fonctionnelles, soit moins que les professions indépendantes ou les employés, dont l’espérance de vie après 65 ans est pourtant inférieure (respectivement 17,4 ans et 16,8 ans).

 

Les inégalités sont également accentuées dans les capacités de financement pour faire face à la dépendance, puisque les personnes déclarent des difficultés croissantes à équilibrer leur budget à mesure qu’augmente leur fragilité.

 

Si l’on raisonne en termes de capacité à consommer, trois segments de population peuvent être identifiés :

Un premier segment ne pouvant financer lui-même les biens ou services de la Silver Économie ; des solutions doivent être pensées pour l’aider à acquérir les biens les plus importants pour la santé (notamment dans le domaine de la prévention et de la prise en charge de la dépendance) ;

– Un deuxième segment, les très riches disposant de revenu et patrimoine permettant de consommer biens et services haut de gamme, des produits intensifs en technologies, des services très personnalisés comme les services de conciergerie

– Le dernier segment constitue le cœur du marché de la Silver Économie, c’est-à-dire les individus ayant la capacité de consommer des produits et services adaptés dans une gamme de prix raisonnables, mais pour lesquels les besoins engendrés par la perte d’autonomie peuvent être difficiles à financer.

 

Quelques marchés clé

 

-Services bancaires et assurantiels pour les seniors : essentielle est la disponibilité des produits financiers (épargne, crédits, assurance). En novembre 2012, 14% des crédits à la consommation sont le fait de plus de 65 ans (17% pour l’ensemble de la population) ; ils sont principalement dévolus à l’accès aux loisirs, à l’aménagement de l’habitation et à l’équipement en ordinateur

 

-Le viager : 83% des vendeurs en viager ont entre 65 et 90 ans, avec un âge moyen de 69,5 ans ; selon l’enquête Patrimoine (2009-2010), environ 27 000 ménages sont propriétaires d’un bien acheté en viager (en 2006, 0,32% de l’ensemble des ventes de logements anciens). Les logements anciens vendus en viager nécessitent davantage de travaux que la moyenne (dans 40 % des cas, contre 31 % dans le cas général).

 

-L’assurance dépendance : la France compte 1,2 million de personnes dépendantes au titre de la grille AGGIR ; d’ici à 2015, le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus pourrait doubler.

La prise en charge d’une personne dépendante vivant à domicile a un coût moyen estimé à 1 800€ par mois ; lorsque la personne est placée dans un établissement, le coût varie entre 2 200 et 2 900€ ; le retraité dépendant moyen perçoit un revenu de 1 700€ au titre de sa retraite et de l’APA exigeant une prise en charge (solidarité familiale, assurances, services publics)

En 2010, 5,5 millions de personnes seraient couvertes contre le risque dépendance, tous contrats confondus avec un  montant de cotisations annuelles de 538M€ et 166M€ de prestations versées ; en 2011, 1,7 million de personnes ont souscrit un contrat, les 2/3 une couverture de la dépendance lourde et le tiers restant a préféré une couverture plus large incluant la dépendance partielle.

 

-Le tourisme : en France, le nombre de séjours moyen des 65 ans et plus s’établit à 2,4 par an, la deuxième tranche d’âge la plus voyageuse après les 50-65 ans ; c’est aussi la catégorie d’âge qui part le plus longtemps en vacances. Au niveau européen, entre 2006 et 2011, l’accroissement du nombre de touristes est porté exclusivement par les seniors (+ 10 %). Le nombre de leurs séjours et leur durée est également en progression, ainsi que leurs dépenses qui ont atteint 20 % du total des dépenses de tourisme européen.

Les seniors pratiquent des séjours plus longs (résidence secondaire notamment) ; ils partent en toutes saisons ; les plus de 75 ans réservent des séjours aux montants plus élevés. Les seniors occupent une part importante de la clientèle (voyage en autocar, croisière, camping-car;  la clientèle hôtelière est composée pour 45% de seniors

Les pratiques touristiques des seniors relevées par l’INSEE s’appuient sur des services en rapport avec « leur condition physique et leur système de valeurs » ; le contact humain est primordial, ainsi que le confort et la sécurité ; sont privilégiés, outre la demande culturelle, le sport (marche, randonnée) et le soin du corps (insuffisamment développé en zone urbaine pour les seniors, surtout ceux en perte d’autonomie, pour lesquels ce soin est d’emblée traité sur le plan médical).

 

-Services à la personne : en 2011, 4,5 millions de ménages ont bénéficié de services à la personne, dont 3,4 millions « à domicile » (le reste est constitué du recours aux assistants maternels). 60 % des heures prestées le sont pour les personnes âgées ou dépendantes, 3 % pour les gardes de malades, 3 % pour les aides aux handicapés. 53% ont plus de 65 ans et en couple (64 %).